« Le monde doit nous voir témoigner cette foi commune en Jésus, dans notre façon d’œuvrer ensemble », affirment le pape François et l’archevêque de Cantorbéry Justin Welby, primat de l’Eglise anglicane, dans la Déclaration commune qu’ils ont signée le 5 octobre 2016 en l’église Saint-Grégoire al Celio à Rome. Ils exhortent les anglicans et catholiques à « travailler ensemble pour protéger et préserver notre maison commune » et à « être unis dans cette cause commune qui consiste à soutenir et défendre la dignité de tous les hommes ».
Voici notre traduction intégrale de cette Déclaration commune, 50 ans après celle du pape Paul VI et du primat de l’Eglise anglicane Michael Ramsey. Après eux, Jean-Paul II avait signé aussi une Déclaration en octobre 1989 avec l’archevêque Robert Runcie ainsi qu’en décembre 1996 avec l’archevêque George Carey. Et Benoît XVI en avait signé une en mars 2012 avec l’archevêque Rowan Williams.
Déclaration commune
De sa sainteté le pape François
Et de sa Grâce Justin Welby Archevêque de Canterbury
Il y a cinquante ans, nos prédécesseurs, le pape Paul VI et l’archevêque Michael Ramsey, se rencontrèrent dans cette ville, rendue sacrée par le ministère et le sang des apôtres Pierre et Paul. Puis, le pape Jean Paul II et les archevêques Robert Runcie e George Carey, le pape Benoît XVI et l’archevêque Rowan Williams ont prié ensemble dans cette église San Gregorio al Celio, d’où le pape Grégoire envoya Augustin évangéliser les anglo-saxonnes. En pèlerinage aux tombes de ces apôtres et saints Pères, catholiques et anglicans se reconnaissent les héritiers du trésor de l’évangile de Jésus Christ et de l’appel à le partager avec le monde entier. Nous avons reçu la Bonne Nouvelle de Jésus Christ à travers les saintes vies d’hommes et de femmes qui ont prêché l’évangile par la parole et le geste, et nous avons été chargés, et motivés par l’Esprit Saint, à être des témoins du Christ « jusqu’aux extrémités de la terre » (Actes 1,8). Nous sommes unis par la même conviction qu’aujourd’hui « les extrémités de la terre » ne représentent pas seulement un terme géographique mais un appel à apporter le message salvifique de l’Evangile tout particulièrement à ceux qui vivent en marge et aux périphéries de nos sociétés.
Au cours de leur rencontre historique de 1966, le pape Paul VI et l’archevêque Ramsey ont décidé d’instituer une Commission internationale anglicane-catholique pour poursuivre un dialogue théologique sérieux qui, « fondé sur les évangiles et les traditions anciennes communes, conduise à cette unité dans la Vérité pour laquelle le Christ a prié ». Cinquante ans plus tard, nous rendons grâce pour les résultats de la commission internationale anglicane-catholiques qui a étudié les doctrines, objets de divisions tout au long de l’histoire, dans une perspective nouvelle de respect et de charité mutuels. Aujourd’hui nous remercions pour les documents d’ARCIC II, que nous examinerons, et attendons les conclusions d’ARCIC III, qui tente un nouveau chemin face aux nouvelles situations et aux nouveaux défis de notre unité.
Il y a cinquante ans, nos prédécesseurs ont reconnu que de « sérieux obstacles » entravaient le chemin qui porte au rétablissement d’un partage complet de la foi et de la vie sacramentelle entre nous. Néanmoins, fidèles à la prière du Seigneur que ses disciples soient Un, ils ne se sont pas découragés et se sont lancés, sans savoir si des pas auraient été accomplis chemin faisant. Il y a eu de grands progrès dans tant de domaines où nous gardions nos distances. Toutefois, de nouvelles circonstances ont apporté de nouveaux désaccords entre nous, concernant notamment l’ordination des femmes et d’autres questions plus récentes relatives à la sexualité humaine. Derrière ces divergences, se pose l’éternelle question de l’autorité et de son exercice au sein de la communauté chrétienne. Ces éléments sont quelques uns des aspects problématiques qui constituent de sérieux obstacles à notre pleine unité. Comme nos prédécesseurs, nous ne voyons pas encore de solutions à ces obstacles devant nous, mais nous ne nous décourageons pas. Avec confiance et joie en l’Esprit Saint, nous espérons que le dialogue, et l’engagement réciproque, approfondira notre compréhension et nous aidera à discerner la volonté du Christ pour son Eglise. Nous avons foi en la grâce de Dieu et en la Providence, nous savons que l’Esprit Saint ouvrira de nouvelles portes et nous guidera vers la vérité tout entière (cf. Jean 16,13).
Les divergences évoquées ne peuvent nous empêcher de nous reconnaître mutuellement des frères et des sœurs en Jésus Christ, en raison de notre baptême commun. Elles ne devraient même jamais constituer un frein dans notre recherche et notre joie à retrouver une foi chrétienne profonde et la sainteté dans les traditions de l’autre. Ces divergences ne sauraient nous amener à diminuer nos efforts œcuméniques. La prière du Christ durant la Cène pour que tous soient un (cf. Jean 17,20-23) est un impératif pour ses disciples aujourd’hui, comme elle le fut jadis, au moment imminent de sa passion, de sa mort et sa résurrection, et à la naissance de son Eglise, qui en découle. Nos divergences ne devraient pas gêner non plus notre prière commune : non seulement nous pouvons prier ensemble, mais devons prier ensemble, en exprimant la foi et la joie que nous partageons en l’Evangile du Christ, dans les anciennes professions de foi et dans la puissance de l’amour de Dieu, rendu visible par l’Esprit Saint, pour surmonter tout péché et toute division. Avec nos prédécesseurs, nous exhortons donc notre clergé et nos fidèles à ne pas négliger ou sous-estimer cette communion qui, bien qu’imparfaite, se révèle sûre, et que nous partageons déjà.
