Mgr Ivan Jurkovic, © wikipedia

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ONU: le Saint-Siège demande de mieux protéger les droits des personnes âgées

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Intervention de Mgr Jurkovic (traduction intégrale)

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Les personnes âgées « enrichissent la société », elles sont « une source de sagesse et une grande ressource », a affirmé Mgr Ivan Jurkovic, observateur permanent du Saint-Siège, lors de la 33ème Session du Conseil sur les droits humains, sur les droits des personnes âgées, à Genève, le 14 septembre 2016. « Les arrangements existants pour protéger les droits humains des personnes âgées sont inadéquats », a-t-il dénoncé en plaidant pour « des mesures spécifiques pour fortifier le régime de protection international ».
Aujourd’hui, a constaté Mgr Jurkovic, « les personnes âgées sont face à un certain nombre de défis particuliers ». Et de citer « l’un des défis les plus pressants » : « la pauvreté » et même l’extrême pauvreté, « les conditions de vie souvent inadéquates » et le « niveau de vie relativement faible des personnes âgées par rapport à d’autres segments de la population ».
« Dans une société souvent dominée par la logique de l’efficacité et du profit, les personnes âgées peuvent facilement être considérées comme improductives et inutiles », a poursuivi le diplomate. « Les personnes âgées ont une richesse de compétences et d’expériences, elles ont vécu des situations que les autres ne peuvent même pas imaginer et pourtant nous continuons à rejeter ces vies d’expériences quand elles commencent à avoir besoin de soins et de soutien ; et au contraire, ces personnes deviennent une liste de besoins en soins ».
Mgr Jurkovic a demandé d’impliquer les personnes âgées « dans la prise de décision sur leur vie et leur intégration sociale » : « que d’autres ne prennent la responsabilité de déterminer leurs soins que quand se vérifie la preuve qu’elles sont incapables de le faire ». « Vivre plus longtemps, a-t-il conclu, ne doit jamais être considéré comme une exception, un fardeau ou un défi, mais doit être reconnu comme une véritable bénédiction.
AK
Déclaration de Mgr Jurkovic
Monsieur le Président,
Ma délégation est reconnaissante pour le rapport de l’expert indépendant sur la jouissance de tous les droits de l’homme par les personnes âgées. Tel que présentée dans le rapport, la population des personnes âgées représente la plus forte croissance de la population mondiale. « En 2050, pour la première fois, il y aura plus de personnes âgées que d’enfants de moins de 15 ans dans le monde entier, et l’on prévoit que le nombre de personnes âgées va plus que doubler, passant de 900 millions actuellement à près de 2 milliards ». Dans un monde qui vit une transformation démographique critique, les personnes âgées sont face à un certain nombre de défis particuliers dans la question de la jouissance de leurs droits humains qui doit être abordés de toute urgence. Les défis majeurs, résumés par l’expert indépendant dans le domaine des soins de santé, du droit au travail, de la protection sociale, de l’accès à la justice, de la violence et des abus, de la participation des personnes âgées et leur discrimination croissante, représentent un grave problème pour le Saint-Siège .
L’un des défis les plus pressants pour le bien-être des personnes âgées est la pauvreté, y compris les conditions de vie souvent inadéquates. Comme il est souligné dans le rapport, « la pauvreté et le manque de sécurité du revenu constituent des préoccupations majeures pour de nombreuses personnes âgées. Les transferts sociaux, en particulier des pensions adéquates, contribuent de manière significative à assurer la sécurité financière des personnes âgées et sont un moyen approprié de réduire le taux de risque de pauvreté, de vulnérabilité et d’exclusion sociale ». Les pensions sont essentielles pour assurer les droits, la dignité et la sécurité du revenu des personnes âgées. Le droit à la sécurité du revenu dans la vieillesse, tel qu’il est fondé dans les instruments des droits de l’homme et des normes internationales du travail, inclut le droit à une pension adéquate. Cependant, « près de la moitié de toutes les personnes ayant dépassé l’âge de la retraite ne reçoivent pas de pension. Pour beaucoup de celles qui reçoivent une pension, les niveaux de pension ne sont pas suffisants. » (1) En conséquence, la plupart des femmes et des hommes plus âgés du monde n’ont pas la sécurité du revenu, n’ont pas le droit de prendre leur retraite et doivent continuer de travailler aussi longtemps que possible – souvent avec une faible rémunération et dans des conditions précaires. Pourtant, en dépit de faibles niveaux de revenu, les personnes âgées peuvent être les principaux fournisseurs pour les foyers et les premiers fournisseurs de soins, y compris pour le soin des petits-enfants et d’autres membres de la famille.
