Le pape Jean XXIII a supprimé l’expression « prions pour les juifs perfides » par laquelle la Liturgie du Vendredi Saint invitait à prier pour le peuple juif jusqu’au 5 juillet 1959, date du décret romain.
Or, la liturgie que doit autoriser le « motu proprio » de Benoît XVI qui devrait être publié, accompagné d’une lettre du pape, samedi 7 juillet, après consultation des conférences épiscopales, est celle des livres liturgiques promulgués le 23 juin 1962 par Jean XXIII.
Le missel de Jean XXIII
On ne reverra donc pas cette expression datant de la liturgie du VIIe s., et issue du code de Théodose (438), dans la liturgie du Vendredi Saint.
Cette expression « oremus et pro perfidis Judaeis », traduite du latin, signifiait au sens étymologique, « prions aussi pour les juifs qui n’ont pas notre foi », mais elle était devenue gravement offensante dans les langues vernaculaires, et véhiculait des relents d’antisémitisme.
La grande prière d’intercession du Vendredi saint disait en effet en latin : « Oremus et pro perfidis Judaeis : Ut Deus et Dominus noster auferat velamen de cordibus eorum ut et ipsi agnoscent Jesum Christum Dominum nostrum », c’est-à-dire : « Prions aussi pour les juifs perfides afin que Dieu Notre Seigneur enlève le voile qui couvre leurs coeurs et qu’eux aussi reconnaissent Jésus, le Christ, Notre-Seigneur ».
La fidélité de son Alliance
Le premier Vendredi saint qui suivit son élection, le 27 mars 1959, Jean XXIII supprima cette expression d’un trait de plume et le fit savoir aux paroisses par une circulaire du Vicariat de Rome – le diocèse des papes -, datée du 21 mars. On dirait désormais : « Prions pour les juifs ».
Jean XXIII souligna l’importance de cette décision le Vendredi saint 1963. Au cours de la célébration, l’officiant prit par erreur l’ancien texte. Le pape interrompit la liturgie et ordonna que les grandes invocations liturgiques – les impropères – soient reprises depuis le commencement en suivant le nouveau texte.
Une histoire détaillée de cette expression peut être trouvée dans « Les Églises devant le Judaïsme. Documents officiels 1948-1978 ». Ces textes ont été rassemblés, traduits et annotés par Marie-Thérèse Hoch et Bernard Dupuy (Cerf, Paris, 1980, pp. 350-352).
Aujourd’hui, la grande intercession de la liturgie de la Passion, le Vendredi Saint, dit, selon le missel adopté en 1969 et entré en vigueur en 1970, sous Paul VI: « Prions pour les juifs à qui Dieu a parlé en premier : qu’ils progressent dans l’amour de son Nom et la fidélité de son Alliance ».
Indications pour la catéchèse catholique
Notons en outre qu’en 1974, le Vatican a publié les « Orientations et suggestions pour l’application » de la déclaration conciliaire « Nostra aetate ». Ce document, que l’on trouve en français sur le site du Vatican, à la page de la Commission pour le judaïsme (portail du conseil pontifical pour la Promotion de l’Unité des chrétiens) condamne comme opposée à l’esprit même du christianisme, « toute forme d’antisémitisme et de discrimination ».
En 1980, lors de sa visite à la communauté juive de Mayence, Jean-Paul II a rappelé que l’alliance entre Dieu et le peuple juif « est une alliance qui ne peut être révoquée ».
Et en 1985, des « Notes pour une correcte présentation des juifs et du judaïsme dans la prédication et la catéchèse de l’Église catholique », ont également été publiées par Rome.
Lors de sa visite à la Synagogue de Rome, le 13 avril 1986, le pape Jean-Paul II a employé l’expression de « frères aînés ».
Le pape Wojtyla disait en entre autres : « La prise en considération des conditionnements culturels séculaires ne doit pas toutefois empêcher de reconnaître que les actes de discrimination, de limitation injustifiée de la liberté civile, à l’égard des juifs, ont été objectivement des manifestations gravement déplorables. Oui, encore une fois (cf. NA, 4), par mon intermédiaire, l’Eglise (…) déplore les haines, les persécutions et toutes les manifestations d’antisémitisme qui, quels que soient leur époque et leurs auteurs, ont été dirigées contre les juifs; je répète: quels que soient leurs auteurs ».
De Saint-Pierre à Jérusalem
Une déploration répétée, en la basilique Saint-Pierre, le 12 mars 2000, lors de la célébration de demande de pardon de l’Eglise dans le cadre du Grand Jubilé de l’An 2000.
Le cardinal Edward Idris Cassidy, alors président du conseil pontifical pour la Promotion de l’Unité des Chrétiens et de la Commission pour les relations religieuses avec le Judaïsme, a prononcé cette demande de pardon pour les fautes commises « contre le peuple de l’Alliance » : « Prions pour que, dans le souvenir des souffrances endurées au cours de l’histoire par le peuple d’Israël, les chrétiens sachent reconnaître les péchés commis par nombre des leurs contre le peuple de l’alliance et des bénédictions, et ainsi purifier leur cœur ».
Après un temps de prière silencieuse, Jean-Paul II a proclamé cette oraison qu’il a ensuite déposée à Jérusalem dans une fissure du Mur occidental, le 26 mars 2000: « Dieu de nos pères, tu as choisi Abraham et sa descendance pour que ton Nom soit apporté aux peuples : nous sommes profondément attristés par le comportement de ceux qui, au cours de l’histoire, les ont fait souffrir, eux qui sont tes fils, et, en te demandant pardon, nous voulons nous engager à vivre une fraternité authentique avec le peuple de l’alliance. Par Jésus, le Christ, notre Seigneur ».
Les péchés de tous
Le 12 mars 2004, le prédicateur de la Maison pontificale, le P. Raniero Cantalamessa rappelait, lors d’une méditation de carême pour la curie romaine: « Aucune formule de foi du Nouveau Testament et de l’Eglise ne dit que Jésus est mort « à cause des péchés des juifs »; elles disent toutes qu’il « est mort à cause de nos péchés », c’est-à-dire des péchés de « tous ». »
En visitant la synagogue de Cologne, le 19 août 2005, le pape Benoît XVI a rappelé le 40ème anniversaire de la déclaration du concile Vatican II, « Nostra aetate », qui a constitué un tournant définitif dans la promotion du dialogue judéo-chrétien. Le pape a réaffirmé l’engagement de l’Eglise « en faveur de la tolérance, du respect, de l’amitié et de la paix entre tous les peuples, toutes les cultures et toutes les religions ».
Le pape a proposé aux chrétiens et aux juifs de collaborer, « sur le plan pratique, pour la défense et la promotion des droits de l’homme et du caractère sacré de la vie humaine, pour les valeurs de la famille, pour la justice sociale et pour la paix dans le monde ».
« Le Décalogue constitue pour nous un patrimoine et un engagement communs », a rappelé Benoît XVI.
Visite historique
Dans une déclaration aux journalistes, au centre de presse de Cologne, le directeur de la salle de presse du Saint-Siège, M. Joaquín Navarro-Valls, a ensuite commenté cette deuxième visite d’un pape dans une synagogue.
La visite de Benoît XVI à la Synagogue de Cologne a constitué un «événement qui revêt une charge historique extraordinaire », déclarait M. Navarro-Valls, précisant que le pape lui-même avait demandé d’intégrer cette visite symbolique dans le programme des Journées mondiales de la Jeunesse de Cologne.