Pour le Saint-Siège, l’exploitation sexuelle des enfants « requiert une attention particulière et urgente et une action à la fois humanitaire et morale ».
Mgr Silvano M. Tomasi, observateur permanent du Saint-Siège aux Nations Unies à Genève, est intervenu dans le cadre de la 22ème session du Conseil des droits de l’homme, sur le « Rapport du rapporteur spécial sur la vente et la prostitution d’enfants et sur la pornographie impliquant des enfants », le 7 mars 2013.
L’exploitation sexuelle des enfants « requiert une attention particulière et urgente et une action à la fois humanitaire et morale », a déclaré l’archevêque, qui souligne que pour prévenir ce « fléau », il faut « s’attaquer aux causes profondes qui rendent les gens vulnérables », « améliorer les soins pour les victimes » et lutter contre « la culture consumériste ».
« Loin de diminuer, le fléau de la traite des êtres humains se développe et se diversifie avec l’augmentation de la mobilité humaine et la mondialisation de la communication et du commerce », a constaté l’archevêque qui a cité « des millions de personnes victimes de trafic aux fins d’exploitation sexuelle et de travail forcé », provenant « d’au moins 136 nationalités différentes » et « 118 pays » avec une majorité de femmes (55-60%), mais un flux d’enfants qui « progresse à une vitesse alarmante, de 20% entre 2003-2006 à 27% entre 2007-2010 », 58% étant des exploitations sexuelles.
Eradiquer la demande
Le phénomène des enfants « victimes des fantasmes sexuels des adultes » a été « aggravé récemment par la libéralisation des comportements sexuels », a-t-il estimé, faisant observer que « comme dans tout marché, l’offre répond à une demande ».
Par conséquent, « le trafic d’enfants existe parce qu’il y a une demande » et « pour bloquer le marché », il faut « affronter et combattre les « consommateurs » qui sont prêts à payer pour les « services » d’un enfant », a-t-il poursuivi.
Pour Mgr Tomasi, la prévention ne peut se contenter d’être judiciaire: elle doit aussi « s’attaquer à la culture consumériste qui stimule et favorise les désirs sexuels malsains et immatures et poussent les « consommateurs » vers ce marché » : « La prévention doit oser demander ce qui s’est passé pour le touriste qui recherche ce genre de « service ». Comment se crée, au départ, le marché de l’exploitation sexuelle ? »
Ainsi le Saint-Siège a mis en garde : « Si la compréhension que l’on a de la liberté individuelle rejette les limites éthiques imposées par la nature elle-même, la traite des personnes et la violation de leur dignité inhérente continueront de se produire, et l’action de l’Etat sera inefficace. »
Renforcer la répression
La prévention consiste aussi en « l’adoption et l’application d’une législation qui criminalise la consommation de pornographie juvénile ou les abus sexuels d’enfants », a-t-il ajouté, appelant à » mener une poursuite efficace des trafiquants ».
« Il y a un besoin évident de mettre à jour la législation, de renforcer la coopération internationale et régionale, de partager les informations et les bonnes pratiques, de lutter contre l’impunité et la corruption, d’améliorer les pratiques judiciaires », a insisté l’archevêque.
« Dans le cas de la traite des enfants, les risques [de répression] sont faibles à bien des égards et dans de nombreuses régions du monde », a-t-il dénoncé, et « il devient tentant de faire des profits élevés », car « l’objectif des trafiquants est avant tout économique ».
La tâche de prévention implique donc « le changement d’une culture qui justifie l’exploitation des personnes et tolère en toute impunité la violation de la sécurité humaine, véritable terreau pour la vulnérabilité de l’être humain ».
Faire disparaître la vulnérabilité
Or, cette « vulnérabilité » est au cœur du problème: en effet, a expliqué Mgr Tomasi, « la pratique des trafiquants prédateurs se nourrit des plus faibles, de personnes qui sont déjà dans le besoin et donc faciles à enlever, asservir et réduire à l’état de « marchandises » ».
Il s’agit donc face à ce « fléau » de « renforcer la sécurité humaine » et de « s’attaquer aux causes profondes qui rendent les gens vulnérables », vulnérabilité exacerbée par « la persistance de la crise économique, les guerres et les conflits civils actuels, les prix élevés des denrées alimentaires, la famine, la misère et la migration, les bouleversements politiques… »
L’archevêque appelle également à « identifier les survivants, en leur fournissant un soutien pour les préparer à une vie productive exempte de traumatismes », c’est-à-dire à « améliorer les soins pour les victimes et fournir les moyens de réinsérer celles-ci dans la société par une vie normale et digne ».
Traduction d’Hélène Ginabat