"Marie la Très Sainte, le Pierre d'aujourd'hui, et Saint Pie V"

Homélie du cardinal Castrillon Hoyos à Sainte-Marie Majeure

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CITE DU VATICAN, Dimanche 25 mai 2003 (ZENIT.org) – Voici la traduction de l’homélie du cardinal Dario Castrillon Hoyos, lors de la messe célébrée selon le rite de saint Pie V, samedi 24 mai après-midi, en la basilique Sainte-Marie Majeure, qui abrite le tombeau de saint Pie V.

« On ne peut pas considérer que le rite dit de Saint Pie V soit éteint, et l’autorité du Saint-Père a exprimé son accueil bienveillant envers les fidèles qui, tout en reconnaissant la légitimité du rite romain renouvelé selon les indications du Concile Vatican II, restent attachés au rite précédent et y trouvent une nourriture spirituelle solide dans leur chemin de sanctification », disait le cardinal, président de la commission pontificale « Ecclesia Dei » et préfet de la congrégation pour le Clergé.

Homélie du cardinal Castrillon Hoyos
Loué soit Jésus-Christ!

Aujourd’hui trois figures attirent notre regard de croyants, dans cette Basilique Patriarcale de Sainte-Marie-Majeure: Marie la Très Sainte, le Pierre d’aujourd’hui, et Saint Pie V.

1. MARIE, LA TRES SAINTE MERE DE DIEU

Tournons donc notre premier regard vers Marie la Très Sainte, la Mère de Dieu, la Theotokos.

La Divine Providence nous a réunis dans cette Basilique, première église mariale de Rome et de l’occident, nous qui sommes des catholiques de différentes parties du monde unis dans la même foi. Nous nous adressons à Vous, Mère de Dieu, heureux d’avoir été accueillis dans votre maison, dans le cadre de cette année du Rosaire proclamée par le Saint-Père.

Salve, sancta Parens, enixa puérpera Regem, qui caelum terramque regit in saecula saeculorum.

Dans ce saint temple, tout nous parle du mystère de l’incarnation du Verbe de Dieu dans le sein de la Vierge Marie. Ici, elle nous apparaît dans son rapport permanent avec le mystère auguste de la Trinité Sainte. Le Père qui, dans son dessein de salut, a voulu envoyer son Fils vers le monde, demande à Marie de Nazareth son adhésion et son consentement. L’Esprit Saint la féconde, arche de la nouvelle alliance, temple d’or. Et voilà le miracle: ecce concipies in utero et paries filium et vocabis nomen eius Iesum. Marie donne chair au Verbe éternel (cf. Lc. 1, 30-38).

Mais ce temple ne nous reporte pas seulement en esprit à Bethléem, à cet « et incarnatus est » de notre profession de foi : la « confession » sous cet autel, avec les reliques de la mangeoire que l’on y vénère, en perpétue le souvenir. Cette basilique nous reporte aussi à notre commune espérance en la résurrection et en la gloire. Il suffit de contempler la splendide mosaïque de l’abside: Marie, depuis l’annonciation jusqu’à sa glorieuse assomption.

C’est toute l’existence de Marie la Très Sainte, présentée à la contemplation priante du croyant. C’est le mystère de toute notre existence qui est reproduit ici.

En effet, une des intuitions du Concile Œcuménique Vatican II, en continuité avec toute la Traditio Ecclesiae, consiste à faire le lien entre la Très Sainte Vierge Marie et l’Eglise, dont elle est l’icône la plus éloquente. Le chapitre VIII de la Constitution dogmatique Lumen gentium est dédié à la « Très Sainte Vierge Marie, Mère de Dieu dans le mystère du Christ et de l’Église. » « Reconnue et honorée comme la vraie mère de Dieu et du Rédempteur », elle est, également, « la fille préférée du Père et le temple de l’Esprit Saint »; et elle est dans le même temps, « un membre singulier de l’Eglise et son image, son meilleur modèle dans la foi et dans la charité, et l’Eglise catholique, enseignée par l’Esprit Saint, la vénère d’une affection de pitié filiale comme sa mère très aimée » (Lumen gentium, n. 53).

Le même Concile nous présente ainsi la Sainte Vierge comme étant toujours présente aux vicissitudes quotidiennes de l’Eglise, de chacun de ses membres, et une fois de plus il la rend présente à nos affections: l’Auxilium Christianorum. En elle nous contemplons toute la beauté de l’Eglise telle qu’elle a été pensée et qu’elle est née dans le cœur divin de son Fondateur, chez qui tout est lumière, et chez qui il n’y a pas d’ombres. Ces dernières, dans notre chemin historique, viennent de la nature humaine de ses membres, pauvres pécheurs qui ont toujours besoin de conversion et de salut.

2. LE SUCCESSEUR DE PIERRE

La seconde figure qui est intensément présente aujourd’hui, c’est la personne vénérée du Saint-Père, l’Évêque de Rome et, en tant que tel, le Successeur de Saint Pierre. Il est – comme l’enseigne le Concile Vatican II en continuité avec Vatican I – « le principe et fondement perpétuel et visible de l’unité, tant des Évêques que de la multitude des fidèles » (Concile Œcuménique Vatican II, Const. Lumen gentium, 23; cf. Concile Vatican I, const. Pastor Aeternus, introduction, DZ 3050-3051).

