Quitter comme Abraham la sécurité des coutumes

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Episode 55: réponse à un jeune de Terminale

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Question de Nicolas à propos de: 

« Le hasard n’écrit pas de messages« 

Bonjour.

Je suis en Terminale S, je  vous ai rencontré lors de votre intervention dans mon lycée à Toulouse. Après quoi quelques-uns d’entre nous avions poursuivi une conversation passionnante et instructive que j’aimerais reprendre aujourd’hui par mail, avec des questions qui nécessitent un point de vue philosophique.

D’abord, Le titre de ce livre que vous comptez publier en avril m’intrigue : rendre au hasard ce qui est au hasard… Sera-t-il question de la théorie du chaos ? (…)

M’est avis que vous penchez beaucoup pour les textes du premier grand Monothéisme. J’aurais plutôt tendance à rejoindre cette opinion. Cependant, encore une chose m’intrigue à propos des hébreux. Beaucoup de leurs théories bibliques se vérifient dans la réalité scientifique. Cependant, je n’arrive pas à comprendre comment en sont-ils arrivés à ces conclusions puisque l’émergence du peuple hébraïque s’est faite précisément à une époque où personne ne pouvait s’imaginer ni même vérifier ce genre de choses. Le soleil, contrairement à un quelconque dieu, a le mérite d’être physiquement présent, de même que beaucoup des phénomènes naturels interprétés de manière divine par les anciens polythéismes. Comment,  dans ce contexte, un peuple en particulier a-t-il pu comprendre tant de choses avec si peu de moyens ? Je suppose que l’on n’a pas les moyens de vérifier, mais la question mérite réellement, je crois, d’être posée.

Réponse de Brunor

Ok, merci Nicolas. Je crois que ce petit livre qui vient de sortir en librairies est vraiment fait pour toi.<br>Il aborde ces différentes questions qui demandent plus que quelques lignes de réponse.
J’essaye ici de te  partager quelques pistes, en attendant la parution de ce livre qui n’est pas un album Bd mais  « un vrai livre de « textes sans bulle », comme le réclamaient depuis quelque temps, des personnes  peu familiarisées avec le langage Bd (1).

Si je « penche beaucoup pour la pensée des Hébreux bibliques », c’est surtout à la suite de cette très longue enquête dont je rapporte les indices dans la série Les indices pensables, qui n’est pas encore terminée après  cinq albums parus. Comme tu l’as constaté toi-même, « Beaucoup de leurs théories bibliques se vérifient dans la réalité scientifique ». Je dirais de façon plus précise : ils n’ont pas voulu rédiger un traité scientifique et pourtant, les sciences récentes permettent de confirmer leur vision du monde. « Cependant, je n’arrive pas à comprendre comment en sont-ils arrivés à ces conclusions puisque l’émergence du peuple hébraïque s’est faite précisément à une époque où personne ne pouvait s’imaginer ni même vérifier ce genre de choses. »
Sois certain que je partage ta surprise, et ton questionnement fait partie de l’enquête. Il s’agit de comprendre comment ils ont pu avoir accès à cette représentation du Monde, ce paradigme qui ne présente pas d’erreur majeure, contrairement aux autres représentations du monde énoncées à la même époque, qui accumulent les incompatibilités avec le réel. (Voir les chroniques précédentes, les albums ou le livre.
Comment,  dans ce contexte, un peuple en particulier a-t-il pu comprendre tant de choses avec si peu de moyens ? Je suppose que l’on n’a pas les moyens de vérifier, mais la question mérite réellement, je crois, d’être posée.
Il y a plusieurs façons d’avoir accès à des connaissances. Soit en travaillant à partir du réel, comme a décidé de le faire Aristote en quittant le confort de l’enseignement de son Maître Platon. Il a travaillé et a compris des choses que  deux mille ans plus tard, la biologie moderne confirmera. Comment a –t-il procédé ? En refusant de fonder son enseignement sur des mythes et des traditions, comme l’orphisme qui était la source de son Maître, à propos de la question de l’origine des êtres humains. Il a étudié le réel, en quittant ses certitudes et en partant ainsi vers l’inconnu pour chercher des réponses. Car la vérité ne fait pas violence, elle ne s’impose pas par la force, pour la trouver, il faut abandonner des fausses croyances, opérer un « Tsim tsoum » (2), laisser de la place, comme l’océan créé le continent, en se retirant. Telle fut  la démarche et le chemin de celui dont on a conservé la mémoire sous le nom d’Abraham. Il a quitté la Maison de son père qui était un artisan fabriquant d’idoles destinées aux sacrifices, parfois humain, toujours des premiers nés, offerts à des dieux avides. Lui-même croira bien faire en sacrifiant son fils Itzhak (Isaac), puisque c’est la « tradition ». Quel choc de découvrir à l’instant critique où le couteau du sacrifice est levé sur le cœur de l’enfant… que le Dieu qu’il a rencontré déteste plus que tout au monde, les sacrifices humains. Abraham s’est arraché à ce monde polythéiste malade du sacrificiel, pour comprendre que jamais un meurtre de premier né ne plaira au Dieu d’amour. Que jamais des autels dressés n’obtiendront aucun pardon dans un commerce insultant pour Dieu, qui est ainsi rabaissé au rang des dieux sanguinaires communs à  tous les paganismes bourrés d’angoisses et de culpabilité malsaine.
« La connaissance de Dieu vaut mieux que tous les sacrifices
et tous les holocaustes.(Osée 6, 6)

