France: Le meilleur soutien pour nos prêtres, l’éveil des vocations

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Allocution de Mgr Émile Marcus

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CITE DU VATICAN, Lundi 26 janvier 2004 (ZENIT.org) – « Le meilleur soutien que nous puissions apporter à nos prêtres c’est, croyons-nous aussi, de susciter inlassablement dans nos diocèses l’éveil des vocations sacerdotales », indiquait Mgr Émile Marcus, archevêque métropolitain de Toulouse, dans son allocution devant Jean-Paul II, samedi dernier, au terme de la visite ad limina des évêques français des provinces de Montpellier et de Toulouse.

Très Saint Père

Les évêques des Provinces de Montpellier et de Toulouse vous sont profondément reconnaissants de les recevoir. Nous sommes par moitié à avoir été déjà ordonnés en deçà de la visite ad limina de 1997, mais tous, y compris ceux qui l’ont été depuis, nous vous avons rencontré à maintes reprises : à l’occasion de pèlerinages à Rome, des Journées Mondiales de la Jeunesse et de vos voyages en France, pour tel ou tel dans le cadre d’un synode des évêques ou de la plenaria d’un Dicastère.

Toutes ces rencontres nous valent de nous trouver auprès de vous aujourd’hui, avec le sentiment d’être connus de celui qui, comme successeur de Pierre, nous a envoyés au service d’un diocèse.

Les deux Provinces que nous représentons ici couvrent toute une partie du Midi de la France, avec nviron cinq millions d’habitants répartis sur treize diocèses ; chaque province correspondant à l’une des vingt-deux régions françaises : les cinq départements du Languedoc-Roussillon et les huit départements de Midi-Pyrénées. L’ensemble est assez disparate, aussi bien du point de vue géographique que politique et culturel. Tandis que la Province de Toulouse qui correspond à l’ancienne Région apostolique du Midi amputée de trois diocèses est d’ores et déjà bien unifiée, celle de Montpellier, constituée à partir de trois de nos anciennes Régions apostoliques devra prendre le temps de trouver sa cohérence, sous la conduite de son Archevêque, Monseigneur Guy THOMAZEAU.

Mais la collaboration entre les deux Provinces est facilitée par le fait que les deux diocèses suffragants de Montpellier qui faisaient partie de l’ancienne Région apostolique de Toulouse, Carcassonne et Perpignan, avaient d’anciennes et riches collaborations avec Toulouse sur le plan administratif et pastoral, comme aussi grâce à l’Institut Catholique et au Séminaire diocésain, dont nous sommes ensemble les usagers.

Il nous serait difficile, Très Saint Père, de nous présenter devant vous sans évoquer les épreuves qui ont gravement atteint nos populations et provoqué les communautés chrétiennes de diverses régions de nos diocèses à une solidarité courageuse.

A Carcassonne en 1999, puis à Montpellier et Nîmes en 2002 et encore en septembre dernier, de grandes crues fluviales ont semé la mort et provoqué d’immenses misères par leur soudaineté, leur ampleur et leur durée. Toulouse l’explosion du pôle chimique de la ville, le 21 septembre 2001, a fait plusieurs dizaines de morts et 50.000 sinistrés. Soyez remercié pour le message de soutien que vous avez bien voulu me faire parvenir le jour même où s’est produite cette catastrophe.

Le sujet sur lequel nous avons choisi de vous confier plus particulièrement nos réflexions et de solliciter vos appréciations et vos encouragements est celui du ministère et de la vie de nos prêtres. Pour avoir pris connaissance déjà du contenu des propos que vous ont adressés les évêques de France que vous avez déjà reçus dans le cadre de cette présente visite ad limina, nous avons bien conscience de n’être pas les premiers à nous exprimer sur ce sujet.

1. Notre extrême sensibilité à tout ce qui concerne nos prêtres.
C’est trop peu dire que leur vie nous tient à cœur. Avec l’éveil des vocations sacerdotales et religieuses, ce que nous vivons là comme un aiguillon n’en reste pas moins un véritable tourment.

Depuis bientôt quarante ans, dans le sillage du Concile Vatican II, à la lumière de vos enseignements, notamment de vos conclusions de la session du synode des évêques qui s’est tenue à Rome en 1987 sur la vocation et la mission des laïcs, grâce aussi à la célébration de nombreux synodes diocésains, nos communautés chrétiennes ont découvert avec joie que la vie de l’Église est l’affaire de tous. Adultes, jeunes et enfants, souvent à contre-courant, parfois très isolés, témoignent du Christ avec vigueur. Des hommes et des femmes de tous âges – même parmi ceux qui ne sont encore que des néophytes – viennent nous dire qu’ils ne veulent pas rester à ne rien faire. Le renouveau du diaconat permanent apporte un surcroît non seulement quantitatif mais qualitatif à la manifestation ministérielle de l’amour du Christ Serviteur pour quiconque est éloigné, appauvri, exclu. Mais en dépit de cette incontestable vitalité ecclésiale, le nombre des prêtres ne cesse de diminuer et ceux que Dieu nous donne pour collaborateurs, nos prêtres diocésains, travaillent à la limite de leurs forces.