Au milieu des flots de l’histoire, il est « le Roc. » C’est là l’expression araméenne utilisée par le Divin Fondateur de l’Eglise à propos de Simon, telle que la rapporte le chapitre 16° de l’Évangile de Saint Matthieu. Mais pour mieux comprendre la pensée du Christ sur le Roc, l’épilogue du chapitre VII du même évangile nous éclaire. Pour Jésus le roc, la pierre, c’est la fondation : si le bâtiment repose sur elle, la tempête la plus terrible peut bien se déchaîner, la maison résiste. La consistance du nom conféré à Pierre est donc claire. Le concept de Pierre contient celui de consistance, de résistance, de cohésion, de fermeté, de solidité et de force.

Avec l’éloquence qui le caractérise, Saint Léon le Grand enseignait: « Cette disposition de la Vérité demeure à jamais; et Pierre, en persévérant dans cette solidité de la pierre qui lui a été assignée, n’a plus abandonné le gouvernail de l’Eglise. En effet, il a été préposé à tous les autres, de sorte que, quand on l’appelle ‘pierre’, quand on le dénomme ‘fondement’, quand il est constitué ‘gardien du royaume des cieux’, quand il est préposé comme arbitre de l’œuvre de lier et de délier dont les jugements resteront stables jusque dans les cieux, il nous est donné de connaître quelle est son union avec le Christ à travers le mystère de ces surnoms » (S. Léon le Grand, Sermo 3).

C’est à Jean Paul II, notre Pape bien-aimé, que vont notre pensée, notre prière et notre profond et affectueux sens de la communion ecclésiale. Au cours de ces vingt-cinq ans, sa vie et son ministère apostolique suprême sont caractérisés par la défense infatigable de la Vérité, par le dévouement total à la cause de l’unité de l’Eglise et par l’œuvre pastorale prophétique et courageuse pour la promotion de la vraie et juste paix entre les peuples et entre tous les hommes. Plus sa personne physique semble fragile, et plus fort se dresse son rôle moral et spirituel devant l’humanité. « Et toi, confirme tes frères! » (Lc 22, 32).

Nous sommes plus que jamais conscients des orages et des défis qui se présentent pour le Corps Mystique du Christ. Tel est le sort de l’Eglise, divine dans son essence et humaine dans ses membres. Nous souffrons de tant de contradictions, que la nature humaine et le péché peuvent infliger à l’histoire tourmentée de notre humanité et à la marche de l’Eglise, en pèlerinage vers la Patrie définitive. Mais nous sommes invités à renouveler constamment notre confiance au Seigneur de l’Histoire, Fondateur et Tête invisible de son Corps Mystique: « N’ayez pas peur… J’ai vaincu le monde » (Jn 16,33).

L’Eglise est victorieuse de par l’assistance permanente de l’Esprit Saint, garant de la continuité de la foi catholique: « et les portes de l’enfer ne prévaudront point » (Mt 16, 18). Victorieuse, parce que dans les Sacrements nous est garantie la grâce qui transforme et qui sanctifie. L’Eglise est victorieuse, parce que construite sur le roc de Pierre, qui n’est autre que
le roc même du Christ. Victorieuse, parce que la communion avec les Pasteurs légitimes garantit cette note de catholicité, indispensable pour rester dans la société mystique du Corps du Christ. L’Eglise est victorieuse en ses Saints: comme sont nombreuses et emblématiques les figures de sainteté sublime par lesquelles le Saint-Père a étendu le sanctoral, et qu’il nous a proposées au cours de ce quart de siècle de Souverain Pontificat!

« Duc in altum! » s’exclame Jean Paul II, et en lui c’est la voix même du Bon Pasteur qui résonne. « Hommes de peu de foi, pourquoi doutez-vous?. » « Jetez vos filets pour la pêche… Duc in altum! » Et la pêche devient abondante (cf. Lc 5, 4).

« Duc in altum! » Nous voulons prendre le large dans la barque de Pierre. Avec Saint Léon le Grand, nous voulons réaffirmer notre foi: « La solidité que lui, Pierre devenu pierre, a reçu de la pierre qui est le Christ, se propage aussi dans ses héritiers… » (St Léon, Sermo 5). Nous voulons dire avec Saint Jérôme: « Je ne veux suivre aucune autre primauté que celle du Christ; c’est pour cela que je me mets en communion avec la chaire de Pierre » (Epistola ad Damasum).

Ici nous prions avec celle qui est l’Auxilium Christianorum pour entourer le Vicaire du Christ de la chaleur de notre affection, et nous le faisons avec la réalité la plus puissante qui soit: le saint sacrifice de la Messe dans lequel « s’accomplit l’œuvre de notre Rédemption » (Conc. Vat. II, Const. Sacrosantum Concilium, n. 2). Réalité absolument toute-puissante, en tant qu’il renouvelle, de manière non sanglante, l’unique Sacrifice de la Croix, en rendant substantiellement présents le Corps et le Sang du Christ. L’unique Sauveur représente et réactualise constamment dans la Messe le fruit infini du Sacrifice sanglant de la Croix, offert pour le rachat de nos péchés.

