CITE DU VATICAN, Vendredi 23 mai 2003 (ZENIT.org) – « Ils ont transformé le monde »: « Seul celui qui vit en communion avec Dieu produit des fruits abondants de justice et de sainteté ». C’est ainsi que L’Osservatore Romano en langue française présente cette traduction de l’homélie de Jean-Paul II au jour de son anniversaire.
Dans la matinée du dimanche 18 mai 2003, le Pape Jean-Paul II a présidé une célébration eucharistique, sur la Place Saint-Pierre, au cours de laquelle il a canonisé quatre nouveaux saints. Il s’agit de: Józef Sebastian Pelczar, Evêque, fondateur de la Congrégation des Servantes du Sacré-Cœur de Jésus; d’Urszula Ledóchowska, vierge, fondatrice des Sœurs Ursulines du Sacré-Cœur de Jésus agonisant; de Maria De Mattias, vierge, fondatrice de la Congrégation des Sœurs adoratrices du Sang du Christ et de Virginia Centurione Bracelli, laïque, fondatrice des Sœurs de Notre-Dame du Refuge sur le Mont Calvaire et des Sœurs Filles de Notre-Dame au Mont Calvaire. Au cours de la Messe, le Saint-Père a prononcé l’homélie suivante:
1. « Celui qui demeure en moi, et moi en lui, celui-là porte beaucoup de fruit » (Jn 15, 5; cf. Chant à l’Evangile). Les paroles adressées par Jésus aux Apôtres au terme de la dernière Cène, constituent une invitation touchante également pour nous, ses disciples du troisième millénaire. Seul celui qui reste intimement uni à Lui – greffé sur Lui comme le sarment sur la vigne – reçoit la lymphe vitale de sa grâce. Seul celui qui vit en communion avec Dieu produit des fruits abondants de justice et de sainteté.
Les témoins de cette vérité évangélique fondamentale sont les saints, que j’ai la joie de canoniser en ce cinquième dimanche de Pâques. Deux d’entre eux proviennent de Pologne: Józef Sebastian Pelczar, Evêque de Przemysl, fondateur de la Congrégation des Servantes du Sacré-Cœur de Jésus; Urszula Ledóchowska, vierge, fondatrice des Sœurs Ursulines du Sacré-Cœur de Jésus agonisant. Les deux autres saintes sont italiennes: Maria De Mattias, vierge, fondatrice de la Congrégation des Sœurs adoratrices du Sang du Christ; Virginia Centurione Bracelli, laïque, fondatrice des Sœurs de Notre-Dame du Refuge sur le Mont Calvaire et des Sœurs Filles de Notre-Dame au Mont Calvaire.
2. « La perfection est comme cette ville de l’Apocalypse (Ap 21), dont les douze portes s’ouvrent vers toutes les parties du monde, comme signe que les hommes de chaque nation, de chaque état et de chaque âge peuvent les franchir. (…). Aucun état, ni aucun âge ne constituent un obstacle à une vie parfaite. Dieu, en effet, ne considère pas les choses extérieures (…), mais l’âme (…), et il exige seulement ce que nous pouvons donner ». C’est à travers ces paroles que notre nouveau saint, Józef Sebastian Pelczar exprimait sa foi dans l’appel universel à la sainteté. Il vécut de cette conviction comme prêtre, comme professeur et comme évêque. Il tendait lui-même à la sainteté et il y conduisait les autres. Il fut zélé en toute chose, mais il le fit de façon à ce que, dans son service, le Christ soit le Maître.
La devise de sa vie était: « Tout pour le Très Saint Cœur de Jésus à travers les mains immaculées de la Très Sainte Vierge Marie ». Ce fut celui-ci qui forma sa figure spirituelle, dont la caractéristique fut de confier au Christ, par l’intermédiaire de Marie, sa personne, sa vie et son ministère.
