« Le monde a besoin de pardon », a assuré le pape François en exhortant les baptisés à privilégier « l’amour du Père, non pas notre prétendue justice ». A la chapelle de la Portioncule d’Assise, le 4 août 2016, il a appelé à « offrir le témoignage de la miséricorde dans le monde d’aujourd’hui », une tâche à laquelle personne « ne peut se soustraire ».
Au cours d’un pèlerinage de deux heures à Assise, dans la ville de saint François, le pape argentin a rappelé que « Dieu ne se lasse pas d’offrir toujours son pardon chaque fois que nous le demandons ». « C’est un pardon plein, total, a-t-il ajouté. Le pardon de Dieu ne connaît pas de limites ; il dépasse toute imagination ».
Mais le pape a souligné la difficulté de l’homme à pardonner à son tour « face à notre frère qui nous causé un petit tort ». « Quand nous sommes, nous, en dette avec les autres, nous voulons la miséricorde ; quand, au contraire, nous sommes créanciers nous invoquons la justice ! (…) Cela ne peut être le style de vie des chrétiens ».
« Le chemin du pardon peut vraiment renouveler l’Église et le monde », a affirmé le pape François, constatant que « trop de personnes vivent enfermées dans la rancœur et couvent la haine, parce qu’incapables de pardon, ruinant leur propre vie et celle d’autrui au lieu de trouver la joie de la sérénité et de la paix ».
Ce pèlerinage du pape avait lieu dans le cadre du Jubilé de la miséricorde et du VIIIe centenaire du « Grand pardon » d’Assise par lequel les pèlerins se rendant à la Portioncule reçoivent l’indulgence plénière. Un privilège obtenu par saint François en 1216. La chapelle Sainte-Marie-de-la-Portioncule, qui compte parmi les premiers lieux franciscains, a été restaurée par le fondateur des franciscains. C’est là que le Poverello comprit sa vocation et que les premiers frères autour de lui accentuèrent la dimension contemplative de leur vie.
AK
Méditation du pape François
Chers frères et sœurs,
J’aimerais rappeler aujourd’hui, avant tout, les paroles que, selon une antique tradition, saint François a prononcées ici même, devant tout le peuple et devant les évêques : « Je désire vous envoyer tous au paradis ». Que pouvait le Petit Pauvre d’Assise demander de plus beau, sinon le don du salut, de la vie éternelle avec Dieu et de la joie sans fin, que Jésus a obtenu pour nous par sa mort et sa résurrection ?
Le paradis, d’ailleurs, qu’est-ce sinon ce mystère d’amour qui nous lie pour toujours à Dieu pour le contempler sans fin ? L’Église, depuis toujours, professe cette foi lorsqu’elle dit qu’elle croit dans la communion des saints. Nous ne sommes jamais seuls en vivant la foi ; les saints et les bienheureux nous font compagnie, ainsi que nos proches qui ont vécu avec simplicité et joie la foi et en ont témoigné dans leur vie. Il y a un lien invisible, mais pas pour autant moins réel, qui fait de nous « un seul corps », en vertu de l’unique Baptême reçu, animés par un « seul Esprit » (cf. Ep 4, 4). Peut-être saint François, lorsqu’il demandait au Pape Honorius III le don de l’indulgence pour ceux qui venaient à la Portioncule, avait-il à l’esprit ces paroles de Jésus aux disciples : « Dans la maison de mon Père, il y a de nombreuses demeures ; sinon, vous aurais-je dit : ‘Je pars vous préparer une place ?’ Quand je serai parti vous préparer une place, je reviendrai et je vous emmènerai auprès de moi, afin que là où je suis, vous soyez, vous aussi » (Jn 14, 2-3).
Le chemin du pardon est certainement le chemin principal à suivre pour rejoindre cette place au Paradis. Il est difficile depardonner – Comme cela nous coûte de pardonner aux autres, pensons-y un peu ! – Et ici à la Portioncule tout parle de pardon ! Quel grand don nous a fait le Seigneur en nous enseignant à pardonner – o almeno avere la voglia di farci perdonare – pour nous faire toucher de la main la miséricorde du Père ! Nous avons écouté il y a quelques instants la parabole par laquelle Jésus nous a enseigné à pardonner (cf. Mt 18, 21-35).
Pourquoi devrions-nous pardonner à une personne qui nous a fait du mal ? Parce qu’en premier nous avons reçu le pardon, et infiniment plus. Il n’y a personne parmi nous, ici, qui n’ait été pardonné ; pensons en silence à ce que nous avons fait de mal et que le Seigneur nous a pardonné. La parabole nous dit exactement ceci : comme Dieu nous pardonne, de même nous devons nous aussi pardonner à qui nous fait du mal – c’est la caresse du pardon, le cœur qui pardonne caresse. C’est si loin de ce geste (il fait un geste de revanche) : tu me le paieras ! Le pardon est un autre geste – Précisément comme dans la prière que Jésus nous a enseignée, le Notre Père, lorsque nous disons : « Remets-nous nos dettes comme nous-mêmes nous remettons leurs dettes à nos débiteurs » (Mt 6, 12). Les dettes sont nos péchés devant Dieu, et nos débiteurs sont ceux à qui nous devons pardonner, nous aussi.
