« Le pardon est la porte qui conduit à la réconciliation », affirme le pape François ce lundi matin, 18 août 2014, en la cathédrale de Myeong-dong à Séoul. Il prie pour l’unité de la Corée, « une unique famille et un unique peuple » qui « parlent la même langue ».
Après quatre jours riches en rencontres et célébrations, le pape a en effet conclu son voyage apostolique en Corée du Sud (13-18 août) par une messe pour la paix et la réconciliation, en présence de Mme Park Geun-hye, présidente de la République de Corée, ce matin à 9h45 (2h45 à Rome).
Le pape a invité à un choix « radical » : « pardonner à nos frères sans aucune réserve ». « Ce qui, du point de vue humain, semble impossible, irréalisable, voire parfois répugnant, Jésus le rend possible et fructueux par l’infinie puissance de sa croix », a-t-il ajouté : « Ayez confiance dans la puissance de la croix du Christ ! Accueillez la grâce réconciliatrice dans vos cœurs et partagez-la avec les autres ! »
Il a appelé les Coréens « à repousser avec fermeté une mentalité fondée sur la suspicion, sur l’antagonisme et sur la compétition, et à favoriser plutôt une culture façonnée par l’enseignement de l’Évangile et par les plus nobles valeurs traditionnelles du peuple coréen ».
Aux chrétiens, le pape a demandé « de rendre un témoignage convaincant au message réconciliateur du Christ, dans vos maisons, dans vos communautés et dans tout domaine de la vie nationale ».
A.K.
Homélie du pape François
Chers frères et soeurs,
Mon séjour en Corée arrive à son terme et je ne peux que remercier Dieu pour les nombreuses bénédictions qu’il a accordées à ce pays bien-aimé et, de manière particulière, à l’Église en Corée. Parmi ces bénédictions, je conserve particulièrement l’expérience, vécue ensemble ces derniers jours, de la présence de nombreux jeunes pèlerins provenant de toute l’Asie. Leur amour pour Jésus et leur enthousiasme pour la diffusion de son Règne ont été une inspiration pour tous.
À présent, ma visite culmine avec cette célébration de la Messe, au cours de laquelle nous implorons de Dieu la grâce de la paix et de la réconciliation. Cette prière a une résonance particulière dans la péninsule coréenne. La messe d’aujourd’hui est surtout et principalement une prière pour la réconciliation de cette famille coréenne. Dans l’Évangile, Jésus nous dit combien puissante est notre prière quand deux ou trois sont réunis en son nom pour demander quelque chose (cf. Mt 18, 19-20). À plus forte raison quand un peuple entier élève sa supplication pressante vers le ciel !
La première lecture présente la promesse de Dieu de restaurer dans l’unité et dans la prospérité un peuple dispersé par le malheur et la division. Pour nous, comme pour le peuple d’Israël, c’est une promesse pleine d’espérance : elle indique un avenir que, dès à présent, Dieu prépare pour nous. Cependant, cette promesse est inséparablement liée à un commandement : le commandement de revenir vers Dieu et d’obéir de tout cœur à sa loi (cf. Dt 30, 2-3). Le don divin de la réconciliation, de l’unité et de la paix est inséparablement lié à la grâce de la conversion : il s’agit d’une transformation du cœur qui peut changer le cours de notre vie et de notre société, comme individus et comme peuple.
Naturellement, au cours de cette Messe, nous écoutons cette promesse dans le contexte de l’expérience historique du peuple coréen, une expérience de division et de conflit qui dure depuis plus de soixante ans. Mais l’invitation pressante de Dieu à la conversion appelle aussi les disciples du Christ en Corée à examiner la qualité de leur contribution à la construction d’une société juste et humaine. Elle appelle chacun de vous à réfléchir sur la façon dont vous témoignez, comme individus et comme communauté, d’un engagement évangélique pour les défavorisés, pour les marginalisés, pour ceux qui n’ont pas de travail ou sont exclus de la prospérité de beaucoup. Cette invitation vous appelle, comme chrétiens et comme Coréens, à repousser avec fermeté une mentalité fondée sur la suspicion, sur l’antagonisme et sur la compétition, et à favoriser plutôt une culture façonnée par l’enseignement de l’Évangile et par les plus nobles valeurs traditionnelles du peuple coréen.
