Le P. Cantalamessa a dédié sa prédication de ce Vendredi Saint, 3 avril 2015, à tous les « Ecce homo » dans le monde, qui « se trouvent dans les mêmes conditions que Jésus dans le prétoire de Ponce Pilate : seuls, menottés, torturés… ». Il mis en garde contre le risque « de devenir des Ponce Pilate qui se lavent les mains ».
La Célébration de la Passion au Vatican a eu lieu dans une atmosphère sobre et recueillie, à 17h : elle s’est ouverte par la procession d’entrée en silence dans la basilique Saint-Pierre. Puis le pape François, revêtu d’ornements liturgiques rouges, a accompli le geste de la prostration, signe d’adoration et d’abandon à Dieu, devant l’autel dépouillé.
Après la lecture de la Passion selon saint Jean – cantillé par trois diacres – le P. Raniero Cantalamessa, capucin, prédicateur de la Maison pontificale, a médité sur le passage de l’Évangile où Pilate déclare devant Jésus couronné d’épines et vêtu d’un manteau pourpre : « Ecce homo! Voici l’homme. » (Jn 19, 1-5)
Que de « Ecce homo » dans le monde !
« Jésus est en agonie jusqu’à la fin du monde dans tout homme ou toute femme soumis aux mêmes tourments. « C’est à moi que vous l’avez fait! » (Mt, 25, 40): cette parole, il ne l’a pas dite seulement pour des croyants en Lui; il l’a dite pour tout homme et toute femme, affamés, nus, maltraités, en prison », a souligné le P. Cantalamessa.
« Que de « Ecce homo » dans le monde ! Mon Dieu, que de « Ecce homo » ! Que de prisonniers se trouvant dans les mêmes conditions que Jésus dans le prétoire de Ponce Pilate : seuls, menottés, torturés, à la merci de grossiers militaires plein de haine se laissant aller à toute sorte de cruauté physique et psychologique », a-t-il déploré.
Pour le P. Cantalamessa, « l’exclamation « Ecce homo! » ne s’applique pas qu’aux victimes, mais également aux bourreaux. Cela veut dire: voici de quoi l’homme est capable! Avec crainte et frisson, disons plutôt : voici de quoi, nous les hommes, nous sommes capables ! »
« Les chrétiens ne sont certes pas les seules victimes de la violence meurtrière qui règne sur terre, mais on ne saurait ignorer que dans un grand nombre de pays ils sont les victimes désignées et les plus fréquentes », a-t-il ajouté.
Il a dénoncé « l’inquiétante indifférence des institutions mondiales et de l’opinion publique face à tout cela. Nous risquons tous – institutions et individus du monde occidental – de devenir des Ponce Pilate qui se lavent les mains ».
Depuis ce jour-là le mal est perdant
Cependant, a-t-il ajouté, il ne s’agit pas de porter des accusations car Jésus lui-même est mort après avoir crié « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23, 34) : « Au lieu d’accuser ses adversaires, ou de pardonner en confiant au Père céleste le soin de le venger, il les défend. »
Le P. Cantalamessa a précisé : « Pardonner avec la même grandeur d’âme que lui ne saurait se traduire par un comportement « négatif » où l’on se limiterait à renoncer à vouloir le mal de ceux qui font du mal, au lieu de faire preuve d’une volonté « positive » en voulant leur faire du bien, même seulement en adressant à Dieu une prière en leur faveur. »
Ce pardon « doit s’inspirer d’une charité qui excuse le prochain, sans fermer les yeux devant la vérité, mais en cherchant au contraire à stopper les méchants afin qu’ils ne fassent plus de mal aux autres et à eux-mêmes ».
Suivre le Christ n’est pas « s’abandonner toujours passivement à l’échec et à la mort » : « Jésus a vaincu le monde, en triomphant du mal. La victoire définitive du bien contre le mal, qui se manifestera à la fin des temps, a déjà eu lieu, de fait et de droit, sur la croix du Christ. Depuis ce jour-là le mal est perdant; d’autant plus perdant qu’il semble triompher. Il est déjà jugé et condamné en dernière instance, lors d’un jugement final. »
Pas les poings fermés, mais les mains jointes
Le P. Cantalamessa a évoqué le chemin de victoire du Christ : « Jésus a vaincu la violence, non en lui opposant une violence plus grande, mais en la subissant et mettant à nu toute l’injustice et l’inutilité qui la caractérise. »
« Le vrai « discours de la montagne » qui a changé le monde n’est pas celui que Jésus prononça un jour sur la colline de Galilée, mais celui qu’il proclame maintenant, silencieusement, sur la croix. Au Calvaire il prononce un « Non ! » définitif à la violence, opposant à celle-ci, non seulement la non-violence, mais plus encore, le pardon, la douceur et l’amour. »
« S’il devait encore y avoir de la violence, celle-ci ne pourrait plus, même à distance, recourir à Dieu et se couvrir de son autorité. Le faire serait faire reculer l’idée de Dieu à des stades primitifs et grossiers, dépassés par la conscience religieuse et civile de l’humanité », a souligné le prédicateur.
« Les vrais martyrs ne meurent pas les poings fermés, mais les mains jointes », a-t-il conclu en proposant cette prière : « Seigneur Jésus-Christ, nous te prions pour nos frères persécutés, et pour tous les Ecce homo présents, en ce moment, sur la face de la terre, chrétiens et non chrétiens. Marie, sous la croix, tu t’es unie au Fils et tu as murmuré après lui : « Père pardonne-leur ! »: aide-nous à vaincre le mal par le bien, sur la grande scène du monde, mais aussi dans la vie quotidienne, entre nos murs domestiques. »
La célébration s’est poursuivie par la prière universelle du Vendredi Saint, commune à toutes les églises du monde, la vénération de la Croix et la Communion.