Le pape François évoque les « défis majeurs qui concernent la famille et auxquels le prochain Synode, à Rome, tentera de répondre », dans ce discours aux évêques du Bénin en visite ad limina qu’il a reçus ce 27 avril.
Il évoque aussi le dialogue avec l’islam, dans le sens du travail mené par des décennies par le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, sous la direction du cardinal français Jean-Louis Tauran: « Il est nécessaire de favoriser dans votre pays – bien sûr, sans renoncer en rien à la Vérité révélée par le Seigneur – la rencontre entre les cultures ainsi que le dialogue entre les religions, notamment avec l’Islam. Il est connu que le Bénin est un exemple d’harmonie entre les religions présentes sur son territoire. Il convient d’être vigilant, compte tenu du climat mondial actuel, afin de conserver ce fragile héritage. J’ai été particulièrement heureux de la tenue récemment, sous la présidence du Cardinal Tauran, d’un colloque international sur le dialogue interreligieux, qui a été apprécié de tous. »
Voici le texte intégral du message du pape.
A.B.
Discours du pape François
Chers frères Évêques,
Je suis très heureux de vous accueillir à l’occasion de votre pèlerinage aux tombeaux des Apôtres Pierre et Paul. Je salue cordialement Monseigneur Antoine Ganyé, Président de votre Conférence, et je le remercie pour ses paroles. Je souhaite que votre visite à Rome soit pour vous un moment de profond et paisible ressourcement spirituel, qui vous donne l’occasion de rendre grâce pour le beau travail accompli dans vos diocèses pour l’annonce de l’Évangile, et qui vous procure les secours nécessaires pour persévérer dans votre mission de pasteurs. Notre rencontre manifeste la communion fraternelle qui existe entre tous les Évêques, et avec celui qui préside à cette communion: le successeur de Pierre. Je forme le vœu qu’une fois retournés dans vos diocèses vous gardiez à l’esprit cette réalité profonde et surnaturelle: vous n’êtes jamais seuls. Nous sommes tous unis au service d’un unique Seigneur.
Je veux d’abord remercier le Seigneur pour les progrès qu’il accorde, par l’exercice de votre ministère, à l’Église qui est au Bénin. Vous témoignez d’un bel enthousiasme dans l’expression visible de la foi du peuple de Dieu. La vie paroissiale est animée, les fidèles participent en grand nombre aux célébrations, les conversions au Christ sont nombreuses ainsi que les vocations sacerdotales et religieuses. Vous avez raison, cependant, de souligner dans vos rapports que cette foi, de plus en plus répandue, est parfois superficielle et manque de solidité. Or il est important que le désir d’une connaissance profonde du mystère chrétien ne soit pas l’apanage d’une élite, mais anime tous les fidèles, car tous sont appelés à la sainteté. Ceci est capital pour que l’Église au Bénin puisse résister et vaincre les vents contraires qui se lèvent partout dans le monde et qui ne manqueront pas de souffler chez vous. Et je sais que vous êtes vigilants face aux multiples agressions idéologiques et médiatiques. L’esprit de sécularisation est à l’œuvre aussi dans votre pays, même si cela est encore peu visible. Seule une foi profondément enracinée au cœur des fidèles, et concrètement vécue, permettra d’y faire face.
Et je pense en particulier aux défis majeurs qui concernent la famille et auxquels le prochain Synode, à Rome, tentera de répondre. Je vous remercie pour vos prières à cette intention, et de vos prières pour moi; je vous remercie aussi pour la mobilisation dont vous faites preuve, avec vos diocèses, pour participer à cette réflexion tellement importante. Et je ne peux que vous encourager à poursuivre avec détermination les efforts entrepris pour soutenir les familles, tant dans leur foi que dans leur vie quotidienne. Je sais que la pastorale du mariage reste difficile, compte tenu de la situation concrète, sociale et culturelle, de votre peuple. En revanche il ne faut pas se décourager, mais persévérer sans cesse, car la famille telle que la défend l’Église catholique est une réalité voulue par Dieu; elle est un don de Dieu qui apporte, aux personnes comme aux sociétés, la joie, la paix, la stabilité, le bonheur. L’enjeu est important, car la famille étant la cellule de base de la société comme de l’Église, c’est en son sein que se transmettent les authentiques valeurs humaines et évangéliques: «la mission éducative de la famille chrétienne est un vrai ministère, grâce auquel l’Évangile est transmis et diffusé, à tel point que la vie familiale devient chemin de foi et […] école de vie à la suite du Christ» (Familiaris consortio, n. 39).
