Birmanie : les familles traditionnelles menacées

Le card. Charles Bo membre du synode

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« Les familles sont encore très traditionnelles » en Birmanie, mais ce « mode de vie (…) est menacé », estime le cardinal Charles Bo, archevêque de Rangoun (Myanmar/Birmanie), membre du synode sur la famille.

Il réfléchit au « contexte particulier » du pays dans une interview accordée à Églises d’Asie, l’agence des Missions étrangères de Paris (EDA) le 28 septembre.

Mgr Bo parlera au Synode de la famille traditionnelle birmane qui reste encore « stable », mais commence à ressentir l’impact de l’ouverture du pays après les années du régime militaire. 

« Les gens se sentent maintenant très libres d’exprimer leur opinion, raconte Mgr Bo. Il y a plus d’offres d’emploi pour les travailleurs grâce à la croissance économique dans les villes. (…) Les familles ont bénéficié de l’ouverture du pays. »

En même temps, le développement des technologies de communication entraîne de nouveaux risques pour une famille traditionnelle. « Ces dernières années, la consultation des sites pornographiques a augmenté, note l’archevêque de Rangoun. Tout cela peut affecter nos familles qui sont très pieuses ainsi que les enfants qui ont traditionnellement beaucoup de respect pour leurs parents. Cela peut affecter les couples aussi. C’est inquiétant. »

Le mode de vie traditionnel change. « Même si c’est interdit, le nombre d’avortements augmente, déplore le cardinal. La fidélité n’est plus une valeur respectée comme auparavant. Le respect des enfants pour leurs parents n’est plus le même. C’est le résultat du développement économique et de l’essor des technologies de communication. »

Cette nouvelle situation a compliqué les problèmes existant déjà dans le pays. « Nos familles souffrent d’une grande pauvreté héritée du régime militaire, dit Mgr Bo. Beaucoup de travailleurs émigrent et partent travailler en Malaisie, en Thaïlande, en Corée du Sud ou encore au Japon. Les familles sont séparées. Nous avons donc un modèle traditionnel de la famille qui est très bon, mais qui souffre du fait de ces séparations et du manque d’éducation dans le pays. »

La situation des femmes est aussi complexe. « Des filles tombent dans la prostitution, raconte l’archevêque. Beaucoup de femmes birmanes sont vendues en Chine, à cause de la politique de l’enfant unique. Des Chinois les prennent pour femmes de manière temporaire. Parfois, elles reviennent en Birmanie après avoir donné naissance là-bas. Tous ces problèmes sont liés à la pauvreté. »

Le rôle de l’Église catholique est très important dans ce contexte particulier, estime Mgr Bo. « L’Église doit sensibiliser et guider les familles. Nous avons besoin de guides et de pasteurs, dit-il. Les enseignements moraux de l’Église ont toute leur importance dans ce contexte. L’Église va devoir accompagner davantage les familles. »

En ce qui concerne le modèle traditionnel de la famille, il n’est pas à discuter. « L’Église ne va pas aller contre ses principes, déclare le cardinal. Elle ne va pas remettre en cause l’indissolubilité du mariage. Mais elle va avoir davantage de compréhension et d’attention pastorale pour les remariés, pour ceux qui vivent en concubinage, ou pour les homosexuels, afin que personne ne se sente exclu. »

Cette ligne directrice introduite par le pape François est approuvée par l’archevêque de Rangoun. « Je pense qu’il faut avoir davantage d’attention pour ces gens. Il faut une approche compatissante », dit-il. « Il y a, en Birmanie également, des exemples de personnes dont le second mariage est très stable depuis des dizaines d’années, et qui ont des petits-enfants, explique Mgr Bo. Ils ne peuvent pas recevoir la communion quand ils vont à la messe le dimanche. Je crois que l’Église devrait autoriser ces personnes-là à recevoir le corps du Christ. Car le Christ est justement venu pour les pécheurs, les gens qui étaient en dehors des lois, les instables. De surcroît, dans le cas du remariage d’une personne, l’autre partie qui se marie pour la première fois n’a parfois rien à se reprocher. Personnellement, je suis pour que les divorcés remariés puissent communier. »

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Marina Droujinina

Journalisme (Moscou & Bruxelles). Théologie (Bruxelles, IET).

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