La foi que nous partageons et notre joie commune en l’Evangile sont plus grandes et plus profondes que nos divergences. Le Christ a prié afin que ses disciples puissent tous être un, « pour que le monde croie » (Jean 17,21). Le vif désir d’unité que nous exprimons dans cette Déclaration Commune est étroitement lié à notre désir commun que les hommes et les femmes arrivent à croire que Dieu a envoyé son Fils, Jésus, dans le monde, pour le sauver du mal qui opprime et affaiblit la création entière. Jésus a donné sa vie par amour et, en ressuscitant d’entre les morts, il a triomphé de la mort. Les chrétiens, qui ont embrassé cette foi, ont rencontré Jésus et la victoire de son amour dans leurs propres vies, et sont poussés à partager avec autrui la joie de cette Bonne Nouvelle. Notre capacité à nous réunir dans la louange et la prière à Dieu, et à témoigner au monde, repose sur la confiance que nous partageons une foi commune et, substantiellement, un accord dans la foi.
Le monde doit nous voir témoigner cette foi commune en Jésus, dans notre façon d’œuvrer ensemble. Nous pouvons et nous devons travailler ensemble pour protéger et préserver notre maison commune : en vivant, instruisant et agissant de manière à favoriser une fin rapide de la destruction environnementale qui est une offense au Créateur et dégradant pour ses créatures ; en générant des modèles de comportement individuels et sociaux qui favorisent un développement durable et intégral pour le bien de tous. Nous pouvons et nous devons être unis dans cette cause commune qui consiste à soutenir et défendre la dignité de tous les hommes. La personne humaine est déclassée par le péché personnel et social. Dans une culture de l’indifférence, des murs d’éloignement nous isolent des autres, de leurs luttes et de leurs souffrances, dont pâtissent aujourd’hui tant de nos frères et sœurs en Jésus Christ. Dans une culture du gaspillage, la vie des plus vulnérables est souvent marginalisée et rejetée. Dans une culture de la haine, nous assistons à d’indicibles actes de violence, souvent justifiés par une compréhension déformée du crédo religieux. Nous foi chrétienne nous porte à reconnaître la valeur de toute et à l’honorer en faisant oeuvre de miséricorde, en offrant de l’instruction, des soins médicaux, de la nourriture, de l’eau propre et un refuge, en cherchant toujours à résoudre les conflits et construire la paix. En tant que disciples du Christ, nous pensons que la personne humaine est sacrée et en tant qu’apôtres du Christ nous devons être ses avocats.
Il y a cinquante ans le pape Paul VI et l’archevêque Ramsey s’inspirèrent des paroles de l’apôtre Paul: « oubliant ce qui est en arrière, et lancé vers l’avant, je cours vers le but en vue du prix auquel Dieu nous appelle là-haut dans le Christ Jésus » (Philippiens 3,13-14). Aujourd’hui, « ce qui est en arrière » – de douloureux siècles de séparation – a été partiellement guéri par cinquante ans d’amitié. Nous rendons grâce pour ces cinquante ans du Centre anglican à Rome, destiné à être un lieu de rencontre et d’amitié. Nous sommes devenus des amis et des compagnons de route, affrontant les mêmes difficultés et nous renforçant mutuellement, apprenant à apprécier les dons que Dieu a donnés à l’autre et à les recevoir comme étant les siens, avec humilité et gratitude.
Nous sommes impatients de progresser pour pouvoir être pleinement unis et proclamer à tous, par la parole et le geste, l’Evangile salvifique et purificateur du Christ. Si bien que nous accueillons comme un grand encouragement la rencontre de ces derniers jours entre les nombreux pasteurs catholiques et anglicans de la commission internationale anglicane-catholique pour l’unité et la mission (IARCCUM). Ces derniers, sur la base de tout ce qui vous unis et que des générations de chercheurs de l’ARCIC ont minutieusement ramené à la surface, ont le vif désir de poursuivre leur mission : collaborer et témoigner jusqu’aux « extrémités de la terre ». Aujourd’hui nous avons la joie de leur confier cette tâche et de les envoyer deux par deux, comme le seigneur envoya les 72 disciples. Que leur mission œcuménique pour ceux qui se trouvent en marge de la société soit un témoignage pour nous tous, et que de ce lieu sacré, comme la Bonne Nouvelle dans un siècle lointain, sorte le message que catholiques et anglicans livreront ensemble pour faire écho à la foi commune dans le Seigneur Jésus Christ, pour apporter « réconfort » dans la souffrance, et « paix » là où il y a conflit, « dignité » là où celle-ci est niée et bafouée.
En cette Eglise de Saint Grégoire Le Grand, nous invoquons vivement la bénédiction de la Très Sainte Trinité sur la poursuite du travail de l’ARCIC et du IARCCUM, et sur tous ceux qui prient et contribuent au rétablissement de l’unité entre nous.