Pour les lecteurs de Zenit, Annie Laurent a mis à jour sa tribune de Radio Espérance du 26 juin dernier et nous la publions avec l’aimable autorisation de Radio Espérance (http://www.radio-esperance.fr).
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Les chrétiens de Syrie continuent de payer cher l’aveuglement et l’obstination de la politique occidentale dans la crise qui secoue leur malheureux pays depuis mars 2011. Les violences qui les visent sont étrangères à la lutte contre le régime de Bachar El-Assad. Leurs auteurs sont surtout des combattants islamistes étrangers qui arrivent par milliers en Syrie pour pratiquer le djihad, la guerre sainte, avec le soutien actif du monde sunnite, notamment les riches monarchies arabes comme l’émirat de Qatar et l’Arabie-Séoudite.
Mais les islamistes armés et endoctrinés viennent aussi de pays voisins tels que la Turquie, l’Irak, la Jordanie, l’Egypte et le Liban (au pays du Cèdre s’activent aussi des groupes sunnites radicaux) ainsi que de contrées plus éloignées, comme l’Afghanistan, le Pakistan, la Tchétchénie, la Libye, et même l’Europe. Beaucoup de ces extrémistes agissent sous l’étiquette d’un mouvement affilié à l’organisation terroriste El Qaïda, en l’occurrence le Jabat El Nosra, nom qui signifie « le Front des Partisans de la victoire ».
D’autres appartiennent à l’Armée syrienne libre dont le combat n’est officiellement motivé que par la chute du président Assad. Or, ils ont à leur actif plusieurs destructions, profanations et pillages d’églises et de monastères. Peut-être cherchent-ils ainsi à « punir » les chrétiens pour leur refus de participer à une rébellion violente.
L’entreprise de ces militants qui veulent purifier l’espace proche-oriental de toute présence non islamique est facilitée par la vulnérabilité des chrétiens, ceux-ci n’étant pas armés et ne bénéficiant d’aucune protection, ni locale ni internationale. Il faudra faire un jour le bilan des souffrances qu’ils endurent à cause de leur foi et de leur identité chrétienne. En attendant, voici un aperçu des dernières agressions dont ils ont été victimes.
Au début du mois de juin, l’armée régulière syrienne a repris le contrôle de Qousseir, localité proche de la frontière libanaise. Cette victoire a permis de constater que les 3 000 chrétiens qui coexistaient auparavant avec les musulmans dans cette ville de 30 000 habitants ont tous été contraints de quitter leurs foyers sous la menace des djihadistes, maîtres des lieux depuis plus d’un an. Ces derniers ont aussi profané et saccagé plusieurs édifices chrétiens, notamment le monastère grec-orthodoxe Saint-Elie. La plupart des icônes et des statues de l’église ont été détruites ou mutilées, signe d’une action planifiée.
Le 19 juin, à Deir Ez-Zor, important centre urbain du nord-est, des terroristes ont mis le feu à une église syriaque contre laquelle ils avaient déjà lancé une voiture piégée. Il ne reste rien du sanctuaire.
Et puis, le dimanche 23 juin, à Gassanié, ville située sur les rives de l’Oronte, dans le nord-ouest de la Syrie, un religieux franciscain, François de l’Enfant-Jésus Mourad, âgé de 49 ans, a été assassiné dans le couvent relevant de la Custodie de Terre Sainte dont le siège est à Jérusalem. Le Père Mourad s’y était réfugié après l’attaque à l’arme lourde d’un autre monastère de la même localité, dédié à saint Siméon le Stylite, monastère qu’il avait lui-même construit pour le compte de l’Eglise syriaque-catholique dont il était issu. Comme bien d’autres fidèles d’Eglises orientales, le Père Mourad était devenu latin en entrant chez les franciscains – jusqu’en juillet 2012, il allait célébrer la messe dominicale au Carmel d’Alep – mais il restait attaché à son rite d’origine.
En apprenant la mort du prêtre, Mgr Jacques Hindo, titulaire de l’archéparchie syriaque-catholique de Hassaké, dont dépend Gassanié, a déclaré à l’agence Fides : « Toute l’histoire des chrétiens du Moyen-Orient est marquée et rendue féconde par le sang des martyrs des nombreuses persécutions. Ces derniers temps, le Père Mourad m’avait fait parvenir un certain nombre de messages dans lesquels il se montrait conscient de vivre dans une situation dangereuse et où il offrait sa vie pour la paix en Syrie et dans le monde entier ».
Enfin, on est toujours sans la moindre nouvelle des deux évêques titulaires des sièges métropolitains grec-orthodoxe et syriaque-orthodoxe d’Alep, Mgr Paul Yazigi et Mgr Jean Ibrahim, enlevés ensemble le 22 avril dernier. Sur place, l’absence de revendication et de demande de rançon est perçue comme un mauvais signe.
Dans un éditorial courageux publié lundi 24 juin dans la Lettre de l’Aide à l’Eglise en Détresse, le directeur de cette institution, Marc Fromager, se demande pourquoi la France s’aligne sur les Etats-Unis et les pays sunnites en acceptant la livraison d’armes à la rébellion. Il rappelle que notre pays, « de par ses liens historiques avec la Syrie et les chrétiens d’Orient, avait une double responsabilité et donc des devoirs particuliers sur ce dossier ». Après la Syrie, souligne-t-il, « comment ne pas entrevoir la dislocation du Liban ? Là aussi, est-ce la disparition des chrétiens que l’on cherche ? » Je m’associe au cri indigné de Marc Fromager : « Syrie, ça suffit ! »