Il considérait notamment son don au Christ comme une réponse à son amour, contenu et révélé dans le sacrement de l’Eucharistie. Il disait: « Chaque homme doit être saisi par l’émerveillement à la pensée que le Seigneur Jésus, devant aller au Père sur un trône de gloire, resta sur la terre avec les hommes. Son amour a inventé ce miracle des miracles, en instituant le Très Saint Sacrement ». Il éveillait sans cesse en lui et chez les autres cet émerveillement de la foi. Ce fut celui-ci qui le conduisit également à Marie. En tant qu’expert en théologie, il ne pouvait manquer de voir en Marie celle qui « dans le mystère de l’Incarnation anticipait également la foi eucharistique de l’Eglise »; celle qui en portant dans son sein le Verbe, qui se fit chair, fut en un certain sens le « tabernacle » – le premier « tabernacle » de l’histoire (cf. Ecclesia de Eucharistia, n. 55). Il s’adressait donc à Elle avec une dévotion filiale et avec l’amour qu’il avait reçu de la maison paternelle, et il encourageait les autres à cet amour. Il écrivait à la Congrégation des Servantes du Sacré-Cœur de Jésus, qu’il avait fondée: « Parmi les désirs du Sacré-Cœur de Jésus, l’un des plus ardents est celui que sa Très Sainte Mère soit vénérée et aimée de tous, tout d’abord parce que le Seigneur lui-même l’aime de façon ineffable, et ensuite parce qu’il la fit devenir la mère de tous les hommes, afin que, par sa douceur, elle attire à elle-même ceux qui fuient la Sainte Croix et qu’elle les conduise au Cœur Divin ».
En élevant à la gloire des autels Józef Sebastian Pelczar, je demande que par son intercession la splendeur de sa sainteté représente pour les Servantes du Sacré-Cœur de Jésus, pour l’Eglise de Przemysl et pour tous les croyants de Pologne et du monde un encouragement à un tel amour pour le Christ et pour sa Mère.
3. Au cours de toute sa vie, sainte Urszula Ledóchowska garda, avec fidélité et amour, le regard fixé sur le visage du Christ, son Epoux. Elle s’unissait de façon particulière au Christ agonisant sur la Croix. Cette union la comblait d’un zèle extraordinaire dans l’œuvre d’annoncer, à travers les paroles et les œuvres, la Bonne Nouvelle de l’amour de Dieu. Elle l’apportait avant tout aux enfants et aux jeunes, mais également à tous ceux qui se trouvaient dans le besoin, aux pauvres, aux laissés-pour-compte, aux personnes seules. Elle s’adressait à tous avec le langage de l’amour concrétisé dans les œuvres. Portant le message de l’amour de Dieu, elle traversa la Russie, les Pays scandinaves, la France et l’Italie. En son temps, elle fut une apôtre de la nouvelle évangélisation, donnant la preuve à travers sa vie et son activité d’une constante actualité, créativité et efficacité de l’amour évangélique.
Elle aussi puisait à l’amour pour l’Eucharistie l’inspiration et la force pour la grande œuvre de l’apostolat. Elle écrivait: « Je dois aimer mon prochain comme Jésus m’a aimée. Prenez et mangez… Mangez mes forces, elles sont à votre disposition (…). Prenez et mangez mes capacités, mon talent (…), mon cœur, afin qu’avec son amour, il réchauffe et illumine votre vie (…). Prenez et mangez mon temps, qu’il soit à votre disposition. (…) je suis vôtre comme Jésus-Hostie est à moi ». Dans ces paroles, n’entend-on pas retentir l’écho du don avec lequel le Christ, au Cénacle, s’offrit lui-même aux disciples de chaque époque?
En fondant la Congrégation des Sœurs Ursulines du Sacré-Cœur de Jésus agonisant, elle lui transmit cet esprit. « Le Très Saint Sacrement – écrivit-elle – est le soleil de notre vie, notre trésor, notre bonheur, notre tout sur la terre. (…) Aimez Jésus dans le tabernacle! Que votre cœur y demeure pour toujours, même si matériellement vous êtes au travail. C’est là qu’est Jésus, que nous devons aimer ardemment, de tout notre cœur. Et si nous ne savons pas l’aimer, nous désirons au moins l’aimer – l’aimer toujours davantage ».
A la lumière de cet amour eucharistique, sainte Urszula savait percevoir en chaque circonstance un signe des temps, pour servir Dieu et ses frères. Elle savait que pour celui qui croit, chaque événement, même le plus petit, devient une occasion pour réaliser les desseins de Dieu. Ce qui était ordinaire, elle le faisait devenir extraordinaire; ce qui était quotidien, elle le transformait pour qu’il devienne éternel; ce qui était banal, elle le rendait saint.
