ROME, Mercredi 9 février 2011 (ZENIT.org) – Grand producteur de télévision, Thierry Bizot raconte sa conversion dans le best-seller, Catholique anonyme. Aujourd’hui sort en salles Qui a envie d’être aimé ? une adaptation au cinéma par Anne Giafferi, son épouse. C’est « l’un des meilleurs films français du moment » selon Le Point, « un subtil premier film sur la foi » pour 20 Minutes. Famille Chrétienne parle d’un film « atypique » qui touchera les lecteurs du livre dont il est tiré, « mais peut-être encore plus les autres ». Jean-Baptiste Maillard a rencontré Thierry Bizot et l’a interviewé pour Zenit.
J.-B. Maillard : Comment vous-êtes vous converti ?
Thierry Bizot : Je me suis converti très progressivement, à mon insu mais tout en douceur. Un jour mon fils a eu un mauvais bulletin, je suis allé voir son professeur pour lui demander conseil, et il m’a dit « vous êtes de grande de taille, impressionnant, bien établi… peut-être devriez-vous faire part à votre fils de vos propres doutes ». Cette parole m’a touché en plein cœur. J’étais en apparence sûr de moi, mais à l’intérieur, c’était tout le contraire, comme si je jouais un rôle, et mon fils s’en apercevait peut-être.
Quelque temps plus tard, j’ai reçu une invitation de ce professeur avec un petit mot « en souvenir d’une longue conversation ». Il s’agissait d’un parcours catéchétique ! Ne voulant pas vexer ce professeur envers qui je me sentais redevable, j’ai accepté son invitation. Je m’y suis rendu avec des pieds de plomb, sans ma femme.
Ma première impression fut de me dire : « Ces gens sont des pauvres types, ils n’ont rien d’autre d’intéressant dans leur vie ». Mais j’ai continué à suivre ces cours par intérêt intellectuel, comme des « cours de philo » du soir. Je pensais aussi pouvoir leur apporter quelque chose… Il m’a fallu deux mois pour me rendre compte que moi aussi, j’avais un bras cassé. Je ne vivais rien d’autre de mieux. Au contraire, j’étais plein de vanité, d’orgueil et d’arrogance. A la messe, on entend « dis seulement une parole et je serai guéri », de même ce professeur avait dit quelque chose et j’ai commencé à guérir.
Que s’est-il passé ensuite ?
A la fin de ce parcours de catéchèse, rien de plus ne s’était produit. Je l’ai vécu comme une sorte de « stage de récupération de points » du permis de conduire appliqué au spirituel ! C’était un « truc marrant » que je pouvais raconter dans les dîners en ville et je l’ai laissé dans un coin de ma tête. Un jour, dans un de ces dîners, un de mes amis, athée, se met à parler de Dieu. Je veux lui raconter ma petite histoire. Soudain, elle sort de ma bouche avec une grande émotion et une grande force. Cela avait travaillé, mûri en moi, pour prendre une place primordiale, que je ne soupçonnais même pas !
A partir de ce moment, j’ai commencé à raconter cette expérience dans les dîners, mais comme un témoignage. Les gens étaient si intéressés que ma femme m’a suggéré de la mettre par écrit pour en faire un livre, et mon éditeur m’a fait part de son enthousiasme à cette idée. Pourtant je n’étais pas encore capable de dire que j’avais la foi. Mais plus je témoignais, plus je la sentais en moi.
Quelle a été votre découverte majeure ?
Je me suis rendu compte de ma faiblesse, de ma petitesse, du non-contrôle de ma vie, le tout associé à une énorme force, paradoxale : être un enfant de Dieu, comme un petit bout de Dieu.
Qu’est-ce qui a depuis changé dans votre vie ?
Je suis beaucoup plus serein, beaucoup moins angoissé par la vie. Se sentir aimé par Jésus, ça règle pas mal de problèmes ! Récemment quelqu’un m’a dit « Personne ne comprend que Dieu vous nous sauver ». C’est vrai qu’un Dieu qui s’est fait homme, crucifié comme un voleur de poules, c’est presque étrange. Pourtant l’amour de Dieu est là.
Nous ne pouvons jamais totalement nous satisfaire de l’amour que nous donne notre famille, nos parents, nos frères et sœurs, nos époux… Nous n’avons jamais tout l’amour que nous voudrions et nous nous sentons seuls, comme des orphelins. Nous avons besoin d’un amour plus fort que tous les autres. C’est celui de Jésus, notre Père. Quand nous nous savons aimés par Lui, nous ne sommes plus orphelins.
Que vous apporte la foi ?
Les gens pensent souvent que la foi sert à mourir, que ça rassure, comme une « assurance vie ». Non, la foi permet au contraire de bien vivre, d’être heureux. C’est comme être amoureux. La foi est une rencontre amoureuse avec Jésus qui vous aide dans votre vie de tous les jours. On est alors plus présent à sa famille. Dans le film, le héros comprend que son fils a besoin de lui pour se sentir aimé, et qu’il a lui-même besoin de se réconcilier avec son propre père. « Rappelle-toi de l’enfant que tu as été par rapport à ton père, pour être vraiment le père que tu veux être par rapport à ton enfant ». Nous avons tous besoin de nous réconcilier avec notre père ou avec Dieu, c’est souvent lié.