3. LE VENERABLE RITE DE SAINT PIE V

Aujourd’hui une coïncidence providentielle nous permet de rendre son culte à Dieu en célébrant le divin Sacrifice selon le rite romain qui prit forme dans le Missel dit de Saint Pie V ; ses dépouilles mortelles reposent justement dans cette Basilique. Voilà la troisième figure, bien présente à cette célébration.

Vous-mêmes, très chers fidèles, particulièrement sensibles à ce rite qui a constitué pendant des siècles la forme officielle de la Liturgie romaine, vous avez pris l’initiative de cette célébration d’aujourd’hui. Et j’ai été heureux de pouvoir répondre à cette demande – qui va bien au-delà du nombre que vous êtes – tant parce qu’elle était motivée par une dévotion filiale au Saint-Père, à l’approche du vingt-cinquième anniversaire de Son Pontificat, et tant pour reconnaître les fruits de sainteté que le Peuple chrétien a obtenu de la Sainte Eucharistie dans le cadre de ce rite.

On ne peut pas considérer que le rite dit de Saint Pie V soit éteint, et l’autorité du Saint-Père a exprimé son accueil bienveillant envers les fidèles qui, tout en reconnaissant la légitimité du rite romain renouvelé selon les indications du Concile Vatican II, restent attachés au rite précédent et y trouvent une nourriture spirituelle solide dans leur chemin de sanctification. D’ailleurs le même Concile Vatican II déclarait que « … la sainte Mère l’Eglise tient pour égaux en droit et en dignité tous les rites légitimement reconnus, et elle veut qu’à l’avenir ils soient conservés et favorisés de toute façon ; le Concile désire que là où c’est nécessaire, ils soient intégralement révisés avec prudence, dans l’esprit de la saine tradition, pour leur donner une nouvelle vigueur en fonction des circonstances et des besoins de notre époque » (Conc. Oecum. Vatican II, Const. Sacrosanctum Concilium, n. 4).

L’ancien rite romain conserve donc dans l’Eglise son droit de citoyenneté au sein de la multiformité des rites catholiques tant latins qu’orientaux. Ce qu’unit la diversité de ces rites, c’est la même foi dans le mystère eucharistique, dont la profession a toujours assuré l’unité de l’Eglise, sainte, catholique et apostolique.

Jean-Paul II, en célébrant le dixième anniversaire du Motu proprio Ecclesia Dei, exhortait « tous les catholiques à accomplir des gestes d’unité et à renouveler leur adhésion à l’Eglise, pour que la diversité légitime et les sensibilités différentes, dignes de respect, ne les séparent pas les uns des autres, mais les poussent à annoncer l’évangile ensemble; ainsi – poursuivait le Saint-Père – stimulés par l’Esprit qui fait concourir tous les charismes à l’unité, tous pourront glorifier le Seigneur et le salut sera proclamé à toutes les nations » (OR, le 26-27 octobre 1998, p. 8).

Tout cela est un motif de gratitude spéciale envers le Saint-Père. Nous sommes reconnaissants de cœur pour la compréhension exquise et paternelle qu’Il témoigne à ceux qui désirent maintenir vive, dans l’Eglise, la richesse que représente cette vénérable forme liturgique ; elle a nourri son enfance et sa jeunesse, elle a été celle de son ordination presbytérale, de sa première Messe, de sa consécration épiscopale, et elle fait donc partie de sa plus belle couronne de souvenirs spirituels.

Je sais que vous êtes immensément reconnaissants au Saint-Père pour l’invitation qu’il a adressée aux Évêques du monde entier « à avoir une compréhension et une attention pastorale renouvelée pour les fidèles attachés à l’ancien rite; et, au seuil du troisième millénaire, à aider tous les catholiques à vivre la célébration des saints mystères avec une dévotion qui soit un vrai aliment pour leur vie spirituelle et qui soit source de paix » (OR le 26-27 octobre 1998, 8).

Cette dévotion, comme l’enseignait l’Aquinate, doit être la plus haute possible, « propter hoc quod in hoc sacramento totus Christus continetur » (III q. 83, à. 4, à 5).

Nous sommes tous appelés à l’unité dans la Vérité, dans le respect réciproque de la diversité des opinions, sur la base de la même foi, en procédant « in eodem sensu » et en se souvenant du dicton augustinien: « In necessariis unitas, in dubiis libertas, in omnibus caritas ».

Conclusion

Au nom de vous tous, et de tous ceux qui aujourd’hui s’associent à nous dans cette célébration, je répète avec la Sainte Eglise, à la Très Sainte Trinité qui nous a donné Marie comme auxiliatrice: « concede propitius, ut, tali praesídio muniti certantes in vita, victóriam de hoste malígno cónsequi valeámus in morte. » (Missale Romanum, Messe du jour, Collecte).
Loué soit Jésus-Christ.

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ZENIT Staff

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