Memorial de Tsitsernakaberd, WIKIMEDIA COMMONS - Serouj Ourishian

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Le génocide arménien, un avertissement pour toutes les nations

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Conférence de presse dans l’avion Erevan-Rome (3)

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« Je ne l’ai jamais dit avec l’intention d’offenser, plutôt objectivement », c’est ainsi que le pape a expliqué l’utilisation qu’il a faite du mot « génocide » dans son discours au Palais présidentiel à Erevan, en Arménie, vendredi dernier, 24 juin 2016. Il explique ‘il voulait pointer du doigt le silence des nations devant les génocides du XXe siècle: un avertissement pour aujourd’hui.
Il a répondu « avec beaucoup de sincérité et de profondeur », selon les paroles du père Lombardi, à cette question « délicate » lors de la conférence de presse dans l’avion le ramenant d’Erevan à Rome le dimanche soir 26 juin. Ce même jour, le père Federico Lombardi S.J. directeur de la salle de presse du Saint-Siège, avait répondu aux questions des journalistes sur la protestation de la Turquie après l’emploi du terme « génocide ». Dans l’avion le pape a répondu à une question de Jean-Louis de la Vaissière, de l’AFP, à ce sujet.
« Dans ce discours [en Arménie], au début il n’y avait pas le mot, c’est vrai, a confirmé le pape, et je réponds pourquoi je l’ai ajouté. Après avoir entendu le ton du discours du président, et aussi avec mon passé quant à ce mot, et après avoir prononcé ce mot l’an dernier à Saint-Pierre, publiquement, cela aurait paru très étrange de ne pas employer le même, au moins. »
Le pape a expliqué dans quel contexte il avait utilisé ce terme en Argentine.
« En Argentine, quand on parlait de l’extermination arménienne, on employait toujours le mot « génocide », a-t-il dit. Je n’en connaissais pas d’autre. Et dans la cathédrale de Buenos Aires, sur le troisième autel à gauche, nous avons mis une croix en pierre en souvenir du « génocide arménien ». L’archevêque est venu, les deux archevêques arméniens, le catholique et l’apostolique, et ils l’ont inaugurée. En outre, l’archevêque apostolique, dans l’église catholique Saint-Barthélémy, une autre [église], a fait un autel en mémoire de saint Barthélémy [l’évangélisateur de l’Arménie]. Mais toujours… je ne connaissais pas d’autre terme. Je viens avec ce mot. »
Quand le pape est arrivé à Rome, il a entendu « l’autre terme, « le Grand Mal » ou « la tragédie terrible », en langue arménienne [Metz Yeghern], « que je ne sais pas prononcer » avoue-t-il. « Et on me dit que le mot de génocide est offensif, qu’il faut dire l’autre ».
« J’ai toujours parlé des trois génocides du siècle dernier, toujours trois, a affirmé le pape. Le premier, l’arménien, ensuite celui d’Hitler et le dernier, celui de Staline. Les trois. Il y en a d’autres, plus petits. Il y en a eu un autre en Afrique [Ruanda]. Mais dans l’orbite des deux grandes guerres, il y a ces trois-là. Et j’ai demandé pourquoi certaines personnes disent : « Certains pensent que ce n’est pas vrai, que cela n’a pas été un génocide ».
Le pape a reçu une explication d’un avocat qui l’a « beaucoup intéressée : « le mot génocide est un terme technique, c’est un terme qui a un caractère technique, qui n’est pas synonyme d’extermination. On peut dire extermination, mais déclarer un génocide comporte des actions de dédommagement et d’autres choses du même genre ».
Enfin, l’année dernière, quand le pape préparait le discours pour la célébration du 12 avril à Rome, il a vu que Jean-Paul II avait employé ce mot: « il a utilisé les deux : « le Grand Mal » et « génocide ». Et j’ai repris ce dernier entre guillemets, a raconté le pape François. Et ce n’est pas bien tombé : une déclaration du gouvernement turc a été faite ; la Turquie, en quelques jours, a rappelé à Ankara son ambassadeur … Mais elle en a le droit : nous avons tous le droit de protester ».
En concluant, le pape a dit que, selon lui, les grandes puissances internationales étaient coupables de ne pas réagir à la tragédie arménienne.
« Je voulais souligner autre chose, a-t-il dit, et je crois, si je ne me trompe pas, que j’ai dit : « Dans ce génocide, comme dans les deux autres, les grandes puissances internationales regardaient ailleurs ». Et c’est celle-là l’accusation. Pendant la Seconde guerre mondiale, certaines puissances avaient des photos des voies ferrées qui menaient à Auschwitz : elles auraient eu la possibilité de bombarder et elles ne l’ont pas fait. C’est un exemple. Dans le contexte de la Première guerre, lorsqu’il y a eu le problème des Arméniens, et dans le contexte de la Seconde guerre, avec le problème d’Hitler et de Staline, et après Yalta, les camps et tout cela, personne ne parle ? Il faut souligner cela et poser la question historique : pourquoi ne l’avez-vous pas fait ? Vous, les puissances – je n’accuse pas, je pose une question. »
« Je ne sais pas si c’est vrai, a-t-il ajouté, mais j’aimerais voir si c’est vrai, que quand Hitler persécutait tellement les juifs, une des choses qu’il aurait dite, c’est : « Mais qui se souvient aujourd’hui des Arméniens ? Faisons la même chose avec les juifs !’ Je ne sais pas si c’est vrai, c’est peut-être une rumeur, mais j’ai entendu dire cela. Que les historiens cherchent et voient si c’est vrai. »
Avec une traduction de Constance Roques
 
 
 
 

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Marina Droujinina

Journalisme (Moscou & Bruxelles). Théologie (Bruxelles, IET).

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