« Que le Seigneur nous enseigne à nous arrêter », dit le pape François en commentant l’Evangile du Bon Samaritain.
Le pape François s’est rendu à la « Villa Nazareth » de Rome, samedi 18 juin, à 17h, et il a commenté la parabole du Bon Samaritain (Luc 10, 25-37).
Ce centre a été fondé il y a 70 ans par le cardinal Domenico Tardini, secrétaire d’Etat de 1958 à 1961, pour venir en aide aux enfants pauvres orphelins de guerre. Il a été élevé au rang de « Collège » par le saint pape Jean XXIII en 1963. Il est géré par la Fondation Tardini présidée par le cardinal Achille Silvestrini et permet à des enfants de familles très modestes de poursuivre leurs études.
Le vice-président de la fondation, Mgr Claudio-Maria Celli a accueilli le pape à la Villa Nazareth.
« Je souhaite vraiment, a dit notamment le pape, que cette œuvre reste une œuvre porteuse de témoignage, un centre de témoignage; de témoignage pour tout le monde. De témoignage pour les personnes qui la côtoient ou qui en entendent parler … un témoignage. C’est ce que je souhaite. »
Et, actualisant son commentaire du Bon Samaritain, il a ajouté: « Et que le Seigneur nous délivre des bandits – il y en a tellement! –, qu’il nous libère des prêtres trop pressés, qui n’ont jamais le temps d’écouter, de voir, doivent faire leurs choses ; qu’Il nous libère des docteurs qui veulent présenter la foi en Jésus Christ comme une règle mathématique; et qu’Il nous enseigne à nous arrêter, qu‘il nous enseigne cette sagesse de l’Evangile : « se salir les mains ». Que le Seigneur nous donne cette grâce. »
Après son discours le pape a aussi répondu aux question avec la liberté de dialogue qui le caractérise.
Voici notre traduction du commentaire du Bon Samaritain.
A.B.
Discours du pape François
Il y a beaucoup de personnages dans ce passage de l’Evangile : celui qui pose la question » qui est mon prochain ? », Jésus, puis les bandits, le pauvre à moitié mort sur le bord de la route, le prêtre, puis le docteur de la loi, peut-être un avocat [le « lévite »], et le restaurateur, l’aubergiste.
Dans la parabole, ni le prêtre, ni le docteur de la loi, ni le samaritain, ni l’aubergiste, ne savaient probablement répondre à la question « qui est mon prochain ? »; ils ne savaient peut-être même pas comment il était , ce qu’était un « prochain ». Le prêtre était pressé, comme tous les prêtres. Il a regardé sa montre et s’est dit : « Je dois dire la messe », ou bien, tant de fois: « J’ai laissé l’église ouverte, je dois la fermer, car l’heure c’est l’heure et je ne peux pas rester ici ». Le docteur de la loi, un homme pratique, a dit: « Si je me mêle de ça, demain je devrai aller au tribunal témoigner, dire ce que j’ai fait, je perds deux, trois jours de travail … Non, non, il vaut mieux… ». Vive Ponce Pilate ! Et hop Il est parti ! L’autre, par contre, [le samaritain] le pécheur, l’étranger qui ne faisait pas vraiment partie du peuple de Dieu, s’est ému: « eut de la compassion », et s’arrêta. Tous les trois – le prêtre, l’avocat et le samaritain – savaient bien ce qu’ils avaient à faire. Et chacun a pris sa propre décision. J’aime bien repenser à l’aubergiste: lui c’est monsieur tout-le-monde. Il a tout regardé, tout vu, sans rien comprendre. « Mais cet homme est fou! Un samaritain qui aide un juif! Il est fou! Et puis, avec ses mains il guérit ses plaies et l’amène ici à l’auberge et me dit: ‘Prends soin de lui, je te paierai tout ce que tu auras dépensé en plus …’. Je n’ai jamais rien vu de semblable, c’est un fou! ». Et cet homme a reçu la parole de Dieu: dans le témoignage. De qui? Du prêtre ? Non, car il ne l’a pas vu; de l’avocat ? Non plus. Du pécheur, un pécheur qui a eu de la compassion ! « Ah, vous entendez ça? Un pécheur, oui, qui n’était pas fidèle au peuple de Dieu, mais il a fait preuve de pitié ». Et il ne comprenait rien. Il est resté avec son doute, curieux peut-être de savoir: « Mais que s’est-il passé ici, bizarre … ». Avec de l’inquiétude au fond de lui. Voilà ce que fait le témoignage. Le témoignage de ce pécheur a semé l’inquiétude dans le cœur de cet aubergiste; et qu’est-il devenu, l’Evangile ne le dit pas, ni même son nom. Mais chez cet homme, sûrement … – sûrement car quand l’Esprit Saint sème, il fait grandir – la curiosité, l’inquiétude, s’est sûrement mise à monter. Il l’a laissé grandir dans son cœur et a reçu le message du témoignage. Puis le lendemain, le samaritain est repassé; il a sûrement payé quelque chose. Ou alors l’aubergiste lui a dit: « Non, laisse, laisse: je le prends sur mon compte ». Ceci fut peut-être sa première réaction après le témoignage.
Et pourquoi est-ce que je m’arrête aujourd’hui sur ce personnage, sur cette personne? Car notre témoignage n’est pas quelque chose que l’on calcule – je ne sais pas comment dire ça –. Le témoignage c’est vivre de manière à ce que les autres « voient ce que vous faites de bien et rendent gloire à Dieu qui est aux cieux » (cf. Mt 5,16), c’est-à-dire de manière à ce qu’ils rencontrent le Père, aillent vers Lui … Ce sont les paroles de Jésus.
J’ai entendu beaucoup de choses sur Villa Nazareth: « Il y a telle ou telle chose … », mais je ne connaissais pas bien. Puis Mgr Celli m’a dit des choses … C’est un travail où l’on favorise le témoignage. On vient ici, non pas pour « gravir les échelons », ni pour gagner de l’argent, non, mais pour suivre les traces de Jésus, témoigner de lui, semer le témoignage. Discrètement, sans explications, dans les faits … Reprendre le langage des gestes. Et cet aubergiste est sûrement au ciel, c’est certain! Car le grain a sûrement poussé et donné du fruit. Il a vu quelque chose qu’il n’aurait jamais imaginé voir un jour. Le témoignage c’est ça ! Il passe et s’en va. Vous le laissez où il est et vous partez. Seul le Seigneur veille sur lui, le fait grandir, comme il fait pousser le grain : alors que le maître dort, la plante grandit.
Je souhaite vraiment que cette œuvre reste une œuvre porteuse de témoignage, un centre de témoignage; de témoignage pour tout le monde. De témoignage pour les personnes qui la côtoient ou qui en entendent parler … un témoignage. C’est ce que je souhaite. Et que le Seigneur nous délivre des bandits – il y en a tellement! –, qu’il nous libère des prêtres trop pressés, qui n’ont jamais le temps d’écouter, de voir, doivent faire leurs choses ; qu’Il nous libère des docteurs qui veulent présenter la foi en Jésus Christ comme une règle mathématique; et qu’Il nous enseigne à nous arrêter, qu‘il nous enseigne cette sagesse de l’Evangile : « se salir les mains ». Que le Seigneur nous donne cette grâce. Merci.
(c) Traduction de Zenit, Océane Le Gall
Visite à la Villa Nazareth, 18 juin 2016, L'Osservatore Romano
"Que le Seigneur nous enseigne à nous arrêter", comme le Bon Samaritain
Visite du pape à la « Villa Nazareth » pour enfants défavorisés (traduction complète)