Les réfugiés et les migrants, spécialement le sort des enfants non-scolarisés, et les causes de leur exode forcé, ont été au cœur de la rencontre entre le pape François et Filippo Grandi, diplomate italien, Haut-commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, en visite au Vatican, jeudi 15 septembre 2016, au moment où l’UNHCR publiait son Rapport sur la situation scolaire de millions d’enfants réfugiés, jugée « particulièrement négligée ». Selon ce Rapport, environ 3,7 millions d’enfants réfugiés ne vont pas à l’école,alors qu’ils sont 6 millions à être en âge d’être scolarisés. Il fait aussi apparaître que 90% des réfugiés le sont dans des pays hors de l’Europe.
Radio Vatican en italien a interviewé Filippo Grandi après sa rencontre avec le pape : une « voix indispensable ».
« Naturellement, dit-il, cette rencontre fut l’occasion extraordinaire de dire au pape combien sa voix publique est indispensable pour la cause que nous défendons, pour la cause de millions de réfugiés, de personnes déplacées, fuyant guerres et persécutions. Son message de solidarité est fondamental aujourd’hui. Etre allé à Lesbos et avoir ramené à Rome des réfugiés ayant débarqué en Grèce, fut un de ses nombreux gestes. Ces remerciements et la confirmation que le pape poursuit ses efforts en faveur des réfugiés, étaient les points clefs de notre rencontre où le Saint-Père a également exprimé son inquiétude face aux fermetures, au refus, au manque de solidarité de tant de gouvernements. »
Il dévoilé les questions à l’ordre du jour : « Nous avons discuté de la manière de répondre à cette crise mondiale. Je pars maintenant à New York où, pour la première fois, lundi prochain, à l’assemblée générale de l’ONU, un sommet de chefs d’Etat et de gouvernement s’occupera de la question des déplacements de populations, autrement dit des réfugiés et des migrants, dans le monde entier. C’est donc un moment favorable pour en débattre. Nous avons convenu, avec le pape, qu’il est très important que ce débat ne soit pas focalisé sur les refoulements et le contrôle, mais sur une recherche de solutions en s’attaquant à la racine des problèmes. J’ai dit au pape que les questions fondamentales – et il le dit lui aussi – sont la pauvreté, l’emploi. Comme a dit le pape plusieurs fois, le travail est important, la dignité du travail mais aussi l’autonomie que donne un emploi, et l’éducation et, puis, la paix, surtout la paix, qui manque en tant d’endroits en Afrique, au Moyen Orient et ailleurs. »
Il a aussi été question du nouveau dicastère pour le développement intégral : « Le pape, il y a quelques jours, a créé un dicastère pour le Développement humain qui, m’a-t-il expliqué, entre dans le cadre des réformes qu’il a entreprises dans l’Eglise, et il m’a confirmé qu’il s’occuperait personnellement de la question des réfugiés. Pour moi, c’est un signal fort, important, dont nous sommes très contents. Je représente une institution des nations unies, notre travail est donc juridique, institutionnel, politique, opérationnel, et la figure du pape projette cette cause dans une dimension morale universelle qui est très très importante. C’est aspect fut au cœur de nos échanges. »
En vue du sommet de l’ONU des 19 et 20 septembre 2016, il rappelle les chiffres de la scolarité des jeunes réfugiés : « Tout d’abord, des chiffres, dont j’ai d’ailleurs parlé avec le pape: Seule la moitié des enfants réfugiés vont à l’école primaire, 22% seulement continuent dans le secondaire et 1% seulement des enfants arrivent jusqu’à l’université. C’est grave. Tous les enfants ont droit à une instruction, d’autant plus les enfants réfugiés qui vivent une situation d’exil, donc déracinés de leur cadre de vie habituel. Ils sont vulnérables d’un point de vue social et économique, et ont besoin d’une éducation solide pour forger leur personnalité, surtout dans cette situation d’exil, mais pour se préparer aussi à un avenir où leur condition de réfugiés finira, soit qu’ils rentrent chez eux – qui serait ce qu’il y a de mieux – soit qu’ils soient accueillis ailleurs. La santé, l’alimentation, la maison : ces trois choses sont très importantes. Je ne dis pas qu’il ne faut pas les donner aux réfugiés, mais qu’on ne le fasse pas au détriment de l’éducation qui est un besoin tout aussi primordial, primaire et urgent. »
Il évoque la « géographie » de l’urgence : « Si vous étudiez cette vaste région qui va du Moyen Orient « élargi » jusqu’en Afghanistan, qui comprend l’Afrique du nord et l’Afrique sub-saharienne – au moins la partie nord – au moins 12 conflit sont en cours, 12guerres, dont certaines de très longue date, en Afghanistan par exemple, d’autres plus récentes, comme en République centrafricaine et dans le sud Soudan … Et ces conflits ont un impact terrible sur les civils qui fuient par millions! Hélas, la Syrie est un de ces pays et celui qui produit le plus de réfugiés mais, comme vous dites, ce n’est pas le seul! Et tous ces conflits ont besoin avant tout d’attention politique, pour trouver des solutions, puis besoin de ressources pour faire face aux conséquences. Je viens de rentrer d’Ouganda, de pays limitrophes avec le sud Soudan, une jeune nation ravagée. Nous nous apprêtons à accueillir le millionième réfugié sud-soudanais, et cela en l’espace de quelques mois. Ces crises sont des crises oubliées, nous avons malheureusement très peu de ressources pour les affronter et les pays voisins en font les frais. On parle beaucoup de la crise en Europe, mais n’oublions pas que 90% des réfugiés, des déplacés, et autres personnes en fuite, se trouvent dans des pays extérieurs à l’Europe, dans des pays qui ont moins de ressources. »
Filippo Grandi reçu par le pape François, 15 sept. 2016 © L'Osservatore Romano
Réfugiés: le pape François reçoit le Haut-commissaire Filippo Grandi
90% des réfugiés le sont dans des pays hors de l’Europe