Pour consoler, il faut avoir reçu les "cascades" de la tendresse de Dieu

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Homélie pour le pélerinage des séminaristes et des novices

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« Vous représentez la jeunesse de l’Eglise ! Si l’Eglise est l’Epouse du Christ, dans un certain sens vous représentez le moment des fiançailles, le printemps de la vocation », a déclaré le pape François dan son homélie pour le pèlerinage des séminaristes et des novices dans le cadre de l’Année de la foi, ce dimanche matin, 7 juillet, en la basilique Saint-Pierre. 

Le pape a commenté les lectures de la messe, soulignant la « cascade de tendresse » que Dieu déverse sur les siens. La mission c’est de consoler le Peuple de Dieu et pour cela, l’apôtre doit d’abord se laisser consoler par Dieu lui-même, faire l’expérience de sa tendresse, a expliqué en substance le pape en improvisant ce passage de son homélie. De là dit-il dépend la « fécondité » de la mission.

Homélie du pape François

Chers frères et sœurs,

J’ai déjà eu hier la joie de vous rencontrer, et aujourd’hui notre fête est encore plus grande parce que nous nous retrouvons pour l’Eucharistie, le jour du Seigneur. Vous êtes séminaristes, novices, jeunes en cheminement vocationnel, venant de toutes les parties du monde : vous représentez la jeunesse de l’Eglise ! Si l’Eglise est l’Epouse du Christ, dans un certain sens vous représentez le moment des fiançailles, le printemps de la vocation, la saison de la découverte, de la vérification, de la formation. Et c’est une saison très belle dans laquelle sont jetées les bases de l’avenir. Merci d’être venus.

Aujourd’hui la parole de Dieu nous parle de la mission. D’où naît la mission ? La réponse est simple : elle naît d’un appel, l’appel du Seigneur ; et celui qui est appelé l’est pour être envoyé. Quel doit être le style de celui qui est envoyé ? Quels sont les points de repère de la mission chrétienne ? Les lectures que nous avons écoutées nous en suggèrent trois : la joie de la consolation, la croix et la prière.

1. Le premier élément : la joie de la consolation. Le prophète Isaïe s’adresse à un peuple qui a traversé la période sombre de l’exil, qui a subi une épreuve très dure ; mais maintenant est venu pour Jérusalem le temps de la consolation; la tristesse et la peur doivent céder la place à la joie : « Réjouissez-vous… exultez… soyez pleins d’allégresse », dit le prophète (66, 10). C’est une grande invitation à la joie. Pourquoi ? Quel est le motif de cette invitation à la joie ? Parce que le Seigneur répandra sur la Cité sainte et ses habitants une « cascade » de consolations, – une  « cascade » de consolation, ainsi, pleins de consolation -, une cascade de tendresse maternelle : « Vous serez portés dans les bras et caressés sur les genoux»: quand la maman prend l’enfant sur les genoux et le caresse, c’est ainsi que le Seigneur fera avec nous et fait avec nous. Voilà la  « cascade » de tendresse qui nous donne tant de consolation. « De même qu’une mère console son enfant, moi-même je vous consolerai » (v. 12-13). Tout chrétien, surtout nous, est appelé à porter ce message d’espérance qui donne sérénité et joie : la consolation de Dieu, sa tendresse pour tous. Mais nous ne pouvons pas en être porteur si nous ne faisons pas nous-mêmes en premier l’expérience de la joie d’être consolés par Lui, d’être aimés de Lui. 

C’est important pour que notre mission soit féconde : sentir la consolation de Dieu et la transmettre ! J’ai parfois rencontré des personnes consacrées qui ont peur de la consolation de Dieu. Les pauvres, les pauvres, ils se tourmentent! Parce qu’ils ont peur de cette tendresse de Dieu. Mais n’ayez pas peur ! N’ayez pas peur ! Le Seigneur est le Seigneur de la consolation, le Seigneur de la tendresse. Le Seigneur est Père. Et il dit qu’il fera avec nous comme une maman avec son enfant, avec sa tendresse. N’ayez pas peur de la consolation du Seigneur!

L’invitation d’Isaïe doit résonner dans notre cœur : « Consolez, consolez mon peuple » (40, 1) et cela doit devenir mission. A nous de trouver le Seigneur qui nous console et d’aller consoler le Peuple de Dieu: c’est cela la mission.

Les gens ont  aujourd’hui besoin, certainement, de paroles, mais ils ont surtout besoin que nous témoignions de la miséricorde, de la tendresse du Seigneur qui réchauffe le cœur, qui réveille l’espérance, qui attire vers le bien. La joie d’apporter la consolation de Dieu.