Les statistiques dont nos rapports quinquennaux font état sont alarmantes et nous sommes confrontés depuis longtemps déjà à des situations de rupture. Il ne se passe pas de semaine sans que l’on ne nous supplie d’envoyer un prêtre dans une paroisse, une aumônerie, un mouvement d’adultes ou de jeunes, ou pour accompagner telle ou telle initiative. Même avec le concours particulièrement significatif et fort apprécié des prêtres de nombreux Instituts de vie consacrée nous sommes dans un embarras extrême.

Devant cette situation je dois d’abord vous dire, au nom de mes frères évêques, que nous n’avons rien à céder de notre conviction de devoir tout mettre en œuvre pour donner des prêtres à nos diocèses.

Il arrive que, par découragement ou pour des motifs insuffisamment réfléchis, se fasse jour l’opinion selon laquelle, après tout, l’Église pourrait bien remplir sa mission avec un très petit nombre de prêtres d’un haut niveau de qualification, pourvu que les fidèles laïcs, dans les Églises locales, au sein des paroisses notamment, tiennent bien toute la place qui leur revient au titre des sacrements de l’initiation et moyennant une formation suffisante. Nous n’acceptons pas de faire de ce propos notre prospective, même si l’Église, au long de son histoire, a connu de telles situations.

À cause des mesures que nous prenons pour que les paroisses restent vivantes malgré le manque de prêtres, le soupçon s’exprime ici ou là que l’on préparerait une Église sans prêtres. Rien ne peut nous faire souffrir davantage !

L’Église, à nos yeux, n’est pas faite pour vivre sans prêtres, ni même sans des prêtres nombreux. Nous considérons notre situation présente comme une épreuve.

J’ajoute que la fermeture du Séminaire d’Avignon a secoué plusieurs diocèses, mais l’accueil au Séminaire de Toulouse s’est effectué dans de bonnes conditions.

2. Ce qu’il nous semble opportun de faire – et d’être – pour nos prêtres

Nous voudrions surtout, Très Saint Père, soumettre à votre appréciation notre action en faveur de nos prêtres et pour leur bonheur. Nos rapports quinquennaux sont riches dans ce domaine de notations dont il n’est pas question ici de chercher à faire la synthèse. Je souligne seulement quelques accents particuliers que chacun de nous privilégie selon ses options personnelles et l’évaluation qu’il fait de l’état de son presbytérium.

Ceci non sans commencer par vous manifester notre reconnaissance pour votre enseignement inlassablement repris à ce sujet, et tout récemment encore dans votre Exhortation apostolique Pastores gregis (n. 47 notamment), en nous rappelant ce qui découle, dans nos rapports avec les prêtres, de la communion sacramentelle liée au sacerdoce ministériel.

2.1
Nous évitons de plaindre nos prêtres. Ils ne le supporteraient pas : ni les plus anciens qui, pour la plupart acceptent de servir jusqu’à l’extrême limite de leurs forces, ni les plus jeunes qui nous étonnent parfois par leur adresse à porter des charges que l’on craindrait démesurées.

Nous essayons cependant pour les soutenir, notamment dans le cadre de leur formation permanente, de tenir compte de ce qui, pour eux s’avère particulièrement éprouvant. Ceci notamment :

leur désir de proximité des fidèles, confronté à la manière dont ils sont absorbés dans des tâches d’organisation sur de vastes territoires ou espaces sociaux ;

leur désir d’apporter l’Évangile à ceux qui – pour autant qu’on puisse s’en rendre compte – n’en ont encore rien reçu, confronté à ce qu’exige la vie quotidienne d’une paroisse ou plus souvent d’un vaste regroupement de paroisses ;

leur volonté d’aller à la rencontre des situations de pauvreté et d’exclusion, et de contribuer à y remédier, en relation avec les instances caritatives et humanitaires, confronté à l’ampleur des besoins ;

leur conviction d’avoir à donner du temps pour la rencontre avec les religions et les courants de pensée qui traversent notre société, confrontée à la nécessité actuelle d’aider les baptisés à comprendre et approfondir leur propre identité chrétienne…

et d’autres choses encore, comme d’avoir à rappeler sans cesse, en les justifiant, des aspects fondamentaux de la pratique chrétienne, en raison des obstacles de toutes sortes que rencontre chez nous la transmission du message chrétien.

2.2 Nous entendons devoir être particulièrement attentifs à leurs conditions de vie, y compris sur le plan matériel. Ils n’ont en effet ni le même type de résistance ni les mêmes besoins que leurs aînés.

