Le cardinal Camerlingue, Tarcisio Bertone, a donné le feu vert aux travaux de la Chapelle Sixtine qui est le lieu assigné par Jean-Paul II à l’élection du Successeur de Pierre.
Les travaux ont commencé pour installer la Chapelle Sixtine en vue du Conclave, indique le P. Lombardi. Elle est donc maintenant fermée au public depuis aujourd’hui 13 h.
Les travaux concernent quatre éléments essentiellement : les deux poêles – déjà en place ce 5 mars, un pour brûler les bulletins après chaque scrutin, et l’autre pour fabriquer la fumée de la couleur correcte, noire ou blanche, pour éviter les doutes d’avril 2005 – et le conduit de cuivre de la cheminée, la construction d’un plancher surélevé pour avoir un même niveau partout, l’installation des tables et des sièges.
La Constitution de Jean-Paul II « Universi Dominici Gregis » dit en effet: « Etant donné le caractère sacré de l’acte et donc qu’il doit se dérouler dans un lieu approprié où, d’une part, les actions liturgiques puissent se conjuguer avec les formalités juridiques et où, d’autre part, il soit rendu plus facile aux électeurs de disposer leur esprit à accueillir les motions intérieures de l’Esprit Saint, je décide que l’élection continuera à se dérouler dans la Chapelle Sixtine, où tout concourt à entretenir le sentiment de la présence de Dieu, devant qui chacun devra se présenter un jour pour être jugé » (Introduction).
Le pape Jean-Paul II a souligné l’importance de la méditation sur le Jugement dernier dans son oeuvre poétique « Triptyque romain » où il évoque en particulier cette fameuse année 1978, celle des « trois papes » et des « deux conclaves », celui d’août après la mort de Paul VI, et celui d’octobre, après la mort de Jean-Paul Ier, après 33 jours de pontificat.
Jean-Paul II va jusqu’à évoquer le conclave « après ma mort », écrit-il, et il brisait ainsi un tabou: à Rome, on ne parle pas, par respect pour le Souverain pontife, de son Successeur. Le pape Wojtyla faisait voler en éclat un tel tabou, il se plaçait du point de vue de cette éternité qu’évoque le magistral Jugement dernier que Michel Ange a placé sous les yeux des cardinaux électeurs, auxquels le pape adresse indirectement cette subtile méditation.
« Il est indispensable que la vision de Michel Ange leur parle.
Con-clave souci commun de l’héritage des clefs, des clefs du Royaume.
Ici, ils se voient entre le Commencement et la Fin,
entre le Jour de la Création et le Jour du Jugement… »
Il conclut: « Il est clair que durant le conclave, Michel Ange rend les hommes conscients –
N’oubliez pas : Omnia nuda et aperta sunt ante oculos Eius.
(« Toutes choses sont nues et ouvertes sous le regard de Dieu », ndlr)
Toi qui scrutes tout – Montre!
Et Lui te montrera… »
« Le Pape s’adresse aux Cardinaux du Conclave à venir, commentait alors le cardinal Ratzinger, de celui -écrit-il- qui « suivra ma mort », se permettant de leur parler de la vision de Michel-Ange. Le mot Conclave impose l’idée des clefs, de l’héritage des clefs confiées à Pierre. Placer ces clefs en de bonnes mains sera une immense responsabilité ces jours-là. »
« La Paternité, l’Election, la Création: autant de pans de vie du poète lui-même, de confidences, en filigrane, sous le regard de ce « Verbe » qui est « un visage », centre de l’histoire, mais aussi Commencement et Fin. En remontant à contre courant, comme le pape lui-même y invite par cette oeuvre, nous arrivons au premier volet du tableau », ajoutait-t-il.
« La première partie de l’oeuvre reflète, expliquait le cardinal Ratzinger, l’expérience de Jean-Paul II face à la création, sa beauté et son dynamisme. Elle propose des images des montagnes et des forêts, et plus encore de l’eau qui court vers la vallée: « la cascade argentée du torrent qui, des hauteurs, tombe en un rythme harmonieux. »
Exégète attentif, il ajoutait: « Le Pape exprime dans ces vers la « source », et rappelle que « la recherche de cette source nous oblige à remonter à contre-courant ». »
« Je crois que c’est là la clef de lecture des deux autres volets qui nous portent à contre-courant. Le pèlerinage spirituel de ce texte nous porte vers le ‘commencement », continuait le cardinal Ratzinger.
Il faisait observer le sens de cette citation: « ‘Au début était le Verbe (…) et à l’arrivée, la véritable surprise est que le « commencement » finit dans l’accomplissement’ : ceci dit, le mot clef résumant le pèlerinage du second volet du Triptyque n’est pas « verbe » mais « voir » ou « vision ». Le Verbe a un visage. Le Verbe source est une vision. La création et l’univers découlent d’une « vision ». »
Il s’agit finalement, concluait le cardinal Ratzinger, de « l’immense arc qui compose la vision spécifique du Triptyque romain, clairement révélé par le troisième volet. Il s’agit de la montée vers Moryah, la montagne du sacrifice, d’Abraham et d’Isaac, un voyage entrepris à partir d’Ur en Chaldée. La phase fondamentale de ce voyage est constituée par la montée au sommet, à contre-courant puisque la « source » est aussi le but. »