Quelle est la ligne qui sépare les amis du Christ de ses ennemis ?

Homélie du dimanche 27 septembre

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ROME, Jeudi 24 septembre 2009 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le commentaire de l’Evangile du dimanche 27 septembre, proposé par le P. Laurent Le Boulc’h.

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

Jean, l’un des Douze, disait à Jésus : « Maître, nous avons vu quelqu’un chasser des esprits mauvais en ton nom ; nous avons voulu l’en empêcher, car il n’est pas de ceux qui nous suivent. » Jésus répondit : « Ne l’empêchez pas, car celui qui fait un miracle en mon nom ne peut pas, aussitôt après, mal parler de moi ; celui qui n’est pas contre nous est pour nous. Et celui qui vous donnera un verre d’eau au nom de votre appartenance au Christ, amen, je vous le dis, il ne restera pas sans récompense. Celui qui entraînera la chute d’un seul de ces petits qui croient en moi, mieux vaudrait pour lui qu’on lui attache au cou une de ces meules que tournent les ânes, et qu’on le jette à la mer. Et si ta main t’entraîne au péché, coupe-la. Il vaut mieux entrer manchot dans la vie éternelle que d’être jeté avec tes deux mains dans la géhenne, là où le feu ne s’éteint pas.

Si ton pied t’entraîne au péché, coupe-le. Il vaut mieux entrer estropié dans la vie éternelle que d’être jeté avec tes deux pieds dans la géhenne. Si ton oeil t’entraîne au péché, arrache-le. Il vaut mieux entrer borgne dans le royaume de Dieu que d’être jeté avec tes deux yeux dans la géhenne,
là où le ver ne meurt pas et où le feu ne s’éteint pas. »

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Les disciples viennent tout juste de vivre leur première expérience missionnaire. Ce ne sont encore que des apprentis. Et pourtant, ils sont déjà tentés par l’orgueil et l’intolérance. Ils veulent se réserver pour eux seuls l’action au nom de Jésus. « Maître, nous avons vu quelqu’un chasser des esprits mauvais en ton nom ; nous avons voulu l’en empêcher, car il n’est pas de ceux qui nous suivent. » Ne sont-ils pas les seuls habilités, envoyés en mission par le Christ lui-même ?

Les disciples veulent donc empêcher d’agir ceux qui, bien que se réclamant du Christ, ne font pas partie de leur groupe. Dès les commencements de la vie apostolique, la tentation de l’intolérance est donc là. Elle connaîtra son apogée quand les chrétiens des différentes confessions se jetteront l’anathème et iront jusqu’à se massacrer les uns les autres. Aujourd’hui, à l’heure de l’œcuménisme, les choses ont heureusement changé. Mais nous ne sommes jamais à l’abri d’un retour d’intolérance envers nos frères.

Dans sa réponse à ses disciples, Jésus fait preuve d’une grande ouverture d’esprit : « Ne l’empêchez pas, car celui qui fait un miracle en mon nom ne peut pas, aussitôt après, mal parler de moi ; celui qui n’est pas contre nous est pour nous. »

Mais la parole de Jésus qui fait suite dans l’évangile, cette histoire de membres du corps qu’il faudrait arracher, paraît elle bien sévère. Comment le Christ peut-il passer ainsi d’une parole de grande ouverture et de tolérance à une parole de fermeture et de condamnation aussi vigoureuse ?

A regarder de près, cet évangile parle de frontière. Il nous donne à réfléchir sur la frontière, celle que nous plaçons entre ceux qui sont pour le Christ et ceux qui s’opposent à lui. Il nous dit où est l’unique ligne de démarcation qui sépare les amis du Christ des ennemis du Christ. Or, cette ligne n’est peut-être pas là où nous pensons qu’elle soit, spontanément.

Ce qui fait qu’on est reconnu comme sien aux yeux du Christ, ce n’est pas le fait qu’on soit adhérent ou non au groupe de ses disciples. « Ne l’empêchez pas, dit le Christ à ses disciples. Celui qui n’est pas contre nous est pour nous. »

Ce qui fait qu’on est pour ou contre le Christ, nous dit l’évangile, c’est bien davantage le fait d’agir ou non en son nom et de se mettre concrètement ou non au service du petit. « Celui qui entraînera la chute d’un seul de ces petits qui croient en moi, mieux vaudrait pour lui qu’on lui attache au cou une de ces meules que tournent les ânes, et qu’on le jette à la mer. » Ici se dessine dans l’évangile la véritable fracture. Voilà ce qui sépare les amis des ennemis du Christ. Les premiers portent le souci concret des plus petits, les seconds les ignorent ou, pire encore, les méprisent.