Dans l’Évangile de ce jour, Pierre demande au Seigneur : « Quand mon frère commettra des fautes contre moi, combien de fois dois-je lui pardonner ? Jusqu’à sept fois ? ». Le Seigneur répond : « Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix fois sept fois » (Mt 18, 21-22). Ces paroles vont au cœur du message de réconciliation et de paix délivré par Jésus. En obéissant à son commandement, nous demandons quotidiennement à notre Père céleste de pardonner nos péchés, « comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensé ». Si nous n’étions pas prêts à faire de même, comment pourrions-nous honnêtement prier pour la paix et la réconciliation ?
Jésus nous demande de croire que le pardon est la porte qui conduit à la réconciliation. En nous ordonnant de pardonner à nos frères sans aucune réserve, il nous demande de faire quelque chose de totalement radical, mais il nous donne aussi la grâce pour le réaliser. Ce qui, du point de vue humain, semble impossible, irréalisable, voire parfois répugnant, Jésus le rend possible et fructueux par l’infinie puissance de sa croix. La croix du Christ révèle le pouvoir qu’a Dieu de résorber toute division, de guérir toute blessure et de rétablir les liens originels de l’amour fraternel.
C’est donc le message que je vous laisse en conclusion de ma visite en Corée. Ayez confiance dans la puissance de la croix du Christ ! Accueillez la grâce réconciliatrice dans vos cœurs et partagez-la avec les autres ! Je vous demande de rendre un témoignage convaincant au message réconciliateur du Christ, dans vos maisons, dans vos communautés et dans tout domaine de la vie nationale. Je suis convaincu que, dans un esprit d’amitié et de coopération avec les autres chrétiens, avec les adeptes des autres religions et avec tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté qui ont à cœur l’avenir de la société coréenne, vous serez levain du Règne de Dieu en cette terre. Alors, nos prières pour la paix et la réconciliation monteront vers Dieu de cœurs plus purs et, par le don de sa grâce, obtiendront ce bien précieux auquel nous aspirons tous.
Prions donc pour l’émergence de nouvelles opportunités de dialogue, de rencontre et de dépassement des différences, pour une continuelle générosité à fournir l’assistance humanitaire à tous ceux qui sont dans le besoin et pour une reconnaissance toujours plus grande du fait que tous les Coréens sont frères et sœurs, membres d’une unique famille et d’un unique peuple. Ils parlent la même langue.
Avant de partir de Corée, je voudrais remercier Madame le Président de la République, les Autorités civiles et ecclésiastiques et tous ceux qui, de quelque manière, ont aidé à rendre possible cette visite. De façon spéciale, je voudrais adresser une parole de reconnaissance personnelle aux prêtres de Corée, qui quotidiennement travaillent au service de l’Évangile et à l’édification du Peuple de Dieu dans la foi, l’espérance et la charité. Je vous demande, comme ambassadeurs du Christ et ministres de son amour de réconciliation (cf. 2 Co 5, 18-20), de continuer à construire des liens de respect, de confiance et de coopération harmonieuse dans vos paroisses, entre vous et avec vos Évêques. Votre exemple d’amour sans réserve pour le Seigneur, votre fidélité et votre dévouement dans le ministère, tout comme votre engagement charitable pour tous ceux qui sont dans le besoin, contri
buent grandement à l’œuvre de réconciliation et de paix dans ce pays.
Chers frères et sœurs, Dieu nous appelle à revenir vers Lui et à écouter sa voix, promettant de nous établir sur terre dans une paix et une prospérité plus grandes que tout ce que nos ancêtres ont jamais connu. Puissent les disciples du Christ en Corée préparer l’aube de ce nouveau jour, où cette terre du matin calme jouira des plus riches bénédictions divines d’harmonie et de paix ! Amen.