« Les Français doivent être conséquents avec leur droit de vote », déclare le card. Vingt-Trois qui appelle à la responsabilité face à des lois qui nieraient la dignité humaine.
Ce samedi 23 mars, dans son entretien hebdomadaire sur l’antenne de Radio Notre-Dame, le cardinal André Vingt-Trois s’est en effet exprimé au sujet du débat levant l’interdiction de la recherche sur l’embryon humain en France.
Radio Notre-Dame / Elodie Chapelle – Jeudi prochain 28 mars, une proposition de loi levant l’interdiction de la recherche sur l’embryon humain sera débattue à l’assemblée pour un vote solennel des députés le mardi 2 avril, c’est un texte qui a été validé en catimini par la Commission des Affaires Sociales le 20 mars. Votre réaction ?
Cardinal André Vingt-Trois – Je pense que c’est une erreur grave par rapport à l’équilibre de notre société. Car quand on donne libre cours à toutes sortes de recherches sur l’embryon cela veut dire que l’on considère que l’embryon n’est rien et que c’est un matériau de laboratoire. Je sais bien qu’il y a des chercheurs qui sont beaucoup plus conscients de l’importance de l’acte qu’ils font et qu’ils ne sont pas tous irresponsables mais la loi de bioéthique qui a été votée en 2011 prévoyait qu’il y ait une autorisation préalable à la dérogation de l’interdit. Ce n’était pas parfait, mais cela avait l’avantage d’une part de maintenir l’interdit de principe, qui rappelle la dignité particulière de l’embryon humain, et d’autre part d’obliger les chercheurs à étayer leur demande sur un certain nombre d’arguments. Et on sait qu’un certain nombre de demandes ont été soit récusées, soit contestées en raison de la faiblesse des arguments qui étaient présentés pour obtenir la dérogation. Le fait que l’on supprime l’interdit a priori, cela veut dire qu’on laisse le champ libre à tous ceux qui voudront essayer quelque chose.
Cela veut-il dire que le statut humain de l’embryon est quasiment nié ?
Le statut humain de l’embryon est en tout cas gravement compromis et en plus c’est, à mon avis, une double erreur. C’est une erreur d’investissement puisque depuis un certain nombre d’années on nous annonce que les cellules embryonnaires vont être la source de traitement régénératif des maladies nerveuses, et à ce jour il n’y a même pas, dans ce domaine, de protocole d’essai, on est toujours dans la promesse que cela va venir incessamment sous peu mais cela n’arrive jamais. Et d’autre part, on a d’autres pistes de recherche beaucoup plus prometteuses qui ont été d’ailleurs couronnées par un prix Nobel.
Vous pensez aux cellules souches pluripotentes du Prof. YAMANAKA ?
Bien sûr ; et donc cela veut dire que ce combat est un combat d’arrière-garde qui ne se livre que pour contester la valeur intrinsèque de l’embryon. Il n’y a pas de justification scientifique avérée et donc c’est une tromperie à l’égard des gens que de leur faire croire que grâce à cela ils vont avoir des traitements pour Alzheimer, Parkinson, etc. Cela n’aboutira pas. On le dit, on l’a dit, on l’a répété, et maintenant dans d’autres pays et même en France dans certains laboratoires de recherche, d’autres pistes sont explorées alors évidement la deuxième question qu’il faut bien se poser quand même c’est : qui a intérêt ?
C’est-à-dire qui a intérêt à drainer les financements et les subventions à la recherche sur tel ou tel laboratoire plutôt que sur tel autre ? Et là-dessus on a aucune information claire ni transparente. Il faudra donc bien un jour que l’on sache pourquoi ce pouvoir économique des laboratoires pharmaceutiques ou des laboratoires de recherche reste obstinément dans l’ombre – quand il n’utilise pas les fonds de collecte publique qui sont recueillis avec des procédés de mobilisation affective considérable, mais dont finalement l’investissement n’est pas toujours absolument contrôlable.
Gare à l’arnaque idéologique et l’arnaque financière ?
Oui.
Concrètement il y a plusieurs associations qui ont lancé des dispositifs : la campagne « Vous trouvez cela normal ? », également une autre campagne à l’échelle européenne. Eminence, la Conférence de des évêques de France soutient ces opérations.
Bien sûr, j’aurai l’occasion de le rappeler au cours de la prochaine assemblée plénière qui se tiendra au mois d’avril.
Concrètement là, l’heure est grave, le 2 avril vote solennel, que faire ?
On ne peut que protester et rappeler incidemment quand même que dans le vote des lois dites de bioéthique en 2011, il était inclus que les amendements à ces lois seraient soumis au même processus d’états généraux que l’avait été l’établissement de la loi. Or là, non seulement on n’a pas procédé aux consultations minimales, mais on l’a logé, en tout cas dans le calendrier du Sénat et le calendrier de l’Assemblée nationale, dans ce qu’on appelle une « niche parlementaire », c’est-à-dire un tiroir où on recueille un certain nombre de projets de loi sans importance que l’on fait passer à 2 heures du matin, quand la séance arrive à sa fin.
Comment ne pas tomber dans la colère et dans le découragement ?
Il n’y a pas objet de colère ou ni de découragement c’est l’objet d’indignation et de protestation. Mais encore une fois, si je puis dire, les Français doivent être conséquents avec leur droit de vote. Quand ils élisent des gens, ils doivent savoir qu’il y a un certain nombre de projets qui sont inscrits dans les programmes ou dans les entours des candidats. S’ils ne prennent pas conscience de cela et s’ils estiment plus important de croire qu’ils auront des rabais d’impôt fût-ce au prix de lois qui détruisent la dignité humaine c’est un problème qui dépasse largement le cadre du débat parlementaire.