La Prière Eucharistique (14)

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« … cette offrande vivante… »

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La Prière Eucharistique (14) « …cette offrande vivante… »

Puisque cette chronique doit paraître au temps de Pâques, lisons aujourd’hui la Prière Eucharistique III dans la lumière de la Résurrection.

Nous proclamons sa mort, nous célébrons sa résurrection

Apparemment, l’eucharistie nous renvoie plutôt à la mort du Christ : le corps est « livré » ; le sang est « versé ». Jésus se donne aux convives de la dernière Cène pour manifester que sa mort ne sera, ni un suicide, ni une fatalité. « Ma vie, nul ne la prend, mais c’est moi qui la donne. » Mais le Jeudi Saint est inséparable du Vendredi. L’offrande est un « sacrifice », dit le texte latin de la Prière.

Mais ce sacrifice est « vivant ». Jésus est vivant. « J’étais mort, et me voilà vivant pour les siècles des siècles » (Apocalypse 1, 18) : parole d’autant plus importante pour l’Eucharistie qu’elle est prononcée « le jour du Seigneur », un dimanche.

Jésus ressuscité, quand il apparaît à ses disciples, rompt de nouveau le pain. A Emmaüs, « quand il fut à table avec eux, ayant pris le pain, il prononça la bénédiction et, l’ayant rompu, il le leur donna. »

Ce sont les quatre mots de la multiplication des pains, suivie, dans Saint Jean, par le Discours sur le Pain de vie. Le Discours s’achève par l’annonce de l’Eucharistie. « Le pain que je donnerai, c’est ma chair pour la vie du monde. » Dès maintenant, « celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle » et, « au dernier jour, je le ressusciterai » (Jean 6, 51, 54). Ce n’est pas un mort qui pourrait communiquer la vie.

Dans la Première épître aux Corinthiens, saint Paul, quand il rappelle l’institution de l’Eucharistie, termine en disant : « Chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne » (1 Corinthiens 11, 26). Certes, nous proclamons sa mort. Mais « jusqu’à ce qu’il vienne » : s’il peut venir, c’est qu’il est vivant.

L’anamnèse qui suit la consécration, dans sa première formule, est, sans doute, inspirée de saint Paul :

Nous proclamons ta mort, Seigneur Jésus

Nous célébrons ta résurrection,

Nous attendons ta venue dans la gloire.

Entre sa mort et sa venue, nous célébrons sa résurrection.

Un peu plus haut dans la même épître, saint Paul parle de la communion au sang et au corps du Christ (1 Corinthiens 10, 16). Il ne nous propose certainement pas de communier à un cadavre.

Dans le judaïsme, il faut respecter les morts, les enterrer dignement : c’est une œuvre de miséricorde et Jésus a approuvé la femme qui, en vue de son ensevelissement, a répandu sur son corps un parfum de grand prix (Marc 14, 8). Mais le désir de communiquer avec les morts est considéré comme diabolique. Saül a eu tort de vouloir faire apparaître le spectre de Samuel : c’est le dernier acte qu’il accomplit avant de se donner la mort (1 Samuel 28 ; 31).

Les chrétiens ont toujours célébré l’Eucharistie le 8ème jour, le « Jour du Seigneur », équivalent du mot « dimanche », héritier du latin. « Sans le dimanche, nous ne pouvons pas vivre », disaient les martyrs d’Abitène lors de la persécution de 304.

Notre situation de chrétiens

Mais un esprit, simplement soucieux de non-contradiction, demandera : à la Messe, est-ce que nous nous rappelons que Jésus a donné sa vie pour nous, que c’est une magnifique preuve d’amour, un exemple à imiter comme le lavement des pieds (Jean 13, 15) ?

Ou bien, est-ce que nous appelés à nous réjouir parce que « ils sont finis, les jours de la Passion », comme dit la bénédiction solennelle du jour de Pâques ? Entre la mort et la résurrection, il faut choisir ! « Le jour du Seigneur (le dimanche), le jour de la Résurrection, le jour des chrétiens, est notre jour », disait saint Jérôme. Cette phrase est citée dans le Catéchisme de l’Eglise catholique (n° 1166).

La Résurrection n’annule pas la Croix. Elle n’est pas la revanche de la Croix, mais son fruit. C’est pourquoi saint Jean pouvait les réunir toutes deux en un seul mot : « élévation ». Le Christ ressuscité montre ses plaies. L’Agneau de l’Apocalypse (5, 6) est « debout, comme égorgé ».

Justement parce que Jésus est ressuscité, le don qu’il fit de sa vie est devenu éternel. Eternel, c’est-à-dire contemporain de tous les temps.

Le soir de la Cène, Pierre prétend que « même si tous viennent à tomber, moi, je ne tomberai pas ». On sait ce qui est arrivé. Avant que Jésus ne soit ressuscité et que l’Esprit-Saint ne soit venu, Pierre ne peut pas tenir sa promesse. Les martyrs chrétien suivent le Christ dans sa mort, parce qu’ils sont entraînés par le dynamisme de sa résurrection et l’espérance de la Jérusalem céleste.

Telle est la condition du chrétien : déjà ressuscité avec le Christ et, sans cesse, en lutte contre le Mal. Le processus du baptême n’est jamais achevé, bien que nous ayons déjà reçu les arrhes du salut.

Telle est la condition de l’Eglise : déjà sainte et encore en pèlerinage.

Le Christ ressuscité est présent, tant sous le signe du pain que sous celui du vin. Mais la distinction des deux signes est traditionnellement interprétée comme la marque de sa mort. Il est mort au péché une fois pour toutes, mais saint Paul n’hésite pas à dire : « Ce qui reste à souffrir des épreuves du Christ dans ma propre chair, je l’accomplis pour son corps qui est l’Eglise » (Colossiens 1, 24).

Dans l’eucharistie, l’offrande est vivante, parce que le Christ est ressuscité. Elle est même vivifiante, à condition que nous le suivions sur son chemin de croix.    

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Jacques Perrier

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