Le Tome 5 des INDICES PENSABLES va enfin sortir en librairie en France le 30 octobre prochain. Une bonne nouvelle pour tous les amis de Brunor qui poursuit pour nos lecteurs ses chroniques hebdomadaires dans Zenit.
Résumé des épisodes précédents : Il y a quelques quarante-trois mille ans, notre ancêtre Cro-Magnon* qui peignait dans les grottes avait déjà le même cerveau que nous. Comme lui, nous sommes des « Homo sapiens ». On peut se demander comment il aurait pu se doter lui-même de cet étrange cadeau, car il ne s’en servait que très partiellement. Le problème, c’est qu’il n’avait pas reçu le mode d’emploi !
Nous-mêmes, apprenons que nous n’utilisons les fonctions de notre cerveau qu’à 5% environ, les plus optimistes parlent de 10 %. Mais au moins, avons-nous commencé à prendre conscience que nous tenons là une des merveilles de l’Univers, pour le meilleur et pour le pire, comme nous le verrons plus loin.
Toujours est-il que pour nos ancêtres préhistoriques, cet ordinateur sophistiqué dont il se servait si peu, constituait selon les spécialistes, un véritable handicap à cause de sa consommation considérable. Le problème, c’était de le nourrir. Car votre cerveau, mesdames et messieurs, même si vous ne vous en servez pas (je m’adresse ici aux sapiens d’autrefois, ceux des cavernes, pas ceux qui lisent des chroniques sur des sites web, témoignant ainsi de l’excellence de leurs facultés cérébrales…) Donc même si vous ne vous servez pas de votre cerveau, vous devez quand même l’alimenter en sucres et en graisses, sans quoi il meurt. D’ailleurs, il est lui-même assez organisé : n’attend pas que vous preniez soin de lui fournir sa part de nourriture, il préfère s’en occuper lui-même. Ce qui est effectivement plus intelligent. On reconnait bien là le cerveau de l’affaire !
Parmi les quelques fruits, légumes et viandes que réussissez à absorber, si le chasseur cueilleur que vous êtes est dans un jour de chance, votre cerveau, comme un passager clandestin, va prélever lui-même ce qui est nécessaire à sa survie… au détriment du reste de votre organisme qui devra se contenter… des restes. S’il y en a, car il est gourmand : c’est une grosse cylindrée que « l’évolution » a daigné fournir aux êtres humains.
Avec un volume cérébral important, compris entre 1 400 cm3 et 1 600 cm3, on peut comprendre qu’il soit gros consommateur en carburant et en énergie !
Mais comme chacun sait, un tel bijou de technologie ne peut coûter que très cher. Une véritable danseuse à entretenir. Seulement voilà, ce qui est rageant, c’est qu’en échange de cet impôt qu’il prélève, on ne constate quasiment aucun service rendu (nous parlons ici des temps préhistoriques, bien entendu).
Il consomme ce qui lui plait comme un roi fainéant exigeant, qui resterait alangui sur son chariot à roulettes, à ne rien faire !!! Il ne représente que 2% du poids de notre corps, mais il est le premier organe à puiser dans notre alimentation, bien avant tous les autres (c’est encore vrai de nos jours). Et tous comptes faits, l’organisme le laisse ponctionner comme s’il savait**, qu’une carence excessive entrainant la mort de ce dictateur, déclencherait immédiatement la nôtre. Ce qui n’est pas sans nous rappeler les processus de dissuasion nucléaire : je meurs ? Tu meurs aussi. Alors que, bien sûr, la perte d’un autre organe ou membre, bras, ne suffit pas nécessairement à nous achever.
Si vous êtes chasseur-cueilleur du paléolithique supérieur, entre 43 000 et 12 000 ans avant notre ère, le cerveau n’est pas du tout un cadeau, c’est un boulet. Et cette information entendue sur une émission scientifique de France Culture, pose des questions d’ordre métaphysique. En effet, je croyais avoir compris que l’évolution permettait d’acquérir ce dont on avait besoin, grâce au jeu subtil des mutations génétiques alliées au hasard, aux facultés d’adaptation et à la sélection naturelle… Les espèces se dotaient de ce qui les aidait à survivre.
Mais là, que se passe-t-il ici ? L’homo sapiens d’il y a 43 000 ans, ne semble pas du tout avoir demandé un tel cadeau encombrant, à la bonne fée évolution, sa marraine. S’il s’en servait, d’accord, ça vaudrait peut-être la peine de lui verser intérêt et principal ! Si Homo-sapiens avait perçu l’intérêt de cet outil puissant, d’accord ! Mais là… Sans mode d’emploi, quel intérêt ?...
En fait, j’aurais pu comprendre que Cro-Magnon reçoive un bel outil qui permette l’intelligence, s’il avait commencé par essayer un cerveau plus modeste, à sa mesure. Pourquoi pas un volume inférieur pour commencer, moins capricieux ? On l’essaye, on voit si ça convient, puis plus tard, on passe à la taille supérieure. On y va petit à petit, comme pour une augmentation de capital, une fois qu’on a touché les dividendes, et ainsi de suite…
Pourquoi s’installer directement aux commandes d’un airbus, alors qu’on ne sait même pas faire du vélo ?
(A suivre…)
Brunor
* Le fossile découvert dans le site de Cro-Magnon en Dordogne, a donné son nom à tous les représentants de l’espèce Homo sapiens, longtemps appelés Hommes modernes, arrivés en Europe entre 43 000 et 12 000 ans avant notre ère.
** Comment le sait-il ? Mystère.