Résumé des épisodes précédents* : Les grands cerveaux sont rares, ce luxe coûte cher, autant l’utiliser. C’est ce que fait l’être humain, qui doit apprendre tant de choses, lui qui est si démuni à la naissance. Un sérieux handicap qui finit par se retourner à son avantage…
Dans les minutes qui suivent sa naissance, quand on compare les aptitudes du nouveau-né humain avec celles des autres mammifères, on est frappé par ce constat de la grande immaturité de l’Homme, lors de son entrée dans cet Univers.
Chacun a en tête ces films émouvants où l’on s’émerveille de voir le petit faon, le poulain ou l’agneau, à peine nés, réussir à se dresser sur leurs pattes un peu chancelantes, tituber certes, mais rapidement commencer à gambader peu de temps après la naissance. Le petit d’homme est bien loin de ces prouesses : on a renoncé à souhaiter le voir se mettre spontanément à quatre pattes !
C’est tout juste s’il lui reste le réflexe de la « marche automatique », quand la sage-femme, l’ayant placé en position verticale lui fait toucher une surface solide avec les pieds. Il se redresse en étendant ses jambes et son tronc, légèrement incliné vers l’avant et l’espace d’un très bref moment, il se met spontanément à esquisser le mouvement de la marche. Mais il n’est même pas question de ramper malgré cet autre réflexe de « fouissement ». (Lorsqu’on place le nouveau-né sur le ventre de sa mère immédiatement après l’accouchement, il « rampe » jusqu’au sein maternel et cherche le mamelon.)
Il ne peut guère se vanter de ses rares réponses à des stimuli, par des réflexes dit « archaïques » comme la succion, la préhension, et les réflexes dits de survie, de nage, de l’escrimeur (tonique asymétrique du cou) et symétrique du cou…
Ces réflexes qui sont systématiquement recherchés par le médecin ou la sage-femme lors du premier examen médical, car ils témoignent du bon développement du système nerveux et d’un tonus musculaire satisfaisant. S’ils fonctionnent, les étapes du développement neurosensoriel et moteur de l’enfant pourront être franchies avec succès.
Mais en attendant il fait figure d’attardé, à côté de tous les autres, tant le bébé humain semble cruellement démuni et totalement dépendant de sa mère. On a trop longtemps considéré le nourrisson comme un simple tube digestif, de nos jours, des spécialistes vous diront qu’ils ont beaucoup de compétences relationnelles, mais personne ne perd de vue qu’il est profondément « immature ».
Une immaturité, qui est celle d’un grand prématuré. S’il sait faire si peu de choses à la naissance, s’il est handicapé au point d’être totalement dépendant de son entourage (sa mère ou une mère de substitution), c’est que le petit de l’Homme nait prématurément. Par rapport aux autres mammifères, sa préparation à la vie est inachevée. Ses muscles, son système nerveux, et surtout son cerveau, sont loin d’avoir atteint le degré de maturité du chevreau ou du bébé chimpanzé.
Premier constat : si le cerveau du petit homo sapiens atteignait le degré de maturité du cerveau chimpanzé, ce petit être humain ne pourrait pas… naître !
En effet, on nous dit que le volume de sa boîte crânienne serait tel, qu’il ne pourrait pas franchir le bassin de sa mère, telle qu’elle est constituée depuis plusieurs dizaine de milliers d’année.
Second constat : cet inachèvement de son cerveau, va faire de l’Homme un être d’apprentissage, dans une véritable nécessité d’apprendre. Car à la naissance, il est si ignorant de tout : il ne sait pas, comme le petit canard, suivre sa mère dans la mare, il n’a pas idée, comme la tortue, dès sa sortie de l’œuf de se précipiter vers la mer, choisissant toujours, sans jamais hésiter, la bonne direction ; il ne sait pas trouver sa mère au milieu du troupeau, pour la téter comme le chevreau. Du point de vue de tous les autres espèces, excepté ses quelques réflexes archaïques, il ne sait rien faire du tout, il est totalement démuni. Jusqu’à ce jour béni,vers l’âge de 5 ans, où il sera enfin en mesure de se montrer pour la première fois meilleur que ceux de son âge, en particulier chimpanzé et bonobo qui commençaient à avoir l’habitude de remporter chaque année le prix d’excellence, aux tests d’intelligence… Et plus jamais ils ne le rattraperont dans ce domaine.
Nous verrons comment cet inachèvement très fragilisant contribue, en fait, à ouvrir à l’Homme les portes de… la liberté.
(A suivre…)
Brunor
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