Les dons et l’appel de Dieu sont irrévocables (Romains 11, 29) : c’est le titre d’un nouveau document de la Commission pontificale pour les rapports religieux avec le judaïsme qui indique notamment les objectifs du dialogue entre l’Eglise catholique et le judaïsme, et en particulier la lutte contre l’antisémitisme.
Il a été publié au Vatican ce jeudi 10 décembre, à midi, en français, anglais, italien, espagnol et allemand.
Cette publication survient au moment de la fête juive de Hanoucca (6-14 décembre), qui exprime la victoire de la Lumière de la Torah.
Anniversaire de « Nostra ӕtate »
Le document a été élaboré pour marquer le 50e anniversaire de la Déclaration conciliaire Nostra ӕtate sur les rapports de l’Eglise avec le judaïsme et avec les autres religions.
Le document a été présenté par le cardinal Kurt Koch, président de la Commission pontificale pour les rapports religieux avec le judaïsme ; par le P. Norbert Hofmann, S.D.B., secrétaire de ce même dicastère ; par le rabbin David Rosen, directeur international des Affaires interreligieuses de l’American Jewish Committee (AJC), de Jérusalem (Israël) ; par le Dr. Edward Kessler, directeur fondateur de l’Institut Woolf, de Cambridge (Royaume-Uni).
Le document rassemble « des réflexions sur des questions théologiques concernant les relations catholico-juives à l’occasion du 50e anniversaire de Nostra ӕtate (n. 4) ».
Le cardinal Koch souligne que ce 4e document de la Commission pour le dialogue religieux avec le judaïsme n’est pas un document du « magistère » théologique mais il entend stimuler la réflexion théologique ultérieure. Il signale par exemple que le rapport incontournable entre le judaïsme et la « Terre », Eretz, devra être approfondi. C’est un document catholique à l’usage des catholiques.
Sa septième section indique les objectifs du dialogue entre l’Eglise catholique et le judaïsme (n. 44-49).
Lutte contre l’antisémitisme
Le n. 47 insiste sur la lutte commune contre l’antisémitisme : « Un autre objectif important du dialogue juif-catholique consiste dans un engagement commun s’opposant à toutes manifestations de discrimination raciale contre les juifs et toutes formes d’antisémitisme », y compris contre « les formes les plus imperceptibles d’antisémitisme ».
« Nous avons assisté à la tragédie humaine de la Shoah qui a coûté la vie aux deux tiers des juifs d’Europe », rappelle le document, cité par le cardinal Koch.
Le document invoque les racines juives du christianisme : « Nos deux traditions de foi sont appelées à exercer ensemble une vigilance incessante, tout en étant attentives aussi aux questions sociales. Au nom des solides liens d’amitié entre juifs et catholiques, l’Église catholique se sent tenue de faire avec ses amis juifs tout ce qui est en son pouvoir pour contrecarrer les tendances antisémites. Le Pape François a souligné maintes fois qu’un chrétien ne peut pas être antisémite, notamment à cause des racines juives du christianisme. »
La Bible, la formation des prêtres et des jeunes
« Le premier objectif du dialogue est l’approfondissement de la connaissance mutuelle entre juifs et chrétiens » (n. 44). Cela inclut la collaboration aux études bibliques : « Dans la préface du Cardinal Joseph Ratzinger au document de la Commission biblique pontificale de 2001 intitulé Le peuple juif et ses Saintes Écritures dans la Bible chrétienne, il est souligné combien les chrétiens respectent l’interprétation juive de l’Ancien Testament. Il y est mis en évidence que “les chrétiens peuvent apprendre beaucoup de l’exégèse juive pratiquée depuis plus de 2000 ans ; en retour, les chrétiens peuvent espérer que les juifs pourront tirer profit des recherches de l’exégèse chrétienne”. Dans le champ de l’exégèse, nombreux sont désormais les chercheurs juifs et chrétiens qui travaillent ensemble et trouvent cette collaboration mutuellement enrichissante, précisément parce qu’ils appartiennent à des traditions religieuses différentes. »
Un effort qui doit se poursuivre dans le domaine de la formation des prêtres et de l’éducation des jeunes (n. 45) : « Les changements fondamentaux dans les rapports entre chrétiens et juifs initiés par Nostra Ætate (n. 4) doivent également être portés à la connaissance des générations futures et être reçus et diffusés par elles. »
Les œuvres de miséricorde
Puis il y a « l’engagement pour la justice et la paix dans le monde, la préservation de la création et la réconciliation » (n .46), qui inclut le travail pour le respect de la liberté religieuse : « La paix en Terre Sainte – qui fait défaut et pour laquelle nous prions constamment – joue un rôle de premier plan dans le dialogue entre juifs et chrétiens. »
« La sphère sociale et caritative présente un champ d’activité fécond, puisque tant l’éthique juive que chrétienne font un impératif du soutien aux pauvres, aux plus défavorisés et aux malades », continue le n. 48.
Le document site un exemple de collaboration dans ces domaines en Argentine : « Lors de la grave crise financière de 2004 en Argentine, la Commission pour les relations religieuses avec le judaïsme et le Comité juif international pour les consultations interreligieuses (IJCIC) ont uni leurs efforts pour organiser des soupes populaires pour les plus démunis et les sans-abri et pour fournir des repas aux enfants appauvris, qui ont pu ainsi continuer à fréquenter l’école. »
Le document encourage un engagement actif : « La plupart des Églises chrétiennes ont de grandes organisations caritatives et il en existe de même dans le judaïsme : ces organisations pourraient travailler ensemble pour venir en aide aux indigents. (…) Juifs et chrétiens ne peuvent tout simplement pas accepter la pauvreté et la souffrance humaine ; ils sont appelés au contraire à s’engager activement pour résoudre ces problèmes. »
En citant saint Jean-Paul II, le paragraphe 49 souligne qu’en « coopérant côte à côte, les juifs et les chrétiens devraient s’efforcer d’œuvrer pour un monde meilleur » : « S’adressant aux représentants du Comité central juif en Allemagne et de la Conférence rabbinique, le 17 novembre 1980 à Mayence, c’est à cette coopération que Saint Jean-Paul II appelait : “Juifs et chrétiens, les uns et les autres fils d’Abraham, sont appelés à être une bénédiction pour le monde, dans la mesure où ils s’engagent ensemble pour la paix et la justice de tous les hommes, et où ils le font en plénitude et en profondeur, comme Dieu lui-même l’a pensé pour nous, et avec la disponibilité au sacrifice que ce noble projet peut exiger.” »