Chacun de nous pourrait être ce serviteur de la parabole qui a une grande dette à payer, mais tellement grande qu’il ne pourrait pas s’en sortir. Nous aussi, quand au confessionnal, nous nous mettons à genoux devant le prêtre, nous ne faisons que répéter le même geste du serviteur. Nous disons : « Seigneur, sois patient avec moi » – Et vous, avez-vous parfois pensé à la patience de Dieu ? Il est patient avec nous – Nous savons bien, en effet, que nous sommes pleins de défauts et que nous retombons souvent dans les mêmes péchés. Néanmoins, Dieu ne se lasse pas d’offrir toujours son pardon chaque fois que nous le demandons. C’est un pardon plein, total, par lequel il nous donne l’assurance que, bien que nous puissions retomber dans les mêmes péchés, lui a pitié de nous et ne se lasse pas de nous aimer. Comme le patron de la parabole, Dieu s’apitoie, c’est-à-dire qu’il éprouve un sentiment de pitié mêlé de tendresse : c’est une expression pour indiquer sa miséricorde envers nous. Notre Père, en effet, s’apitoie toujours quand nous nous repentons, et il nous renvoie à la maison le cœur tranquille et serein, en nous disant qu’il nous a tout remis et tout pardonné.
Le pardon de Dieu ne connaît pas de limites ; il dépasse toute imagination et rejoint quiconque, dans l’intime du cœur, reconnaît avoir commis une faute et veut retourner à lui. Dieu regarde le cœur qui demande à être pardonné.
Le problème, malheureusement, survient quand nous nous trouvons face à notre frère qui nous causé un petit tort. La réaction que nous avons écoutée dans la parabole est très expressive : « Il se jeta sur lui pour l’étrangler, en disant : ‘Rembourse ta dette’ » (Mt 18, 28). Dans cette scène, nous trouvons tout le drame de nos relations humaines. Quand nous sommes, nous, en dette avec les autres, nous voulons la miséricorde ; quand, au contraire, nous sommes créanciers nous invoquons la justice ! Et nous faisons tous comme cela, tous.
Cela, ce n’est pas la réaction du disciple du Christ et cela ne peut être le style de vie des chrétiens. Jésus nous enseigne à pardonner, et à le faire sans limites : « Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix fois sept fois » (v. 22). En somme, ce qu’il nous propose, c’est l’amour du Père, non pas notre prétendue justice. S’arrêter à cela, en effet, ne nous ferait pas reconnaître comme des disciples du Christ, qui ont obtenu miséricorde au pied de la croix seulement en vertu de l’amour du Fils de Dieu. N’oublions donc pas les paroles sévères par lesquelles se conclut la parabole : « C’est ainsi que votre Père du Ciel vous traitera, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère du fond du cœur » (v. 35).
Chers frères et sœurs, le pardon dont saint François s’est fait le « canal » ici à la Portioncule continue de « générer le paradis » encore après huit siècles. En cette Année Sainte de la Miséricorde, il devient encore plus évident que le chemin du pardon peut vraiment renouveler l’Église et le monde.
Offrir le témoignage de la miséricorde dans le monde d’aujourd’hui est une tâche à laquelle personne d’entre nous ne peut se soustraire. Le monde a besoin de pardon ; trop de personnes vivent enfermées dans la rancœur et couvent la haine, parce qu’incapables de pardon, ruinant leur propre vie et celle d’autrui au lieu de trouver la joie de la sérénité et de la paix. Demandons à saint François d’Assise d’intercéder pour nous, afin que nous ne renoncions jamais à être d’humbles signes de pardon et des instruments de miséricorde.
Et nous pouvons prier là-dessus, chacun comme il le sent, et j’invite les frères et les évêques à aller dans les confessionnaux, et j’irai moi aussi, pour être à disposition pour le pardon. Cela nous fera du bien de le recevoir aujourd’hui, ici, ensemble. Que le Seigneur nous donne la grâce de dire cette parole que le Père ne nous laisse pas terminer, celle qu’a dite le fils prodigue : « Père j’ai péché… » Il lui a fermé la bouche, il l’a embrassé. Nous commençons à dire et lui nous touche la bouche, il nous revêtira. – Mais Père demain, j’ai peur de recommencer – Mais reviens ! Le Père regarde toujours la route, attendant que revienne le fils prodigue, et nous le sommes tous. Que le Seigneur nous donne cette grâce !
© Librairie éditrice du Vatican et Zenit, Constance Roques, pour les passages improvisés
Pape François à la Portioncule d'Assise © CTV
"Le monde a besoin de pardon", lance le pape à Assise
Méditation à la chapelle de la Portioncule (texte intégral)