Devant les « crimes » et « violations des droits humains internationaux » commis par la secte islamiste Boko Haram au Nigeria, le Saint-Siège appelle à ne pas « laisser s’étendre une contagion de la violence, qui créerait un dangereux précédent de « non-action » » : il encourage « une collaboration internationale pour remédier de toute urgence à cette situation de crise ».
Mgr Silvano M. Tomasi, observateur permanent du Saint-Siège aux Nations Unies à Genève, a pris la parole lors de la session spéciale du Conseil des droits de l’homme sur la situation au Nigeria – Boko Haram, le 1er avril 2015.
Déclaration de Mgr Tomasi
Monsieur le président,
La violence, la persécution et les meurtres continuels perpétués par le groupe Boko Haram, en particulier au Nigeria, mais aussi au Cameroun, au Bénin, au Tchad et au Niger, présentent de sérieuses transgressions du droit international, notamment les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, qui requièrent une réponse urgente et efficace de la part des États impliqués, ainsi que la solidarité de la communauté internationale. Avec les actes impitoyables de ce groupe terroriste, nous assistons au développement et à la diffusion d’un type d’extrémisme radical et inhumain s’inspirant d’une idéologie qui tente de justifier ses crimes au nom de la religion. En outre, avec la récente allégeance explicite de Boko Haram au prétendu groupe de l’État islamique (daesh), nul ne peut être aveugle au fait que de tels groupes extrémistes se développent comme un cancer, se diffusant dans d’autres parties du monde et attirant même des militants étrangers pour combattre dans leurs rangs.
Le Nigeria, en particulier, a « dû se confronter à des problèmes considérables, dont de nouvelles et violentes formes d’extrémisme et de fondamentalisme sur fonds ethnique, social et religieux. Beaucoup de Nigérians ont été tués, blessés ou mutilés, kidnappés et privés de tout : de leurs proches, de leur pays, de leurs moyens de subsistance, de leur dignité et de leurs droits. Beaucoup n’ont pas pu retourner chez eux » (Lettre du pape François aux évêques du Nigeria, 2 mars 2015). Ces crimes perpétrés par Boko Haram se sont poursuivis dans l’impunité et, comme nous y avons assisté ces douze derniers mois, ils n’ont fait que croître en intensité et dans leurs effets destructeurs. Comme l’a fait observer le pape François, la tragédie à laquelle est confronté le Nigeria par ces extrémistes « est une plaie qu’il faut éradiquer car elle nous concerne tous, depuis chaque famille jusqu’à la communauté internationale ». (Discours aux membres du Corps diplomatique accrédité auprès du Saint-Siège, 12 janvier 2015).
Les crimes au « nom de la religion » ne sont jamais justifiés. Massacrer des innocents au nom de Dieu n’est pas une religion mais la manipulation de la religion pour des motifs cachés. En effet, « les croyants, qu’ils soient chrétiens ou musulmans, ont fait l’expérience commune d’une fin tragique entre les mains de personnes qui se prétendent religieuses mais qui utilisent au contraire la religion pour en faire une idéologie au service de leurs propres intérêts déformés d’exploitation et de meurtre » (Ibid.).
Monsieur le président,
Malgré les efforts militaires du gouvernement nigérian pour arrêter ces terroristes, même avec l’alliance récemment formée d’une Force multinationale composée des pays voisins eux aussi menacés par Boko Haram, les extrémistes continuent leur folie meurtrière, causant toujours plus d’instabilité en Afrique de l’Ouest. Une telle situation crée clairement une incertitude dangereuse pour toute la région et même au-delà. Sans une action conjointe rapide et décisive de la part du gouvernement nigérian, des pays voisins, de l’Union africaine et des Nations Unies, la menace sérieuse de violence ne fera que continuer de mettre en péril la vie de millions de civils dans la région.
Il semble que le temps soit mûr pour que la communauté internationale aide à mettre fin à la violence qui a fait tant de victimes parmi les civils. Devant de telles violations des droits humains internationaux et du droit humanitaire, nous ne pouvons pas nous permettre d’avoir une posture d’indifférence qui conduirait à laisser s’étendre une contagion de la violence et qui créerait un dangereux précédent de « non-action » en réponse à des crimes aussi horribles.
Le Saint-Siège encourage un effort de collaboration internationale pour remédier de toute urgence à cette situation de crise afin de prévenir l’extension de Boko Haram et des autres groupes terroristes ainsi que de leur stratégie par laquelle ils infligent des souffrances aux populations locales, déstabilisant l’Afrique encore davantage.
Je vous remercie, Monsieur le président.
Traduction de Zenit, Constance Roques