Si sainte Urszula devient aujourd’hui un exemple de sain
teté pour tous les croyants, c’est afin que son charisme puisse être accueilli par celui qui, au nom de l’amour du Christ et de l’Eglise, désire témoigner de façon efficace de l’Evangile dans le monde d’aujourd’hui. Nous pouvons tous apprendre d’elle comment édifier, avec le Christ, un monde plus humain – un monde dans lequel seront réalisées toujours plus pleinement les valeurs comme la justice, la liberté, la solidarité et la paix. Elle peut nous apprendre comment mettre en pratique chaque jour le commandement « nouveau » de l’amour.
4. « Or voici son commandement: croire… et nous aimer les uns les autres » (1 Jn 3, 23). L’Apôtre Jean nous exhorte à accueillir l’amour sans limites de Dieu, qui a donné son Fils unique pour le salut du monde (cf. Jn 3, 16). Cet amour s’est exprimé de façon sublime lorsque le Christ a versé son Sang comme « prix infini du rachat » pour l’humanité tout entière. Maria De Mattias fut intérieurement conquise par le mystère de la Croix, qui plaça l’Institut des Sœurs adoratrices du Sang du Christ « sous l’étendard du Divin Sang ». L’amour pour Jésus crucifié se traduisit chez elle en passion pour les âmes et en un humble dévouement pour ses frères, le « cher prochain », comme elle aimait répéter. « Encourageons-nous – exhortait-elle – à souffrir volontiers par amour pour Jésus, qui avec tant d’amour a donné son sang pour nous. Prodiguons-nous pour gagner des âmes au ciel ».
Tel est le message que sainte Maria De Mattias confie à ses fils et à ses filles spirituelles aujourd’hui, en nous exhortant tous à suivre jusqu’au sacrifice de la vie l’Agneau immolé pour nous.
5. C’est le même amour qui soutint Virginia Centurione Bracelli. Suivant l’exhortation de l’Apôtre Jean, elle voulut aimer non seulement « avec les mots », ou « avec la bouche », mais « en actes et en vérité » (cf. 1 Jn 3, 18). Mettant de côté ses nobles origines, elle se consacra à l’assistance des derniers avec un zèle apostolique extraordinaire. L’efficacité de son apostolat naissait d’une adhésion inconditionnée à la volonté divine, qui se nourrissait de contemplation incessante et d’écoute obéissante de la parole du Seigneur.
Aimant le Christ, et prête pour Lui à se donner à ses frères, sainte Virginia Centurione Bracelli laisse à l’Eglise le témoignage d’une sainteté simple et féconde. Son exemple de fidélité évangélique courageuse continue à exercer une profonde fascination également sur les personnes de notre époque. Elle avait l’habitude de dire: lorsqu’on a Dieu seul pour objectif, « toutes les oppositions s’applanissent, toutes les difficultés se surmontent » (Positio, n. 86).
6. « Demeurez en moi! ». Au Cénacle, Jésus a répété plusieurs fois cette invitation, que saint Józef Sebastian Pelczar, sainte Urszula Ledóchowska, sainte Maria De Mattias et sainte Virginia Centurione Bracelli ont accueillie avec une confiance et une disponibilité totales. C’est une invitation pressante et pleine d’amour adressée à tous les croyants. « Si vous demeurez en moi – assure le Seigneur – et que mes paroles demeurent en vous, demandez ce que vous voudrez, et vous l’aurez » (Jn 15, 7).
Puisse chacun de nous faire l’expérience dans sa propre existence de l’efficacité de cette promesse de Jésus.
Que nous assiste Marie, Reine des saints et modèle de parfaite communion avec son divin Fils. Qu’elle nous enseigne à rester « greffés » sur Jésus, comme des sarments à la vigne, et à ne jamais nous séparer de son amour. En effet, nous ne pouvons rien sans Lui, car notre vie est le Christ vivant et présent dans l’Eglise et dans le monde. Aujourd’hui et à jamais. Amen. Loué soit Jésus-Christ!
©L’Osservatore Romano – 20 mai 2003