« Je suis venu ici en tant que pasteur, mais avant tout comme un frère, pour partager votre situation et la faire mienne. Je suis venu pour que nous puissions prier ensemble et offrir à notre Dieu tout ce qui nous cause de la peine, ainsi que tout ce qui nous donne du courage, et recevoir de lui la force de la résurrection » a déclaré, entre autres, le pape François aux détenus de Philadelphie (États-Unis).
Voici la traduction officielle de l’allocution du pape François devant les détenus de la prison de Curran-Fromhold – 2 400 personnes y sont incarcérées –, à Philadelphie, dimanche dernier, 25 septembre 2015.
Les détenus avaient reçu l’ordre de ne pas se lever et de ne pas embrasser le pape quand il passerait dans leurs rangs ; quelques courageux ont enfreint l’ordre, échangeant une accolade avec lui.
A.B.
Discours du pape François
Chers frères et sœurs, bonjour,
Je vais parler en espagnol parce que je ne connais pas l’anglais, mais lui [il montre l’interprète] il parle très bien l’anglais et il va [me] traduire. Je vous remercie de me recevoir et de m’offrir l’occasion d’être ici avec vous, partageant ce moment. C’est un temps difficile, un temps de tensions. Un temps, je le sais, qui est douloureux non seulement pour vous, mais pour vos familles et pour toute la société. Car, une société, une famille, qui ne sait pas partager les peines de ses enfants, qui ne le prend pas au sérieux, qui les voit comme une chose naturelle et les considère normales et prévisibles, est une société ‘‘condamnée’’ à demeurer otage d’elle-même, proie de tout ce qui la fait souffrir.
Je suis venu ici en tant que pasteur, mais avant tout comme un frère, pour partager votre situation et la faire mienne. Je suis venu pour que nous puissions prier ensemble et offrir à notre Dieu tout ce qui nous cause de la peine, ainsi que tout ce qui nous donne du courage, et recevoir de lui la force de la résurrection.
Je pense au passage de l’Evangile où Jésus lave les pieds de ses disciples lors de la dernière Cène. Une attitude que ses disciples ont eu du mal à comprendre, même Pierre a réagi, et lui a dit : « Tu ne me laveras pas les pieds » (Jn 13, 8).
A cette époque, c’était la coutume de laver les pieds aux gens lorsqu’ils arrivaient chez vous. N’importe quelle personne était toujours accueillie de cette manière. Car il n’y avait pas de routes asphaltées, c’étaient des routes couvertes de poussière, de petites pierres qui se collaient aux sandales. Tout le monde empruntait ces routes, qui couvraient de poussière les pieds, les meurtrissaient par des pierres ou les blessaient. Voilà pourquoi nous voyons Jésus laver les pieds, nos pieds, les pieds de ses disciples d’hier et d’aujourd’hui.
Nous savons tous que vivre, c’est marcher, vivre, c’est parcourir différentes routes, différents chemins, qui laissent leurs marques dans nos vies.
Et nous savons, par la foi, que Jésus va à notre recherche, il veut guérir nos blessures, guérir nos pieds des plaies d’une marche alourdie par la solitude, nous nettoyer de la poussière ramassée au long des chemins que chacun a dû parcourir. Jésus ne nous demande pas où nous avons été, il ne nous pose pas de questions sur ce que nous avons fait. Il nous dit plutôt : « Si je ne te lave pas, tu n’auras pas de part avec moi » (Jn 13, 8). Si je ne lave pas tes pieds, je ne serai pas en mesure de te donner la vie dont le Père a toujours rêvé, la vie pour laquelle il t’a créé. Il vient nous rencontrer, pour nous mettre de nouveau les sandales, restaurant notre dignité d’enfants de Dieu. Il veut nous aider à rétablir notre démarche, à reprendre notre route, à retrouver l’espérance, à restaurer notre foi et notre confiance. Il veut que nous retournions sur les chemins, à la vie, en sentant que nous avons une mission ; que ce temps de réclusion n’a jamais été et ne sera jamais synonyme d’expulsion.
Vivre suppose ‘‘se salir les pieds’’ au long des routes poussiéreuses de la vie et de l’histoire. Et tous, nous avons besoin d’être purifiés, d’être lavés. Tous ! Moi en premier. Tous, nous sommes recherchés par le Maître, qui veut nous aider à reprendre la route. Le Seigneur va à notre recherche pour nous tendre la main. Cela fait mal de voir des systèmes carcéraux qui ne se préoccupent pas de soigner les blessures, de soulager la peine, d’offrir de nouvelles possibilités. C’est douloureux de constater qu’on croit que seuls certains ont besoin d’être lavés, purifiés, ne reconnaissant pas que leur épuisement et leur peine, leurs blessures, sont aussi l’épuisement, la peine et les blessures de toute une société. Le Seigneur nous le montre clairement par un geste : laver les pieds et revenir à table. Une table de laquelle il ne veut que personne soit exclu. Une table qui est dressée pour tous et à laquelle nous sommes tous invités.
Ce temps dans votre vie ne peut avoir qu’une finalité : vous tendre la main pour reprendre la route, vous tendre la main pour vous aider à la réinsertion sociale. Une réinsertion dont nous sommes tous partie prenante, que nous sommes tous invités à encourager, accompagner et à rendre possible. Une réhabilitation recherchée et désirée par tous : détenus, familles, fonctionnaires, politiques sociales et éducatives. Une réhabilitation qui bénéficie à la morale de la communauté entière et l’élève en même temps que la société.
Je voudrais vous encourager à avoir cette attitude entre vous et envers toutes les personnes qui d’une façon ou d’une autre font partie de cet Institut. Soyez des gens qui forgent des opportunités, qui ouvrent des chemins, qui ouvrent de nouveaux chemins !
Nous avons tous quelque chose dont nous devons être lavés, et purifiés. Tous ! Que cette conscience nous éveille à la solidarité envers tous, nous incite à nous soutenir les uns les autres et à chercher le meilleur pour les autres.
Regardons Jésus, qui lave nos pieds, il est « le chemin, la vérité et la vie ». Il vient nous sauver du mensonge selon lequel personne ne peut changer, le mensonge selon lequel personne ne peut changer. Jésus qui nous aide à parcourir les sentiers de la vie et de l’épanouissement. Puisse la force de son amour et de sa résurrection être toujours un chemin de vie nouvelle !
Et ainsi, comme nous sommes en ce moment, chacun à sa place, assis, en silence, nous demandons au Seigneur de nous bénir. Que le Seigneur vous bénisse et vous protège ! Qu’il fasse briller son visage sur vous et qu’il vous montre sa grâce ! Qu’il vous révèle son visage et vous concède la paix ! Merci !
Intervention improvisée à la fin de la rencontre :
Le fauteuil que vous avez fait est très joli, très beau. Merci beaucoup pour le travail !
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