Un ouvrage historique entend rétablir la vérité sur Pie XII: son auteur dévoile les preuves de l’effort de guerre du pape pour sauver les juifs des nazis, rapporte « The Guardian« , dans son édition du 9 février 2013.
Gordon Thomas, un auteur britannique protestant, a en effet eu accès à des documents inédits, entre autre du Vatican, et a retrouvé des témoins de premier plan, pour son ouvrage « Le pape des juifs : Le plan secret du Vatican pour sauver les juifs des nazis » (The Pope’s Jews: The Vatican’s Secret Plan to Save Jews from the Nazis), publié en anglais.
Les preuves historiques
Le livre pourrait rétablir la réputation de Pie XII, révélant le rôle qu’il a joué pour sauver des vies et s’opposer au nazisme. Il explique en détail comment Pie XII a donné sa bénédiction à la création de refuges dans le Vatican et dans les couvents et les monastères d’Europe. Le pape a notamment supervisé une opération secrète avec des noms de code et de faux documents, où des prêtres ont risqué leur vie pour abriter des juifs, dont certains ont même été faits citoyens du Vatican.
L’auteur montre, par exemple, que les prêtres ont reçu l’instruction de délivrer des certificats de baptême à des centaines de juifs cachés à Gênes, à Rome et ailleurs en Italie. Plus de 2.000 Juifs en Hongrie ont reçu des documents, fabriqués par le Vatican, les identifiant comme des catholiques et un réseau a sauvé des juifs allemands en les amenant à Rome. Le pape a également nommé un prêtre, lui allouant des fonds importants pour fournir de la nourriture, des vêtements et des médicaments aux réfugiés. Plus de 4.000 Juifs ont été cachés dans des couvents et des monastères dans toute l’Italie.
Le livre donne un nouvel éclairage sur l’histoire, par exemple sur le prêtre irlandais Hugh O’Flaherty, qui a aidé les juifs et les prisonniers de guerre évadés et dont la figure exemplaire a donné lieu au film « La pourpre et le noir ». Selon la famille O’Flaherty, alors qu’il semblait que le prêtre agissait de son propre chef, en réalité « tout était fait avec la collaboration de Pie XII ». Gordon Thomas a d’ailleurs eu accès à sa correspondance privée.
Le livre raconte aussi l’histoire de Vittorio Sacerdoti, un jeune médecin juif qui travaillait dans un hôpital du Vatican et qui a été sauvé grâce à une « maladie mortelle » fictive qui a dissuadé les Allemands d’y pénétrer : des dizaines de faux patients avaient appris à tousser de façon convaincante.
Parmi ces faux patients, la cousine même de Vittorio Sacerdoti, qui, enfant, se demandait pourquoi elle devait « tousser régulièrement dans la salle » tout en sentant « qu’elle n’avait aucun problème de santé ».
La reconnaissance d’après-guerre
Pendant et immédiatement après la guerre, le pape était considéré comme un sauveur des juifs. C’est aussi ce que rappelle le livre : les dirigeants juifs – tel le grand rabbin de Jérusalem en 1944 – ont demandé au peuple d’Israël de ne jamais oublier ce que le pape et ses délégués « font pour nos malheureux frères et sœurs à l’heure la plus tragique ».
Les journaux juifs en Grande-Bretagne et en Amérique se sont fait l’écho de cette louange, et Hitler le surnomma même l’«ami des juifs».
Toutefois, son image a été falsifiée dans les années 1960, d’une part à cause de l’antagonisme soviétique envers le Vatican et d’autre part à cause de la pièce allemande de Rolf Hochhuth, Le Vicaire, qui accusa Pie XII de silence et d’inaction envers les juifs.
Le livre rappelle que déjà en tant que secrétaire de l’Etat du Vatican avant la guerre, le futur pape avait contribué à l’encyclique accablante de Pie XI en 1937, Mit Brennender Sorge, et, en tant que Pie XII, il fit des condamnations claires des politiques raciales d’Hitler qui ont été largement diffusées à l’époque.
Pour Gordon Thomas, c’est en raison « de la langue traditionnellement diplomatique du Vatican », que les fausses accusations se sont répandues. Et pourquoi le Vatican n’a-t-il pas rendu les archives disponibles ? « L’Eglise pense à travers les siècles. S’il ya un litige pendant 50 ans, où est le problème ? », répond l’auteur.
Le Vatican soutient un film
Selon Gordon Thomas, le Vatican s’est réjouit de la publication de cet ouvrage: « La vérité sort enfin ».
D’après « The Guardian », le Vatican apporte également son soutien à un film documentaire long métrage que va monter Allen Jewhurst, un producteur britannique, d’après l’ouvrage de Gordon Thomas.
Le producteur, qui a produit des documentaires pour la télévision de la BBC Panorama, estime que, avec plus d’un milliard de catholiques dans le monde, l’intérêt pour cette histoire est immense.
Suite à une rencontre avec deux cardinaux au Vatican, Allen Jewhurst et Gordon Thomas espèrent obtenir un accès exclusif aux archives.
Le professeur Ronald J Rychlak, auteur de « Hitler, la guerre et le pape », commente de son côté : « Gordon Thomas a trouvé des sources premières … Il a retrouvé des membres des familles, de la documentation originale et il a établi ce qui était vraiment une perception universelle avant les années 1960. Il a montré ce que les gens de l’époque savaient tous : que Pie XII était un grand défenseur des victimes de l’Holocauste ».