Pourquoi avoir adapté votre histoire au cinéma ?
Je me convertis à chaque fois que je témoigne, j’ai donc pensé que cela m’aiderait encore à me convertir ! C’est ma femme qui m’a proposé de le réaliser. Scénariste depuis 15 ans, je connais son talent. Elle voulait depuis longtemps faire un film, plusieurs sujets étaient à l’étude mais elle a constaté que la question de Dieu est un sujet porteur, que beaucoup de gens s’y intéressent. Pour elle qui se dit non-croyante, l’histoire de Catholique anonyme est une sorte de « thème star ». Un sondage paru dimanche dernier dans Le Parisien le prouve : 62% des personnes aimeraient pouvoir discuter des questions qu’elles se posent sur Dieu avec quelqu’un mais cela reste un tabou puisque près de la moitié trouve le sujet trop intime.
Votre film aide donc à parler de Dieu ?
Oui, il permet de libérer la parole sur ce sujet crucial. C’est un témoignage pour évangéliser mais ce n’est pas non plus un film prosélyte au sens péjoratif du terme. Les gens ne veulent pas être évangélisés et le gros reproche fait aux catholiques est de s’imposer, de vouloir donner des leçons de morale, d’assener des vérités toutes faites. Dans le film, nous avons représenté les cathos comme ils sont réellement, avec leurs défauts et leurs qualités : on ne peut pas reprocher à Qui a envie d’être aimé ? d’être complaisant. D’ailleurs, quand nous avons testé le film auprès du public, nous avons eu la grande surprise de découvrir que les non-croyants avaient encore plus aimé que les catholiques pratiquants !
Quel parallèle peut-on établir avec le film de Xavier Beauvois, Des Hommes et des Dieux
Ce film est un film magnifique, une histoire d’hommes qui ont donné leur vie pour être moines et qui vont jusqu’à la donner tout court, comme des résistants. Qui a envie d’être aimé ? est l’histoire ordinaire entre un Dieu et un homme. Un jour, au coin de la rue, la foi peut vous tomber dessus sans prévenir, alors que vous ne serez jamais moine à Thibhirine. Ainsi, chacun a la liberté de se projeter dans le personnage.
Votre film peut donc toucher n’importe qui ?
Aujourd’hui c’est difficile de croire qu’on puisse s’enfermer dans un monastère, mais qui ne peut pas aimer de grands saints comme saint Vincent de Paul ou saint François d’Assise ? Accepter d’être faible, faillible, cela peut être un soulagement pour beaucoup de monde, et un retour aux sources. Dans le film il y une scène très importante, quand le héros, fâché avec sa femme, se retrouve chez sa sœur. Elle lui dit : « Quand t’étais petit, t’étais fan de Fred
Astaire. Après, ça a été Mick Jagger, et maintenant, Jésus ! Catholique, quand même pas très sexy… ». Puis ils se rappellent quand, enfants, ils allaient encore à la messe. Tout témoignage est une histoire dans laquelle le fil est renoué avec Dieu. Ceux qui témoignent de leur foi le savent bien, ils ne disent jamais « Je crois en Dieu parce que sur un plan métaphysique, c’est une chose qui me semble possible » mais « Je crois en Dieu car il m’a sauvé d’un cancer ». Aujourd’hui, tout le monde cherche à être aimé, sans forcément y parvenir. Le film y répond à sa manière : primo, toi, tu es aimé. Secondo, ça va bien se passer entre Dieu et toi !
En quoi le cinéma peut-il être un moyen de témoigner de sa foi ?
Avec le cinéma, vous avez un très long temps d’écoute assuré, qu’aucun autre média ne permet. Qui a envie d’être aimé ? est un message d’une heure trente assuré. Le succès du film Des hommes et des Dieux est aussi sans doute dû à cela : dans une société de la rapidité permanente, de l’urgence, un film très long, très lent, permet au spectateur de s’arrêter et de réfléchir. On capte l’attention des gens de façon fabuleuse ! De la même façon, avec des amis, nous avons lancé les « dîners du silence » : sous les magnifiques voûtes du Collège des Bernardins, 80 convives écoutent des moines du Couvent des Carmes de Paris lire l’Evangile. Et cela remporte un grand succès !
Pensez-vous que d’autres personnalités du monde des médias feront leur « coming-out spirituel » dans les années qui viennent ?
Si cela devient moins « ringard » de se convertir, alors oui, beaucoup d’autres suivront !
Qui a envie d’être aimé ?, une comédie réalisée par Anne Giafferi avec Eric Caravaca, Benjamin Biolay, Arly Jover, en salles le 9 février. Lien vers la page du film sur Allociné (séances, bande-annonce http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=188254.html ). Le blog de Thierry Bizot : bizot.blog.croire.com