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Migrations : la priorité, c'est de sauver des vies, par Mgr Tomasi

Intervention du Saint-Siège à l’ONU (traduction complète)

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Pour le Saint-Siège, la priorité, dans la crise actuelle des migrations, c’est de « sauver des vies » et ceci « quel que soit leur statut migratoire ».

Mgr Silvano M. Tomasi, représentant permanent du Saint-Siège auprès des Nations unies et d’autres organisations internationales à Genève, est en effet intervenu lors de la 106e session du Conseil de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), le 26 novembre 2015, à Genève.

« Les migrants représentent une invitation à regarder de nouveau les relations internationales et notre solidarité comme une seule famille de nations, de telle sorte que les inégalités injustes et la violence ne puissent pas perturber la coexistence pacifique », estime Mgr Tomasi. 

Il insiste sur la réciprocité: « Les migrants peuvent être des bâtisseurs de ponts entre les cultures, apportant leur contribution dans les travaux durs, leur énergie et de nouvelles idées. Mais il est indispensable qu’ils acceptent les droits humains fondamentaux pour le développement d’une intégration réussie ainsi que pour la réussite d’une histoire d’enrichissement mutuel et de confiance renouvelée dans l’avenir. »

Voici notre traduction intégrale de l’intervention de Mgr Tomasi.

A.B

Intervention de Mgr Tomasi

Monsieur le Président,

Ma délégation tient à remercier le directeur général pour son rapport exhaustif et à vous féliciter, Monsieur l’Ambassadeur Bertrand de Crombrugghe, ainsi que le Bureau du Conseil, pour votre élection ; elle exprime sa reconnaissance envers Monsieur Eddico, Ambassadeur du Ghana, pour son travail en tant que Président du Conseil au cours de l’année dernière. En outre, nous souhaitons la bienvenue à la République démocratique de Sao Tomé-et-Principe, la Fédération de Saint-Christophe-et-Niévès, l’Érythrée, Sainte-Lucie et la République des Kiribati, en tant que nouveaux membres de l’OIM.

Monsieur le Président,

De violents conflits et de profondes inégalités persistent dans de nombreuses régions du globe accélérant un grand déplacement de populations. En conséquence, nous sommes face à environ 240 millions de migrants internationaux, dont plus de 60 millions ont été déplacés de force. La mobilité humaine est une mégatendance de notre époque. Elle ne se limite pas à la Méditerranée ; c’est un défi mondial que la communauté internationale doit relever avec une stratégie politique concertée et des valeurs humanitaires communes, plutôt que par une rhétorique populiste. Cette « année des migrants » est un moment déterminant pour l’évolution de nos sociétés. L’Agenda 2030 pour le développement durable, récemment adopté, montre clairement que la communauté internationale a fait un effort remarquable pour agir comme une véritable famille des nations. Cependant, les récentes attaques terroristes ont déplacé l’attention publique et politique du développement à la sécurité. La réponse à la migration risque d’être compromise, devenant insuffisante et désordonnée.

Monsieur le Président,

Tandis que nous nous réunissons aujourd’hui, des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants tentent de trouver leur chemin vers des refuges sûrs. La mondialisation a permis une libre circulation de l’argent et du commerce des biens et des services ; mais en ce qui concerne la mobilité humaine – et surtout celle des migrants et des réfugiés dans le besoin – d’énormes obstacles demeurent. Le remède commence par une évaluation réaliste des aspects positifs de ce phénomène. Les migrants fournissent une solide contribution à la société d’accueil à travers les impôts qu’ils paient, la population qualifiée et non qualifiée qu’ils représentent, et l’équilibre qu’ils apportent dans les situations démographiques des populations d’accueil vieillissantes. Plus qu’à une crise du nombre, nous sommes confrontés à une crise de la confiance et de la solidarité. Une gestion éclairée de la migration nécessite une mobilisation de la volonté politique et une vision pour adopter des solutions viables et d’avenir.

1. Avant tout, la priorité doit être de sauver des vies, quel que soit leur statut migratoire. Se contenter de fermer les frontières et de construire des barrières augmente la vulnérabilité des migrants en transit, donnant aux trafiquants d’êtres humains des opportunités pour poursuivre leur activité criminelle. Au lieu de cela, former les responsables pour l’application des lois à traiter avec dignité les migrants en transit, et investir dans des partenariats transfrontaliers en vue d’une évaluation rapide et équitable de leur statut, est une approche plus efficace.         

