Le pape François remplace un évêque du Paraguay : il aurait couvert un prêtre accusé de pédophilie.
Le Saint-Siège annonce en effet que le pape remplace l’évêque de Ciudad del Este (Paraguay), Mgr Rogelio Ricardo Livieres Plano, en nommant pour lui succéder comme « administrateur apostolique sede vacante » de ce diocèse Mgr Ricardo Jorge Valenzuela Ríos, évêque de Villarrica del Espíritu Santo.
C’est une nouvelle intervention disciplinaire musclée après l’arrestation, mardi, 23 septembre, de l’ancien nonce polonais Jozef Wesolowski : le pape François met en œuvre avec l’appareil législatif sévère adopté par Benoît XVI commentent des observateurs à Rome. D’autres mesures sont attendues: le pape avait parlé de trois cas d'évêques, lors du vol de retour de Terre Sainte, le 26 mai dernier.
Les raisons et les objectifs du pape
La salle de presse du Saint-Siège explique que la décision du pape survient « après un examen soigneux des conclusions des visites apostoliques » effectuées auprès de l’évêque, du diocèse et du séminaire de Ciudad del Este, par la Congrégation pour les évêques = dont le préfet, le cardinal Marc Ouellet, a été reçu par le pape samedi dernier 20 septembre - et par la Congrégation pour le clergé.
Cette « décision très grave » a été guidée par des « raisons pastorales sérieuses » et « inspirée par le bien supérieur de l’unité de l’Eglise de Ciudad del Este et de la communion épiscopale au Paraguay », explique la même source.
Il ajoute ce message du pape François aux catholiques de ce diocèse : « Dans l’exercice de son ministère de « fondement perpétuel et visible de l’unité des évêques et de la multitude des fidèles » (LG 23), le Saint-Père demande au clergé et à tout le peuple de Ciudad del Este de vouloir accueillir les décisions du Saint-Siège avec un esprit d’obéissance, de docilité et d’esprit désarmé, guidé par la foi. »
Mais il s’adresse aussi à toute « l’Eglise du Paraguay guidée par ses pasteurs » à un « sérieux processus de réconciliation et de dépassement de tout sectarisme et toute discorde, afin que le visage de l’unique Eglise n’en soit pas blessé » - cette Eglise qui a été « acquise par le sang du Fils » - et afin que « le troupeau du Christ » ne soit pas « privé de la joie de l’Evangile ».
Le cas d’un prêtre argentin
C’est un prêtre argentin, Carlos Urrutigoity, ancien vicaire général du diocèse, qui est en cause. Le prêtre a été dénoncé en juillet dernier, lors de la venue d’une délégation envoyée par le pape François, menée par le cardinal espagnol Santos Abril y Castello, pour abus sexuels présumés commis aux Etats-Unis. Il avait été ordonné pour la Fraternité sacerdotale lefebvriste Saint-Pie-X (FSSPX) avant d’en être exclu pour homosexualité. Il avait alors fondé sa propre structure traditionaliste, dans l’Eglise catholique. Après des accusations d'abus sexuels en Pennsylvanie (EEUU), il avait suivi une « thérapie » au Canada, et il était ensuite parti pour le Paraguay.
Mgr Livieres Plano avait lui-même été temporairement suspendu par l’envoyé pontifical en juillet 2014, en attendant la décision du pape. Le cas avait suscité de vives divisions dans l’épiscopat paraguayen.
Commentant la décision du pape à la chaîne de télévision publique italienne RaiNews 24, l’historienne Lucetta Scaraffia – éditorialiste de L’Osservatore Romano - a souligné que cette seconde décision est d’autant plus significative que l’évêque n’est pas lui-même accusé de pédophilie mais « d'avoir couvert un prêtre » : c’est la mise en oeuvre du principe de la « tolérance zéro », et un signe d’un « changement d’air à l’intérieur de l’Eglise ».
La sévérité de Benoît XVI
Elle rappelle les cas lourds « affrontés par le pape Ratzinger », et le « sérieux » des mesures « très sévères » adoptées sous son pontificat, comme le rappellent les pages du portail du Vatican consacrées à la « réponse » de l’Eglise à la pédophilie. Elle cite notamment la lettre pastorale de Benoît XVI aux fidèles catholiques d’Irlande.
Pour l’historienne italienne, le pape François « rend les décisions de Ratzinger opérationnelles ». Il manifeste que « l’Eglise se sauve d’elle-même en affrontant les scandales à fond », et cela, dit-elle « concerne toutes les Eglises » locales dans le monde.
Quant à l’ancien archevêque Wesolowski, il devra affronter l’accusation de pédophilie qui est « passible de prison » et, après avoir été privé de « ses droits religieux et de son immunité diplomatique », il pourrait « être jugé à Saint-Domingue », estime l’éditorialiste.
Plutôt que de « révolution » du pape François elle préfère parler d’un « réformisme assez rapide ».
Benoît XVI avait pour sa part renvoyé près de 400 prêtres soupçonnés d'avoir agressé sexuellement des enfants, tandis que 419 autres ont été sanctionnés pour des crimes reliés à des agressions. Sur la période 2011-2012, les renvois de prêtres s’étaient intensifiés par rapport à 2008-2009 (170 prêtres renvoyés), a confirmé le Vatican en janvier dernier.
Le pape Ratzinger a aussi renvoyé des évêques à un rythme soutenu, dont plus de 50 en vertu de fautes graves prévues par le Code de droit canonique : un bilan salué par la presse au moment de sa renonciation à sa charge pastorale. C’est sous son pontificat qu’est apparue la consigne : « tolérance zéro ».