S’il est une attitude qui ne passe pas pour Jésus, c’est bien le mépris des plus petits. Si souvent dans les évangiles, nous voyons Jésus défendre leur cause et s’en prendre vertement à ceux qui les écrasent. Quand le pauvre est atteint dans sa dignité, le Christ se fait radical. Il ne transige pas. Il appelle à faire un choix net et tranché. Celui qui méprise les petits n’est pas digne du Christ. Il est exclu de la large communauté des amis de Jésus comme un membre est coupé de son corps.

Ici encore, les belles idées ne suffisent pas. Il s’agit bien de vivre en actes, très concrètement donc, le service du plus petit. C’est pourquoi d’ailleurs dans notre évangile Jésus parle de pied, de main et d’œil. C’est par l’attitude du corps qu’on manifeste ou non l’amour du prochain, et pas seulement par des grandes déclarations ou des belles théories car la conversion évangélique appelle à changer très concrètement notre attitude. Elle appelle à passer d’un regard dur, d’une démarche écrasante, d’une main qui frappe, au regard qui aime, au compagnonnage sur le chemin, à la tape amicale de la main vis à vis du plus petit.

D’une manière toute aussi nette et tranchée, Saint Jacques dans la lettre que nous relisons en ce moment, de dimanche en dimanche, réaffirme cette exigence avec force. Pour lui aussi il s’agit de vivre la charité avec le pauvre d’une manière très concrète et pas seulement avec de belles paroles. C’est un choix de vie qui concerne chacun personnellement bien sûr, mais qui regarde aussi la communauté d’Eglise toute entière. La manière par exemple qu’a une assemblée chrétienne de faire place aux plus petits en dit long sur la réalité de sa fidélité à l’évangile.

Dans le passage de ce dimanche, Jacques condamne toute richesse qui s’amasse sur le dos des petits ou qui se refuse au partage.

Qui peut dire que son message n’est plus d’actualité ? La crise contemporaine nous rend encore plus sensibles aux scandales de ceux et celles qui s’enrichissent sans scrupules sur le dos des petits. La perte de sens moral n’a fait que sauter les verrous des consciences. Les intellectuels de tout bord, des moralistes appellent alors à retrouver la raison dans une régulation devenue urgente et nécessaire. Cette semaine les puissants de ce monde se sont retrouvés pour imaginer des solutions nouvelles, mais que le chemin semble difficile quand tant d’intérêts contradictoires sont en jeu. « Ah ! Si le Seigneur pouvait mettre son esprit sur eux, pour faire de tout son peuple un peuple de prophètes ! » s’écriait Moïse dans le livre des nombres.

L’Evangile de ce jour nous redit la nécessité de dépasser nos frontières pour faire ensemble œuvre de justice. Loin de nos querelles d’appartenances idéologiques, politiques ou même religieuses, le Christ appelle au respect et à la collaboration mutuels de tous ceux et celles qui s’engagent d’une manière ou d’une autre pour la dignité du plus pauvre. Ce n’est pas là minimiser la foi car la foi dans le Christ est un ressort puissant qui engage à vivre dans la charité, mais c’est un appel à approfondir avec tous les hommes et les femmes de bonne volonté le fondement humaniste de nos choix de vie si souvent battu en brèche aujourd’hui.

Au-delà des différences légitimes d’opinion, défendre une certaine conception de l’homme, à cause du Christ Jésus, c’est ce à quoi chacun de nous est appelé dans le témoignage de sa vie quotidienne.

Demandons à Dieu dans cette eucharistie de nous en donner la forc
e. Amen.

Le P. Laurent Le Boulc’h est curé de la paroisse de Lannion et modérateur de la paroisse de Pleumeur Bodou, secrétaire général du conseil presbytéral du diocèse de Saint Brieuc et Tréguier (Côtes d’Armor – France). Il est âgé de 49 ans. Il a été ordonné prêtre en 1988 pour le diocèse de Saint Brieuc et Tréguier. Il est particulièrement investi dans la catéchèse et l’initiation chrétienne, et s’intéresse au lien entre la culture et la foi.

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ZENIT Staff

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