Nous ne perdons pas de vue cependant le choix qu’avaient fait les Pères du Concile Vatican II de situer ce qui concerne la vie des prêtres en référence à ce qu’exige leur ministère («Ministère et vie des prêtres»).

Les grands efforts de réorganisation de la vie pastorale réalisée depuis la dernière visite ad limina (remodelage des paroisses et nouvelle structuration des doyennés), d’abord inspirés par les besoins des fidèles, ont tenu compte, dans toute la mesure du possible, des conditions de vie de nos prêtres. Nous ne saurions toutefois prétendre avoir atteint partout des résultats suffisants.

2.3 Nous estimons devoir rappeler inlassablement à nos diocésains l’enjeu spécifique de leur consécration et de leur mission. «Êtes-vous bien sûrs de demander à vos prêtres de faire d’abord ce pour quoi ils ont reçu l’ordination ?» : telle est la question sur laquelle nous insistons par exemple dans le cadre de nos visites pastorales.

2.4 Nous paraît urgente aussi la promotion de ce que l’on pourrait appeler une morale et une spiritualité exigeantes de la collaboration entre les ministres ordonnés et les laïcs appelés à des tâches particulières dans l’Église. Nous avons découvert, durant ces dernières années, qu’il ne suffit pas que se rencontre le désir des prêtres d’être aidés par des laïcs, avec celui de laïcs prêts à se dépenser sur le versant de la communion comme sur celui de sa mission, pour que ces collaborations soient exercées avec justesse et dans la paix. Malgré une expérience ecclésiale déjà longue, s’impose un travail d’accompagnement et de formation de nos communautés chrétiennes sur cette question : «Comment être aujourd’hui, prêtres et laïcs ensemble dans l’Église ?».

Nul doute que l’apport du diaconat permanent n’offre en la manière plus qu’un apport complémentaire et qu’il ouvre des possibilités de meilleurs ajustements.

2.5 Parmi les aspects du soutien spirituel que nous avons le souci d’apporter à nos prêtres, il y a celui d’une relecture d’inspiration apostolique de tout ce qui s’apparente à un échec dans l’exercice du ministère sacerdotal. Nous estimons devoir les aider à découvrir qu’il n’y a pas d’impossibilité apostolique, et que les déconvenues du pasteur, assumées comme participation à la mort et à la résurrection du Christ, ouvrent des passages inattendus. La vie des Apôtres et de leurs successeurs en offrent le témoignage surabondant. Nous nous attachons à mettre en lumière ce qu’apporte en ce sens la célébration quotidienne de la Messe.

3. Le meilleur soutien que nous puissions apporter à nos prêtres c’est, croyons-nous aussi, de susciter inlassablement dans nos diocèses l’éveil des vocations sacerdotales.

Il règne dans notre société comme une sorte d’interdit sur les vocations. Pour la plupart des jeunes, il est devenu très difficile d’envisager le ministère sacerdotal, comme d’ailleurs toute forme de vie consacrée. Ils paraissent subir une sorte d’intimidation, d’autant plus redoutable qu’elle est souvent inconsciente. L’idée même de vocation, pourtant si profondément ancrée dans la Tradition chrétienne, semble devenue suspecte.

Nous sommes impressionnés par l’emprise de cette mentalité selon laquelle tout engagement ne pourrait être que ponctuel et provisoire. Nous estimons que le meilleur moyen d’y résister est de convaincre les communautés chrétiennes, dans leurs diverses composantes de se constituer responsables de l’appel à ce ministère. L’engagement dans ce domaine ne peut pas dépendre des seules analyses de la situation ni de nos états d’âme.

Notre recherche présente, fondée sur la promesse du Seigneur de donner des pasteurs à son Église, consiste «à passer de l’attente à la proposition».

Cela signifie pour nous un immense effort, soutenu en particulier par nos Services diocésains des Vocations, pour faire partager des convictions telles que celles-ci. Proposer le ministère de prêtre nécessite de revenir inlassablement sur la place essentielle du ministère sacerdotal dans la vie de l’Église et pour sa mission dans le monde ; de la part des prêtres, cela passe par le souci de révéler à des jeunes la possibilité de se découvrir aimés du Christ et investis de sa confiance au point de pouvoir être appelés à le suivre comme les apôtres ; cela suppose encore l’acceptation de manifester ouvertement que la réponse à cet appel du Christ et de son Église peut combler une existence d’homme.

Vous, Très Saint Père, qui nous avez invités avec tant de force «à aller de l’avant dans l’espérance» nous confions ce souci de voir nos diocèses vivifiés par la venue de prêtres pour notre temps, comme aussi de religieux et de religieuses. Et nous vous prions de bien vouloir nous accorder, ainsi qu’à nos fidèles, votre paternelle Bénédiction.

© Cef.fr

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ZENIT Staff

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