Samuel dit : L’Eternel trouve-t-il du plaisir dans les holocaustes et les sacrifices, comme dans l’obéissance à la voix de l’Eternel ? Voici, l’obéissance vaut mieux que les sacrifices, et l’observation de sa parole vaut mieux que la graisse des béliers. (1 Samuel 15, 22)

Qu’ai-je affaire de la multitude de vos sacrifices ? dit l’Eternel. Je suis rassasié des holocaustes de béliers et de la graisse des veaux; je ne prends pas plaisir au sang des taureaux, des brebis et des boucs. (Isaïe, 1, 11)

Allez, et apprenez ce que signifie: Je prends plaisir à la miséricorde, et non aux sacrifices.
Car je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs. (Matthieu 9:13)

Que faut-il faire alors ? Un dieu qui critique la tradition sacrificielle, cela ne s’était jamais vu dans l’histoire des peuples. Avec un sacrifice, on était sûr de leurs plaire, à ces dieux multiples et capricieux.  Que faire pour lui plaire à celui-ci ?
Réponse : La pratique de la justice et de l’équité, voilà ce que l’Eternel préfère aux sacrifices. (Proverbes 21, 3)

Comment mettre un terme à tes péchés ? En pratiquant la justice.
Comment mettre un terme à tes iniquités ? En usant de compassion envers les malheureux. Et ton bonheur pourra se prolonger. (Daniel 4:27)

Question : comment sait-on cela ?
Réponse : c’est la même question que la tienne, Nicolas :
« Comment,  dans ce contexte, un peuple en particulier a-t-il pu comprendre tant de choses avec si peu de moyens ? Je suppose que l’on n’a pas les moyens de vérifier, mais la question mérite réellement, je crois, d’être posée.

Il suffit de demander aux hébreux s’ils ont travaillé comme Aristote… Ils répondront qu’ils n’ont pas connu Aristote et qu’ils ignorent comment il a étudié. Ils te diront que leur connaissance de Dieu leur vient de souffleurs. Car le Créateur ne semble pas aimer s’adresser à des foules, contrairement à tous les totalitarismes, mais parler à l’oreille de tel ou tel, qui prendra (ou non) à cœur de le communiquer. Ces souffleurs sont appelés en hébreu néviyims (3). Nous en reparlerons.

Bien amicalement

Brunor

(1)-  rendre au hasard ce qui est au hasard par Brunor. 150 pages, 60 dessins inédits. 10 euros. Chez Brunor éditions.

(2)- Tsim tsoum : Une image pour exprimer en hébreu le retrait du Créateur : Dieu qui emplit tout, se retire pour créer et  permettre d’autres que lui d’exister.

(3)- Prophètes

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