Un autre défi important que vous relevez avec vigilance est celui de la jeunesse et de l’éducation. Vous avez ouvert dans vos diocèses de nombreuses écoles catholiques, et les jeunes sont bien encadrés dans les mouvements. Cet effort est à poursuivre sans relâche car la formation intégrale, tant humaine que spirituelle, des jeunes générations est importante pour l’avenir de la société à laquelle ils pourront apporter leur précieuse contribution, notamment en matière de solidarité, de justice et de respect de l’autre. Il est nécessaire, en effet, de favoriser dans votre pays – bien sûr, sans renoncer en rien à la Vérité révélée par le Seigneur – la rencontre entre les cultures ainsi que le dialogue entre les religions, notamment avec l’Islam. Il est connu que le Bénin est un exemple d’harmonie entre les religions présentes sur son territoire. Il convient d’être vigilant, compte tenu du climat mondial actuel, afin de conserver ce fragile héritage. J’ai été particulièrement heureux de la tenue récemment, sous la présidence du Cardinal Tauran, d’un colloque international sur le dialogue interreligieux, qui a été apprécié de tous.
Favorisant la concorde et la justice, vos Églises locales ont donc, chers frères, un rôle de premier plan à jouer pour la marche en avant de votre pays. Mais ce rôle, elles le remplissent aussi par les œuvres sanitaires et de promotion humaine. Que de travail accompli au nom de l’Évangiledans vos diocèses ! Alors que la crise économique mondiale affecte un grand nombre de pays, il convient d’aller courageusement à contre-courant, en luttant contre la culture du «déchet» partout répandue (cf. Evangelii gaudium, n.53), et en diffusant les valeurs évangéliques de l’accueil et de la rencontre. «Le service de la charité est une dimension constitutive de la mission de l’Église, et il constitue une expression de son essence-même» (Evangelii gaudium, n. 179). Il faut cependant bien garder à l’esprit que les œuvres accomplies par l’Église ont une spécificité qui doit être clairement identifiée: il ne s’agit jamais d’une simple assistance sociale, mais de la manifestation de la tendresse et de miséricorde de Jésus lui-même qui se penche sur les blessures et les faiblesses de ses frères. C’est ainsi que la joie de l’Évangile est annoncée de la manière la plus efficace aux hommes. Que tous ceux qui y participent en soient chaleureusement remerciés, qu’il s’agisse des prêtres, des fidèles laïcs ou bien des religieux et religieuses. Et j’invite ces derniers à vivre intensément cette Année de la Vie Consacrée pour qu’ils enracinent plus profondément encore leur vie et leurs actions dans le Christ Jésus: «C’est ainsi qu’ils pourront aimer dans la vérité et dans la miséricorde chaque personne qu’ils rencontreront sur le chemin, parce qu’ils auront appris de lui ce qu’est l’amour et comment aimer : ils sauront aimer parce qu’ils auront son cœur même» (cf. Message pour l’Année de la vie Consacrée 2015).
Je veux saluer aussi le généreux engagement des prêtres au service de la Bonne Nouvelle. Le Seigneur bénit vos c
ommunautés par l’épanouissement de nombreuses vocations sacerdotales. La formation au Séminaire est déterminante pour l’avenir, et j’invite les pasteurs à veiller à l’équilibre de celle-ci, qui doit toujours être tant humaine, spirituelle, communautaire qu’intellectuelle. L’Évêque doit être un père pour ses prêtres, favoriser la communion et la fraternité au sein de la famille sacerdotale, prendre soin de ceux qui sont en difficulté, des plus fragiles, en particulier des jeunes qui doivent être davantage accompagnés. Par ailleurs, puisque les vocations ne manquent pas, vous êtes prêts à partager généreusement vos ressources avec les Églises d’autres régions qui en sont dépourvues. Il convient, cependant, lorsque vous envoyez des prêtres en études ou en mission extérieure, de le faire avec discernement, n’oubliant pas les nécessités de vos propres Églises.
Chers frères Évêques, l’Église connaît au Bénin de bonnes relations avec les Autorités civiles. La voix de l’Église est écoutée et son action est appréciée. Je vous invite à continuer de prendre toute votre place dans la vie publique du pays, particulièrement en ces temps. Je sais que vous êtes impliqués dans un constant travail pour encourager les relations entre les différentes composantes de la société. Je vous invite à persévérer dans cette voie, tout en prenant garde de ne pas entrer directement dans le jeu politique ni les querelles de parti. La conduite des affaire publiques revient aux laïcs, qu’en revanche, vous avez l’important devoir de former et d’encourager sans cesse.
Que la Vierge Marie vous soutienne et vous éclaire dans votre ministère, qu’elle vous conduise, ainsi que vos prêtres, les personnes consacrées, les catéchistes et tous les laïcs de vos diocèses à son Fils Jésus. A tous j’adresse, de grand cœur, la Bénédiction apostolique.
[Texte original: Français](c) LEV