Tous les papes sont uniques, mais François est vraiment un pape extraordinaire, incroyable. Il nous étonne chaque jour davantage.
Il a un comportement inattendu. Il vit dans une chambre d’hôtel, voyage dans des voitures ordinaires et, lorsque c’est possible, sans escorte. Il est vêtu sobrement, chaussé de gros souliers cabossés. Il porte une croix pectorale en argent et il a fallu insister pour qu’il accepte que l’on fasse dorer son anneau.
Il visite, console et confesse les détenus, les malades du sida, les personnes qui ont des problèmes psychiques. Pas un Jeudi saint qu’il n’ait célébré hors de sa cathédrale, dans les prisons, les hôpitaux, les cliniques psychiatriques, les maisons de retraite, les orphelinats, les favelas, les quartiers les plus pauvres et les plus mal famés.
C’est une expérience particulière de le voir se déplacer au milieu de la foule.
Il réconforte et calme les malades et les personnes handicapées, attrape au vol un chapelet qu’on lui envoie, remet la sucette dans la bouche d’un enfant qui pleure, signe la jambe plâtrée d’une adolescente en fauteuil roulant, salue et embrasse chacun, bénit, conseille, écoute les enfants et les personnes âgées, dialogue intensément avec la foule, l’invite à répondre à ses questions et réclame sa prière, parfois en silence.
Beaucoup sont émus.
Et puis, il téléphone en personne. C’est lui qui va chercher les brebis perdues. Il partage leurs souffrances, les appelle par leur nom, les rassure, trouve des solutions, en véritable père qui ne refuse pas sa présence et qui ramène à Dieu toutes les brebis perdues.
Il suscite un enthousiasme surprenant.
Avec 10 millions de « followers » sur Twitter, le pape s’est vu attribuer récemment l’Oscar de la toile, comme Personnage de l’année au Blogfest 2013, barrant toute concurrence sur Internet.
Au Vatican, deux mille lettres lui parviennent chaque jour.
L’Angelus et l’audience du mercredi rassemblent plus de cent mille personnes, dépassant largement les records marqués par les papes précédents.
Des curés de paroisse témoignent que, depuis l’élection du pape François, jamais on n’a vu autant de personnes faire la queue pour se confesser.
En Pologne, il paraît que les demandes d’entrée au séminaire ont beaucoup augmenté ces sept derniers mois et un sondage, en Russie, a révélé que 71% de la population souhaite que le pape se rende à Moscou.
D’après un autre sondage, mené par l’Institut Toniolo auprès d’un millier de jeunes, 83,6% d’entre eux considèrent que les paroles choisies sont adaptées au monde contemporain, capables de rejoindre le cœur des personnes. Le pape est sympathique à 91,5% des personnes interrogées et 81% d’entre elles affirment qu’il peut obtenir une plus grande cohérence morale entre les comportements et les valeurs affirmées.
Quel est son secret ?
Si rien ne le différencie de ses prédécesseurs sur le plan doctrinal, en revanche, l’approche a changé.
Le pape François ne se soucie pas des critiques, ne répond jamais au mal par le mal, n’accepte pas d’alimenter les polémiques ; au contraire, comme saint François, il va vers ses ennemis et essaie de les embrasser, de leur expliquer le sacrifice du Christ et il leur propose de s’abaisser ensemble sous la Croix, faisant de la faiblesse l’arme qui permet de trouver la paix.
Voici ce qu’il a dit, à ce sujet, aux rédacteurs de « La Civiltà cattolica », le 14 juin dernier, à l’occasion du 163eme anniversaire de la revue : « Il est vrai que l’Église demande d’être durs avec les hypocrisies, qui sont le fruit d’un cœur fermé, mais son devoir principal n’est pas de construire des murs, mais des ponts, c’est d’établir un dialogue avec tous les hommes, même avec ceux qui ne partagent pas la foi chrétienne, tout en respectant les valeurs humaines élevées, et même ‘avec ceux qui s’opposent à l’Église et la persécutent de diverses manières’ (Vatican II, Gaudium et spes, 92)».
« Dialoguer signifie être convaincu que l’autre a quelque chose de bon à dire, faire de la place à son point de vue, à son opinion, à ses propositions, sans tomber, bien sûr, dans le relativisme. Et pour dialoguer, il faut lâcher ses défenses et ouvrir les portes ».
Et le pape François ajoutait : « Il y a tellement de questions humaines sur lesquelles discuter et partager, et dans le dialogue, il est toujours possible de s’approcher de la vérité qui est un don de Dieu et qui nous enrichit mutuellement. »
Le pape Bergoglio a rappelé l’affirmation de saint Ignace de Loyola: « il faut chercher et trouver Dieu en toutes choses ».
Dans son interview accordée à « La Civiltà cattolica », il s’explique : « J’ai une certitude dogmatique : Dieu est dans la vie de toute personne, Dieu est dans la vie de chacun de nous. Même si la vie de quelqu’un est un désastre, si elle est détruite par les vices, par la drogue ou par n’importe quoi d’autre, Dieu est dans sa vie. On peut et on doit le chercher dans toute vie humaine. Même si la vie d’une personne est un terrain couvert d’épines et de mauvaises herbes, il y a toujours en elle un espace où le bon grain peut pousser. Il faut avoir confiance en Dieu ».
Dans ce contexte, voici ce qu’il a écrit sur la diffusion de la foi dans l’encyclique « Lumen fidei » : «Il résulte alors clairement que la foi n’est pas intransigeante, mais elle grandit dans une cohabitation qui respecte l’autre. Le croyant n’est pas arrogant ; au contraire, la vérité le rend humble, sachant que ce n’est pas lui qui la possède, mais c’est elle qui l’embrasse et le possède. Loin de le raidir, la sécurité de la foi le met en route, et rend possible le témoignage et le dialogue avec tous. » (34).
À la question de savoir comment se comporter face à ceux qui attaquent ou persécutent l’Église, le pape François répond comme l’a fait le bienheureux croate Miroslav Bulesic : « Ma vengeance est le pardon ! », expliquant que « le martyre est amour, et c’est la victoire sur toute forme de haine ».
Le bienheureux Jerzy Popieluszko, martyr polonais, a lui aussi souligné que le devoir des chrétiens est de combattre « le mal, et non ses victimes ».
L’enseignement de saint Paul, dans la Lettre aux Romains, est aussi très clair : « Ne te laisse pas vaincre par le mal, sois vainqueur du mal par le bien » (12,21).
Le mal n’est pas vaincu par le mal : sur cette voie, en effet, au lieu d’être vainqueur du mal, on se fait vaincre par lui.
À ce sujet, avant l’Angelus du 15 septembre, le pape a expliqué que la justice humaine est trop limitée pour nous sauver et que si nous pratiquons « œil pour œil, dent pour dent », jamais nous ne sortirons de la spirale du mal.
La justice de Dieu est bien différente : devant les péchés et le mal, il a accepté la Croix et a donné sa vie pour nous.
A suivre…