Et si c’était, de façon voilée, un retour à la peine de mort? D’aucuns n’hésitent pas à évoquer ce brusque retour en arrière de la justice belge à propos du cas de Frank Van Den Bleeken, interné depuis près de 30 ans, et en demande d’euthanasie depuis 3 ans, comme nous l’annoncions le 15 septembre.
La peine de mort à été bannie comme une conquête de l’humanité, par les démocraties occidentales, mais voilà qu’elle revient en prison, se présentant comme moins cruelle qu’un internement à vie: l’appel des démocraties occidentales à un moratoire sur les peines de mort dans le monde serait-il encore crédible à terme si la Belgique faisait des émules?
Dans cet article, que nous reprenons intégralement, l’Institut européen de bioéthique (I.E.B.) revient sur ce cas tragique, qui fait peser en quelque sorte une nouvelle menace de retour à de peine de mort sur les prisonniers à vie ou aux longues peines.
L’I.E.B. y secoue les consciences à propos de la situation des prisonniers qui se suicident dans l’aile psychiatrique d’une prison faute de soins adaptés: l’euthanasie deviendrait-elle une façon de prévenir le suicide?!
A.B.
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Il y a quelques jours, la perspective de cette « mort digne » lui a été accordée, suscitant l’émoi en Belgique et bien au-delà de nos frontières. Quand on sait que cet homme ne veut pas mourir, mais ne supporte simplement plus de vivre sans recevoir des soins adaptés à sa situation, cet émoi est amplement justifié.
Mais au-delà de ce cas, hautement symbolique, en ce qu’il évoque forcément une forme de peine de mort sollicitée, n’est-ce pas toute l’application de la loi relative à l’euthanasie qui devrait poser question ?
La Belgique s’est forgée une triste réputation en matière de prise en charge des détenus internés pour motifs psychiatriques, montrant une carence grave dans leur traitement. Avec, à la clé, plusieurs condamnations par la Cour Européenne des Droits de l’Homme.
Quand un interné se suicide dans l’aile psychiatrique d’une prison, où est l’émotion, où est la presse ? Faudrait-il désormais voir l’euthanasie comme une forme de prévention du suicide, comme l’évoquait dans les colonnes du Figaro la présidente de l’ADMD Belgique ? Le fait que 15 internés aient fait une demande d’euthanasie suite à l’accord intervenu il y a quelques jours ne devrait-il pas retentir comme un signal d’alarme ?
Et, abstraction faite du milieu carcéral, ce cas ne devrait-il pas également remettre en question la place de l’euthanasie en psychiatrie ? Trois médecins attestent aujourd’hui de la souffrance psychique inapaisable de Frank Van Den Bleeken, et jugent que cet homme, déclaré par ailleurs irresponsable de ses actes, dispose du discernement nécessaire pour demander la mort. Qu’en sera-t-il quand des chômeurs de longue durée, des personnes surendettées… feront état de souffrances psychiques inapaisables liées à leur situation ?
En réalité, il est à craindre que l’euthanasie soit désormais entrée dans une sorte de logique propre, d’emballement incontrôlable, faisant voler en éclats les « balises strictes » mises en place par le législateur. Il est à espérer que ce même législateur aura le courage d’une sérieuse remise en question.
Institut Européen de Bioéthique – Bruxelles