On n’entre pas dans le sacerdoce ou dans la vie consacrée « par la fenêtre » explique le pape François, mais « par la Porte, qui est Jésus ».
Le pape François aux prêtres, aux consacrés, aux séminaristes du Kenya qu’il a rencontrés ce jeudi 26 novembre, à 13h45, sur le terrain de sport de l’école Saint Mary de Nairobi (Kenya).
Il a laissé de côté le message préparé pour improviser d’abondance du cœur ce message que nous avons saisi au vol, et nous avons conservé le style oral
Le pape les a notamment exhortés à ne jamais cesser de « pleurer » et de ne jamais abandonner la « prière ».
Le pape a remercié chacun : « Merci de votre présence, je voudrais vous parler en anglais mais mon anglais est pauvre. Je voudrais dire tant de choses à chacun de vous mais je préfère parler dans ma langue maternelle, en espagnol : ici il y a un bon traducteur, mille mercis de votre compréhension. »
Le Christ regarde et choisit
Il dit avoir été frappé par la lecture de saint Paul qui dit en substance que ce que Dieu a commencé il le porte ensuite à son accomplissement. Il commente : « Jésus nous a tous choisis. Il a commencé notre travail le jour de notre baptême, le jour où il nous a regardés, il a dit : « Si tu le veux, suis-moi ! Nous nous sommes mis en marche, mais le chemin c’est lui qui l’a commencé, ce n’est pas nous. » Il cite l’exemple d’une personne guérie qui voulait le suivre mais « le Christ lui a dit ‘non’ ». « Pour la vie consacrée, a expliqué le pape, on entre par la Porte et la Porte c’est le Christ, c’est lui qui fait le travail. Il y en a qui veulent entrer par la fenêtre. Cela ne va pas. Si vous avez un compagnon et une compagne qui est entré par la fenêtre, embrassez-le et dites lui qu’il vaut mieux qu’il aille servir le Christ ailleurs. Cela doit nous conduire à être conscients que nous avons été choisis. J’ai été regardé, j’ai été choisi. » Et le pape a cité le chapitre 16 du prophète Ezéchiel où Dieu dit, notamment : « Je t’ai pris avec moi » : « Voilà le chemin. Voilà l’œuvre du Seigneur qui nous a regardés. Certains ne savent pas pourquoi Dieu les appelle mais ils sentent que Dieu les appelle. Soyez sans crainte, Dieu vous fera comprendre pourquoi il vous appelés. Il y en a d’autres qui veulent suivre le Seigneur par intérêt. Souvenons-nous de la mère de Jacques et de Jean : « Seigneur je veux te demander que, quand tu partageras le gâteau, tu donnes la plus grande part à mes fils, l’un à ta droite l’autre à ta gauche ! »
On n’entre pas dans la vie consacrée par la fenêtre
Le pape débusque « l’ambition de l’argent » et « l’ambition du pouvoir » : « Tous nous pouvons dire quand on a commencé à suivre Jésus. Ensuite [l’ambition] a été semée dans le cœur et cela a grandi comme de la mauvaise herbe. Mais il n’y a pas de place dans le cœur pour les richesses ni pour être une personne importante dans le monde. Jésus, on le suit jusqu’au bout de sa vie terrestre, la croix et c’est lui qui te ressuscite ! »
Le pape reprend : « Je vous le dis maintenant sérieusement, parce que l’Eglise n’est pas un business, une ONG, l’Eglise est un mystère, le mystère du regard de Jésus sur chacun de nous qui dit : Viens ! Que ce soit clair que ceux que Jésus appelle doivent entrer par la porte, pas par la fenêtre, et suivre le chemin de Jésus. »
« Il me vient à l’esprit, a repris le pape, que Jésus, quand il nous choisit, il ne nous canonise pas, on continue à être les mêmes pécheurs. Je demanderais si ici il y a quelqu’un – un prêtre, un religieux, une religieuse – qui ne se sent pas pécheur. Qu’il lève la main ! Tous pécheurs ! Moi en premier et puis vous, mais ce qui nous fait avancer c’est la tendresse, l’amour de Jésus. Lui qui a commencé un bon travail le conduira à son accomplissement : c’est ce qui nous fait avancer. »
Ne cessez jamais de pleurer
Le pape a abordé la question du don des larmes qui est un leitmotiv de sa spiritualité – à l’école de saint Ignace de Loyola – : « Vous souvenez-vous, dans l’Evangile, quand l’apôtre Jacques a pleuré ? Ou l’apôtre Jean ? Non ! Et un autre des apôtres ? D’un seul l’Evangile dit qu’il a pleuré, quand il s’est rendu compte qu’il était un pécheur qui avait trahi son Seigneur, quand il s’est rendu compte de cela. Et puis Jésus l’a fait pape : alors qui comprend Jésus ? C’est un mystère. Ne cessez jamais de pleurer ! Quand un prêtre, un religieux, une religieuse, assèche ses larmes, il y a quelque chose qui ne va pas. Qu’il pleure pour son infidélité, la douleur du monde, les gens rejetés, les petits vieux abandonnés, les enfants assassinés, pour les choses que nous ne comprenons pas lorsqu’on nous demande « pourquoi » ? Aucun, parmi nous, n’a tous les « pourquoi », toutes les réponses aux « pourquoi ? ».