Monsieur le Président,
Dans une société souvent dominée par la logique de l’efficacité et du profit, les personnes âgées peuvent facilement être considérées comme improductives et inutiles. Plusieurs États ont reconnu le niveau de vie relativement faible des personnes âgées par rapport à d’autres segments de la population, y compris la prévalence de la pauvreté, et même de l’extrême pauvreté.
Dans le secteur des soins de santé, les patients âgés sont habituellement renvoyés avec des problèmes médicaux complexes, un stress élevé et une vulnérabilité, et ces facteurs font courir un risque aux personnes âgées à faibles revenus. Des soins transitoires, comme des programmes de planification de sortie, facilitent le processus de soins lors du passage de l’hôpital à la maison. L’accès durable aux soins de santé peut être réalisé grâce à des politiques plus fortes dans le renforcement des soins primaires et en aidant les familles, y compris grâce à des subventions financières, à prendre soin de leurs parents à la maison.
Les personnes âgées ont une richesse de compétences et d’expériences, elles ont vécu des situations que les autres ne peuvent même pas imaginer et pourtant nous continuons à rejeter ces vies d’expériences quand elles commencent à avoir besoin de soins et de soutien ; et au contraire, ces personnes deviennent une liste de besoins en soins. Au niveau macro, les personnes âgées contribuent financièrement à la société et à leur lieu de travail, et à un niveau local, elles contribuent à leurs communautés et réseaux individuels en termes d’expérience. Elles ont également contribué pendant de nombreuses décennies, ce qui est souvent oublié. Dans la Déclaration politique et le Plan d’action international de Madrid sur le vieillissement (2002), les États ont prévu le droit humain des personnes âgées à participer à tous les aspects de la société, en soulignant les droits au travail, à la santé, à l’indépendance et à l’accessibilité.
Conformément au Plan d’action de Madrid, le Saint-Siège considère de la plus haute importance de garder les personnes âgées engagées dans la prise de décision sur leur vie et leur intégration sociale. Souvent, ces décisions sont déléguées à d’autres, même si les personnes âgées sont compétentes pour décider et discerner leur meilleur intérêt. Le respect de leur dignité humaine et de leurs droits exige qu’elles soient engagées dans de telles décisions et que d’autres ne prennent la responsabilité de déterminer leurs soins que quand se vérifie la preuve qu’elles sont incapables de le faire. Rendre les villes ouvertes aux personnes âgées signifie générer des opportunités pour leur participation économique et sociale dans des environnements accessibles et sécurisés.
Comme l’a déclaré le pape François, une société qui ne prend pas soin des personnes âgées n’a pas d’avenir. «Les personnes âgées sont celles qui nous transmettent l’histoire, qui transmettent la doctrine, qui transmettent la foi et nous les donne comme un héritage » (2). Le Saint-Siège considère comme essentiel la promotion de politiques et de systèmes d’éducation qui proposent une approche alternative à la « culture du jetable » dominante, qui juge les êtres humains tout simplement par ce qu’ils produisent. Trop souvent, les personnes âgées se sentent inutiles et seules parce qu’elles ont perdu leur place dans la société.
Monsieur le Président, vivre plus longtemps ne doit jamais être considéré comme une exception, un fardeau ou un défi, mais doit être reconnu comme une véritable bénédiction. Les personnes âgées enrichissent la société et leur présence positive et constructive dans la société a de la valeur. Les personnes âgées sont une source de sagesse et une grande ressource. La qualité d’une société, d’une civilisation, peut également être jugée à la façon dont elle traite ses personnes âgées et à la place qui leur est réservée dans la vie communautaire. Les arrangements existants pour protéger les droits humains des personnes âgées sont inadéquats et des mesures spécifiques pour fortifier le régime de protection international sont nécessaires. Ayant à l’esprit la résolution 67/139 de l’Assemblée générale du 20 décembre 2012, sur la nécessité de renforcer la protection des droits humain des personnes âgées, le Saint-Siège souhaite que les divergences existantes soient bientôt surmontées, étant donné les millions de personnes âgées dans l’attente que leurs droits humains deviennent une réalité.
Je vous remercie, Monsieur le Président.
© Traduction de Zenit, Constance Roques

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Constance Roques

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