2. Si nous souhaitons traiter les causes profondes qui déclenchent les déplacements, nous devons d’abord aborder les éléments déstabilisateurs dans les pays d’origine des flux actuels de personnes déplacées. Cela peut nécessiter, entre autres choses, de soutenir des processus graduels de paix pour mettre fin aux conflits en cours et répondre à la souffrance humanitaire en créant et en renforçant des zones de sécurité où les civils soient protégés contre les actes de violence aveugle, ou en prenant la responsabilité de la protection partout où les terroristes agissent en toute impunité. Sans de telles mesures, on ne pourra pas éviter les exodes massifs.

3. Les centres d’accueil et le bon fonctionnement des systèmes d’asile, ainsi que des canaux sûrs et légaux d’émigration créés sans faire de présélection en fonction du milieu ou de l’origine, tout en assurant que les populations vraiment pauvres sont aidées et protégées de manière efficace contre de nouvelles pressions et de nouveaux abus, rendront les flux actuels plus ordonnés et bénéfiques.

4. Tel qu’il a été rapporté par le directeur général, « le débat sur la migration est aujourd’hui largement unilatéral, mettant l’accent sur le court terme et sur un objectif de sécurité forte, guidé par les craintes et des stéréotypes destructeurs ». À cet égard, il serait utile que la prochaine conférence sur l’environnement, la COP21, examine les conséquences sur la population de la dégradation environnementale. « L’augmentation du nombre de migrants fuyant la misère, accrue par la dégradation environnementale, est tragique », observe le pape François. « Ces migrants ne sont pas reconnus comme réfugiés par les conventions internationales et ils portent le poids de leurs vies à la dérive, sans aucune protection légale. Malheureusement, il y a une indifférence générale face à ces tragédies qui se produisent en ce moment dans diverses parties du monde. Le manque de réactions face à ces drames de nos frères et sœurs est un signe de la perte de ce sens de responsabilité à l’égard de nos semblables, sur lequel se fonde toute société civile. »

5. La migration internationale est une question très sensible car elle touche à la souveraineté et à l’identité nationale. Par conséquent, il est important de rétablir la confiance dans les politiques migratoires et dans les institutions. L’Objectif de développement durable 16, du Programme de développement 2030, vise à « promouvoir l’avènement de sociétés pacifiques et ouvertes aux fins du développement durable, assurer l’accès de tous à la justice et mettre en place à tous les niveaux des institutions efficaces, responsables et ouvertes ». Cet objectif ne peut être atteint sans une mobilisation efficace du multiculturalisme et la diversité.

6. Enfin, un manque de volonté politique pour traiter les mouvements de population actuels de manière objective et constructive au niveau international et national, serait en contradiction avec la nécessité impérieuse de gérer les migrations en vue du bien commun. Comme le rappelle le pape François dans son message pour la Journée mon
diale des migrants et des réfugiés 2016 : « En ce moment de l’histoire de l’humanité, fortement caractérisé par les migrations, la question de l’identité n’est pas une question d’une importance secondaire. Celui qui migre, en effet, est contraint de modifier certains aspects qui définissent sa personne et, même s’il ne le veut pas, force celui qui l’accueille à changer. » Les nouveaux arrivants et les populations locales peuvent développer ensemble une identité plus riche. Cependant, l’intégration exige l’acceptation de certaines valeurs de base qui permettent une coexistence pacifique et constructive : le respect mutuel, la liberté de conscience, la séparation de la religion et de la politique, la démocratie et l’acceptation de tous les droits humains fondamentaux. Les villes et les gouvernements locaux sont en première ligne dans la gestion de l’intégration car ils sont les premiers à répondre à l’arrivée de migrants qui se déplacent de plus et plus dans le contexte urbain.

Monsieur le Président

En conclusion, les migrants représentent une invitation à regarder de nouveau les relations internationales et notre solidarité comme une seule famille de nations, de telle sorte que les inégalités injustes et la violence ne puissent pas perturber la coexistence pacifique. Les migrants peuvent être des bâtisseurs de ponts entre les cultures, apportant leur contribution dans les travaux durs, leur énergie et de nouvelles idées. Mais il est indispensable qu’ils acceptent les droits humains fondamentaux pour le développement d’une intégration réussie ainsi que pour la réussite d’une histoire d’enrichissement mutuel et de confiance renouvelée dans l’avenir.

Je vous remercie, Monsieur le Président.

© Traduction de Zenit, Constance Roques

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Silvano Maria Tomasi

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