Sida : le Vatican appelle à lutter contre la transmission mère-enfant

Plaidoyer de Mgr Tomasi à l’ONU

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Pour le Saint-Siège, « si l’on augmentait l’accès à des programmes spéciaux pour prévenir la transmission mère-enfant à travers un diagnostic précoce des mères et par la fourniture de traitements antirétroviraux à celles-ci dès l’établissement du diagnostic, le nombre de nouveaux enfants infectés par le VIH diminuerait rapidement. »

Mgr Silvano M. Tomasi, observateur permanent du Saint-Siège auprès des Nations unies et d’autres organisations internationales à Genève, est intervenu le 7 mars 2013, au cours de la 22e session du Conseil des droits de l’homme, sur la « Séance annuelle d’une journée sur les droits de l’enfant ».

Intervention  de Mgr Tomasi

Monsieur le Président,

Ma délégation se félicite de l’accent mis sur le droit de l’enfant à la santé au cours de cette discussion annuelle. Permettez-moi de demander une attention particulière à la situation des enfants vivant avec le VIH ou atteints de co-infection tuberculose/VIH – un sujet qui aurait pu faire l’objet d’un examen plus vaste dans le rapport du haut commissaire dans la préparation de cet important débat.

Malgré les preuves que le traitement est très efficace chez les enfants vivant avec le VIH, même dans les pays à ressources limitées, il reste d’importants obstacles à un accès plus généralisé des enfants vivant avec le VIH à un tel traitement susceptible de sauver des vies, d’améliorer les conditions d’existence. En fait, seulement 28 % des enfants vivant dans les pays à faible et moyen revenu, qui ont besoin de traitement antirétroviral hautement actif, ou HAART, sont actuellement en mesure de bénéficier de ces médicaments, en comparaison avec les 50 % d’adultes vivant avec le VIH qui ont accès au TAR (traitement antirétroviral). En conséquence, 30 enfants de moins de 15 ans vivant avec le VIH meurent toutes les heures. Pour les enfants vivant à la fois avec le VIH et la tuberculose (TB), la situation est encore pire ; malgré le fait que la tuberculose reste la principale cause de décès chez les enfants atteints du sida, les antirétroviraux à usage pédiatrique ne sont pas disponibles pour traiter la co-infection tuberculose/VIH chez les enfants.

Un obstacle majeur au traitement des enfants avec le VIH est la difficulté à détecter l’infection chez les bébés de moins de 18 mois. Dans les pays à revenu élevé, les enfants peuvent être soumis à un diagnostic précis dans les 48 heures suivant la naissance. Cependant, les essais spécialisés et sophistiqués qui permettent un tel diagnostic chez les nourrissons ne sont généralement pas disponibles dans les pays à faible revenu, car ils nécessitent un équipement de laboratoire coûteux et un personnel qualifié. En outre, l’intensification des programmes de dépistage pour les enfants nécessite des investissements dans la formation et l’assistance technique pour les fournisseurs de soins de santé, l’amélioration des capacités et des installations des laboratoires ainsi que des réseaux d’orientation et une mobilisation de la communauté.

Nous savons, bien sûr, que 90 % des infections à VIH chez l’enfant sont transmises dans le sein de la mère, à l’accouchement ou pendant l’allaitement lorsque celle-ci est atteinte du virus. Même si des interventions sont disponibles pour prévenir la transmission du VIH de la mère à l’enfant, l’année 2011 a enregistré environ 330 000 nouveaux cas d’enfants infectés par le VIH, principalement par la transmission mère-enfant. Si l’on augmentait l’accès à des programmes spéciaux pour prévenir la transmission mère-enfant à travers un diagnostic précoce des mères et par la fourniture de traitements antirétroviraux à celles-ci dès l’établissement du diagnostic, le nombre de nouveaux enfants infectés par le VIH diminuerait rapidement. Par ailleurs, le lancement immédiat d’un traitement antirétroviral hautement actif chez les enfants nés de mères séropositives permettrait de retarder l’apparition des maladies liées au VIH parmi ces enfants.

Sans des soins et un traitement adéquats, jusqu’à un tiers de la totalité des enfants nés avec le VIH meurent avant leur premier anniversaire, et la moitié d’entre eux mourront avant l’âge de deux ans. Pourtant, les enfants traités par HAART, doivent prendre au moins trois médicaments antirétroviraux différents, plusieurs fois par jour, afin d’éviter le développement de la résistance à un seul médicament, et donc d’empêcher la progression ultérieure du VIH. Ces médicaments doivent être formulés différemment de ceux des adultes, et en tenant compte des conditions climatiques des régions dans lesquelles ils seront distribués et utilisés. Il convient également de noter que, dans de nombreux milieux à faible revenu, l’eau potable, une alimentation adéquate et un approvisionnement continu en électricité ne sont pas toujours disponibles et peuvent donc compromettre encore la qualité des soins auxquels peut accéder l’enfant. En effet, la variété de formulations des médicaments antirétroviraux pour une utilisation spécifique chez les enfants est insuffisante, « en grande partie parce que le marché de la médecine du VIH pour les enfants a été jugé trop faible pour justifier des investissements dans ce type de recherche »[1].

Monsieur le Président, les obstacles mentionnés ci-dessus contrecarrent la capacité de l’enfant à jouir et à exercer son droit de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, reconnu, entre autres, dans la Convention relative aux droits de l’enfant. Ma délégation ne parle pas simplement de manière abstraite ou légaliste, mais sur la base d’informations et d’expériences vécues rapportées par des organisations catholiques liées à l’Église et engagées dans la promotion et la protection du droit de l’enfant à la santé dans toutes les régions du monde. Une étude récente menée par le Réseau catholique de lutte contre le VIH et le sida, un réseau informel d’organisations catholiques liées à l’Église et engagées à apporter un soutien financier et une assistance technique aux programmes sur le VIH dans les pays en développement, montre les efforts importants de tels programmes pour éliminer la transmission mère-enfant du virus, promouvoir un diagnostic et un traitement complets et précoces des enfants qui ont été infectés, et faire face à la stigmatisation sociale et à l’ignorance qui empêchent souvent la mise en œuvre efficace et efficiente de ces programmes. Ce rapport a été discuté lors d’un événement parallèle, organisé le 6 mars 2013, en lien avec la 22essession de ce Conseil.

Dans un appel lancé lors de la Journée mondiale du sida 2012, le pape Benoît XVI a noté avec la plus grande insistance : « Le VIH/sida touche particulièrement les régions les plus pauvres du monde, où l’accès à des médicaments efficaces est très limité. Mes pensées vont en particulier au nombre élevé des enfants qui, chaque année, contractent le virus par leur mère malgré les traitements qui existent pour prévenir sa transmission. J’encourage les nombreuses initiatives qui ont été prises dans le cadre de la mission ecclésiale en vue d’éradiquer ce fléau. »

Monsieur le Président, ma délégation espère sincèrement que le Conseil lui-même en appellera aux États membres de l’Organisation des Nations unies pour investir des fonds et collaborer étroitement avec des sociétés pharmaceutiques et des instituts de recherche, dans le but de préserver et de promouvoir la vie et la dignité des enfants vivant avec le VIH ou atteints de co-infection tuberculose/VIH, en leur fournissant des outils de diagnostic et des médicaments disponibles, abordables et accessibles et ainsi assurer leur pleine jouissance du droit à la santé.

[1] Paediatric HIV: From a Human Rights Lens, Caritas Internationalis HAART for Children Newslet
ter, Issue 2, June 2012, Interview with Professor Daniel Tarantola.

Traduction Hélène Ginabat

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ZENIT Staff

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