2. Le second point de repère de la mission est la croix du Christ. Saint Paul, écrivant aux Galates affirme : « pour moi, que la croix de Notre Seigneur Jésus-Christ reste mon seul orgueil » (6, 14). Et il parle des « stigmates », c’est-à-dire des plaies de Jésus crucifié, comme le signe, la marque distinctive de son être d’apôtre de l’Evangile. Dans son ministère, Paul a fait l’expérience de la souffrance, de la faiblesse et de la défaite, mais aussi de la joie et de la consolation. C’est le mystère pascal de Jésus : mystère de mort et de résurrection. Et justement c’est parce qu’il s’est laissé configurer à la mort de Jésus que Paul a participé à sa résurrection, à sa victoire. 

A l’heure de l’obscurité, à l’heure de l’épreuve est déjà présente et agissante l’aube de la lumière et du salut. Le mystère pascal est le cœur palpitant de la mission de l’Eglise ! Et si nous demeurons à l’intérieur de ce mystère, nous sommes à l’abri, aussi bien d’une vision mondaine et triomphaliste de la mission, que du découragement qui peut naître devant les épreuves et les échecs. La fécondité pastorale, la fécondité de l’annonce de l’Evangile n’est donnée ni par le succès, ni par l’échec évalués selon des critères humains, mais par la conformité à la logique de la Croix de Jésus, qui est la logique du sortir de soi-même et se donner soi-même, c’est la logique de l’amour. C’est la Croix – toujours la Croix avec le Christ, parce que parfois ils nous offrent la croix sans le Christ: celle-là ne va pas – c’est toujours la Croix avec le Christ qui garantit la fécondité de notre mission. Et c’est de la Croix, acte suprême de miséricorde et d’amour, que l’on renaît comme « créature nouvelle » (Ga 6, 15).

3. Enfin, le troisième élément : la prière. Dans l’Evangile nous avons entendu : « Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers à sa moisson » (Lc 10, 2). Les ouvriers de la moisson ne sont pas choisis à travers des campagnes publicitaires ou par des appels au service de la générosité, mais ils sont « choisis » et « envoyés » par Dieu. C’est lui qui choisit, c’est lui qui envoie, c’est lui qui donne la mission. C’est pour cela que la prière est importante. L’Eglise, nous a répété Benoît XVI, n’est pas nôtre, mais elle est de Dieu. Combien de fois, nous, consacrés, nous pensons qu’elle est nôtre! Nous faisons ce qui nous vient à l’esprit. Mais elle n’est pas nôtre. Elle est à Dieu. Le champ à cultiver est le sien. En conséquence, la mission est essentiellement grâce. La mission est grâce. Et si l’apôtre est le fruit de la prière, il trouvera en elle la lumière et la force pour son action. Notre mission, en effet, n’est pa féconde, ou plutôt elle s’éteint, à partir du moment où est interrompue la relation avec la source, avec le Seigneur.

Chers séminaristes, chers novices, chers jeunes en cheminement vocationnel. L’un de vous, l’un de vos formateurs me disait l’autre jour [le pape le dit en français]: « Evangéliser, cela se fait à genoux ». « L’évangélisation se fait à genoux »: écoutez bien! « L’évangélisation se fait à genoux. » Soyez toujours des hommes et des femmes de prière ! Sans le rapport constant avec Dieu la mission devient un métier. Quel est ton travail: je travaille comme tailleur, cuisinière, prêtre, soeur… Je travaille comme soeur. Non! Ce n’est pas un métier. C’est autre chose!

Le risque de l’activisme, d’une trop grande confiance dans les str
uctures, est toujours en embuscade. Si nous regardons Jésus, nous voyons qu’à la veille de chaque décision ou évènement important, il se recueillait dans une prière intense et prolongée. Cultivons la dimension contemplative, y compris dans le tourbillon des engagements les plus urgents et pressants. Et plus la mission vous appelle à aller vers les périphéries existentielles, plus votre cœur doit être uni à celui du Christ, plein de miséricorde et d’amour. Là se trouve le secret de la fécondité pastorale, de la fécondité d’un disciple du Seigneur !

Jésus envoie le siens sans « argent, ni sac, ni sandales » (Lc 10, 4). La diffusion de l’Evangile n’est assurée ni par le nombre de personnes, ni par le prestige de l’institution, ni par la quantité des ressources disponibles. Ce qui compte, c’est d’être imprégné de l’amour du Christ, se laisser conduire par le Saint Esprit, et greffer sa vie sur l’arbre de vie, qui est la Croix du Seigneur.

Chers amis et amies, je vous confie, avec une grande confiance, à l’intercession de la très sainte Vierge Marie. Elle est la Mère qui nous aide à prendre les décisions définitives, librement, sans peur. Qu’elle vous aide à témoigner de la joie de la consolation de Dieu, à vous conformer à la logique de l’amour de la Croix, à grandir dans l’union toujours plus intime avec le Seigneur dans la prière. Ainsi votre vie sera riche et féconde ! Amen.

Traduction de Zenit, d’après le texte lu par le pape, y compris les passages improvisés, Anita Bourdin

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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