Un auteur russe se demandait pourquoi les enfants souffrent et à chaque fois que je salue un enfant souffrant d’une tumeur ou une maladie rare, je me demande pourquoi cet enfant souffre et je n’ai pas de réponse à cela. Je regarde Jésus sur la croix. Il y a des situations dans la vie qui nous conduisent à pleurer et à regarder Jésus sur la croix : c’est la seule réponse aux injustices, aux douleurs, aux situations difficiles de la vie. Saint Paul dit : « Souviens-toi de Jésus-Christ crucifié. » Quand un consacré, un prêtre oublie le Christ crucifié, le pauvre ! Il tombe dans un péché très laid, qui fait horreur à Dieu, qui fait vomir Dieu : le péché de tiédeur ! Prêtres, frères et sœurs, faites attention à ne pas tomber dans le péché de tiédeur ! »
Ne cessez jamais de prier
Le pape, comme dans son message préparé, insiste sur la prière : « Que vous dire d’autre ? Un message de mon cœur pour vous : que jamais vous ne vous éloigniez de Jésus ! Cela veut dire : ne cessez jamais de prier ! « Père, parfois c’est tellement ennuyeux de prier ! On se lasse, on s’endort ! » Très bien ! Dormez devant le Seigneur ! C’est une façon de prier ! Mais restez devant lui ! Priez, n’abandonnez pas la prière ! Un consacré qui abandonne la prière, son âme se dessèche, comme ces branches séchées qui ont un vilain aspect, l’âme d’un religieux, d’une religieuse, d’un prêtre qui ne prie pas est une âme laide, pardonnez-moi mais c’est comme cela. Est-ce que je prends sur le temps du sommeil pour prendre du temps pour la radio, la télévision, les revues, ou pour prier ou je préfère ces autres choses ? Il faut se mettre devant celui qui a commencé l’œuvre et l’achève pour chacun de nous. La prière ! »
Le pape exhorte aussi au service : « Tous ceux qui se sont laissés choisir par Dieu sont là pour servir le peuple de Dieu, pour servir les plus pauvres, les plus rejetés, les plus loin de la société : les enfants, les personnes âgées, les personnes qui n’ont pas conscience de l’orgueil et du péché dans lequel ils vivent ; pour servir Jésus. Se laisser choisir par Jésus, c’est se laisser choisir pour servir, pas pour être servi. Il y a environ un an il y a eu une rencontre de prêtres, – dans ce cas les religieux sont saufs ! Durant cette retraite, chaque jour il y avait un tour de prêtres pour servir à table. Certains se lamentaient : nous devons être servis, nous avons payé pour être servis. S’il vous plaît, jamais cela dans l’Eglise ! Pas se servir des autres mais servir ! Saint Paul dit que celui qui a commencé en vous cette bonne œuvre la conduira à son accomplissement jusqu’au jour de Jésus-Christ. Un cardinal âgé (un an de plus que moi…) disait que quand il allait dans des cimetières où reposent des m
issionnaires, des religieux, des religieuses qui ont donné leur vie, il se demandait : pourquoi cette personne n’est-elle pas canonisée demain ? Parce qu’ils ont passé leur vie à servir. Je m’émeus quand je rencontre ces prêtres, religieux, religieuses, qui depuis trente ans servent dans un hôpital, dans une mission, cela me touche l’âme : cette femme, cet homme a compris que servir Jésus c’est servir les autres, pas être servi par les autres. »
Et puis le pape a dit « merci ! » : « Je veux vous remercier. Vous allez dire que le pape est mal élevé : il a donné des conseils il ne nous dit même pas « merci ! » ! C’est la dernière chose que je veux vous dire, la cerise sur le gâteau je veux vraiment vous remercier de votre courage à suivre Jésus, merci pour chaque fois que vous vous sentez pécheur, pour chaque caresse de tendresse que vous donnez à qui en a besoin, pour chaque fois que vous avez aidé quelqu’un à mourir en paix. Merci de donner de l’espérance dans la vie. Merci parce que vous vous êtes laissés aider, corriger, pardonner chaque jour. »
Le pape a demandé aux consacrés de prier pour lui : « Je vous demande de ne pas oublier de prier pour moi parce que j’en ai besoin. Merci beaucoup ! »
Et de nouveau, après sa bénédiction, il a glissé : « Priez pour moi, n’oubliez pas ! »
Après le chant du Salve Regina, le pape a salué quelques religieuses puis il est ensuite revenu vers le micro – sous les applaudissements – pour annoncer qu’il allait rencontrer des enfants malades du cancer : « Merci pour ce bon moment que nous avons passé ensemble. Mais je dois m’en aller par cette porte parce qu’il y a des enfants souffrant du cancer, je voudrais les rencontrer. Merci pour tout ce que vous faites. Et les séminaristes, merci ! Vous êtes inclus dans tout ce que j’ai dit. Et si quelqu’un n’a pas le courage de faire ce chemin, prenez votre temps, et peut-être formera-t-il une bonne famille. »
Le pape avait été accueilli par Mgr Anthony Ireri Mukobo, IMC, président de la Commission des évêques du Kenya pour le clergé et les consacrés : « Karibu », « Bienvenue », en swahili, a-t-il dit, et c’est le leitmotiv de l’accueil réservé au pape François au Kenya. Mgr Mukobo s’est ému aux larmes quand le pape François l’a embrassé à la fin de son discours, plaisantant même avec lui.
Puis une célébration de la Parole – lecture, intercession, Notre Père – a été marquée par le témoignage du P. Felix Mabvuto Phiri, SMM (montfortain) et de Sœur Michael Marie Rottinghaus, présidente de l’association des consacrées du Kenya (AOSK, réseau de 156 instituts) qui a cité la phrase du pape François : « Qu’est-ce que ce serait, l’Eglise sans les sœurs ! », le remerciant de son affection pour les consacrées.