Benoît XVI appelle à vivre les quarante jours du carême « dans une communion ecclésiale plus intense et plus évidente » mais aussi sans « hypocrisie » et sans chercher « l’approbation » ici-bas. L’émotion a été profonde tout au long de la célébration, autour du pape qui agit en toute liberté, devant Dieu, sans chercher l’approbation des hommes.
Le premier, le pape a reçu les Cendres qui lui ont été imposées par le cardinal archiprêtre de la basilique vaticane, le cardinal Angelo Comastri. Un geste qui prend une dimension historique, quarante-huit heures après l’annonce de la fin de son pontificat pour le 28 février.
En présidant cette messe du Mercredi des Cendres en la basilique Saint-Pierre, ce 13 février 2013, Benoît XVI a fait entrer l’Eglise en carême avec des paroles fortes, en appelant les baptisés ne pas rester « sourds » à cet appel à la conversion. C’était la dernière célébration liturgique publique présidée par lui en tant que pape : la foule était rassemblée autour de lui, exceptionnellement dense. C’est pour l’accueillir que la célébration n’a pas eu lieu à Sainte-Sabine, comme à l’accoutumée.
Dépasser individualismes et rivalités
Le pape a affirmé avec force que « vivre le carême dans une communion ecclésiale plus intense et plus évidente, en dépassant les individualismes et les rivalités, est un signe humble et précieux pour ceux qui sont loin de la foi ou indifférents ».
Il a déploré spécialement les « fautes contre l’unité de l’Eglise » et les « divisions dans le corps ecclésial », comme il l’a déjà fait récemment, dénonçant cette faute particulièrement « grave », à l’angélus du 20 janvier, en la Semaine de prière pour l’Unité des chrétiens: « L’une des fautes les plus graves qui défigurent le visage de l’Eglise est la [faute] contre son unité visible, en particulier les divisions historiques qui ont séparé les chrétiens et qui n’ont pas encore été complètement surmontées ».
A seuil de son pontificat, en avril 2005, il avait affirmé que l’unité de l’Eglise serait une des priorités de son pontificat »: son exhortation de cette Messe des Cendres résonne comme un testament spirituel.
Le pape a insisté en même temps sur la joie de cette communion, spécialement en ce temps de pénitence de quarante jours : « La dimension communautaire est un élément essentiel dans la foi et dans la vie chrétienne. Le Christ est venu « pour rassembler les enfants de Dieu dispersés ». Le « nous » de l’Eglise est la communauté dans laquelle Jésus nous rassemble: la foi est nécessairement ecclésiale. Et c’est important de le rappeler et de le vivre en ce Temps de Carême : que chacun de nous soit conscient qu’il n’affronte pas seul le chemin pénitentiel mais ensemble, avec de nombreux frères et sœurs, dans l’Eglise ».
Le pape a également appelé à réfléchir au « témoignage de foi et de vie chrétienne de chacun de nous et de nos communautés pour manifester le visage de l’Eglise », et sur « comment ce visage est parfois défiguré ».
Confiance et joie
Plus encore, le pape a brossé le portrait spirituel du disciple « authentique » en commentant l’Evangile : « Jésus souligne que c’est la qualité et la vérité du rapport avec Dieu qui doit caractériser l’authenticité de tout geste religieux. C’est pourquoi Il dénonce l’hypocrisie religieuse, le comportement qui veut apparaître, les attitudes qui cherchent les applaudissements et l’approbation. Le vrai disciple ne se sert pas lui-même ou le « public », mais son Seigneur, dans la simplicité et dans la générosité. « Et ton Père qui voit dans le secret te récompensera » ».
C’est dans cette recherche purifiée que le pape voit la « force » du témoignage : « Notre témoignage sera d’autant plus incisif que nous chercherons moins notre propre joie et que nous serons conscients que la récompense du juste est Dieu lui-même, être unis à Lui, ici-bas, sur le chemin de la foi, et, au terme de la vie, dans la paix, et dans la lumière de la rencontre face à face, avec Lui pour toujours ».
Le pape a invité à vivre le carême dans la « confiance » et « joyeusement » et en ouvrant l’oreille à la voix de Dieu : « Que résonne fortement en nous l’invitation à la conversion, à « revenir à Dieu de tout notre cœur », en accueillant sa grâce qui fait de nous des hommes nouveaux, avec cette surprenante nouveauté qui est participation à la vie même de Jésus. Que personne d’entre nous ne soit donc sourd à cet appel qui nous est adressé aussi par le rite austère, si simple et ne même temps si suggestif, de l’imposition des cendres, que nous allons accomplir ».
« Que la Vierge Marie, Mère de l’Eglise et modèle de tout authentique disciple du Seigneur nous accompagne en ce temps », a conclu le Benoît XVI.
L’image de Benoît XVI recevant les Cendres restera sûrement dans l’histoire de l’Eglise comme l’un des gestes les plus fort de la fin de son pontificat.
La messe, qui a commencé à 17 h ne s’est achevée que deux heures plus tard. Le marathon des célébrations pascales a commencé: Benoît XVI a décidé de laisser à un prochain pape plus vigoureux la mission de l’achever. L’émotion était palpable, et les visages graves. Il fait entrer l’Eglise dans un temps de pénitence et un autre traversera avec elle les jours de la Passion pour la faire entrer dans la joie de Pâques.
Mais le pape était avant tout présent à l’action liturgique, plongé dans la grâce de ce temps nouveau du cycle annuel, murmurant avec le choeur les paroles de l’hymne latine après la communion, le visage visiblement éprouvé.
Au terme de la célébration, les paroles du cardinal Secrétaire d’Etat Tarcisio Bertone ont alors traduit le sentiment général: cette « décision soufferte » de Benoît XVI de se retirer laisse sur le coeur « un voile de tristesse » mais en même temps offre un enseignement profond, en harmonie avec ce qu’il disait encore samedi à ses séminaristes.
L’émotion à son comble
Le cardinal salésien, collaborateur de longue date à la Doctrine de la foi, avait la gorge nouée et l’émotion commune de l’assemblée s’est traduite dans des applaudissements prolongés, debout, de plusieurs minutes, que le pape a lui-même finalement interrompus en disant doucement: « Revenons à la prière ».
Quelque cérémoniaire écrasait une larme et les épaules de beaucoup étaient secouées. A peine la bénédiction reçue, la foule a repris spontanément ses applaudissements, couvrant le début de l’antienne mariale de l’Ave Regina Coelorum.
Puis, à nouveau, les vivats et les applaudissements ont éclaté tandis que le pape remontait la nef centrale sur l’estrade mobile en bénissant et en souriant, devant les milliers d’appareils photo et de téléphones portables dressés pour saisir cette image historique. Le coeur serré.