Portrait de Jean XXIII
«Tout au long de cette montée vers Pâques, nous avons écouté le Christ nous parler par ses disciples (…). Ce soir, au terme de ce parcours où tant d’autres témoignages auraient pu être évoqués, c’est le bienheureux pape Jean XXIII, homme d’unité et de paix, qui nous réjouira par les confidences de son Journal, commencé à l’âge de 14 ans et régulièrement tenu jusqu’en 1962, à quelques mois de sa mort survenue à l’âge de 81 ans.
En remettant ces vieux cahiers fripés et ces fascicules délabrés à son fidèle secrétaire, Mgr Loris Capovilla, le bon pape Jean lui confiait : « Mon âme est dans ces pages. J’étais un bon garçon innocent, un peu timide. Je voulais aimer Dieu à tout prix et je ne pensais à rien d’autre qu’à me faire prêtre au service des âmes simples qui réclament des soins patients et diligent ».
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Homme de Dieu parmi les hommes, pleinement homme et homme de Dieu, toute sa vie, Jean XXIII a été un homme d’unité. Secrétaire de son évêque à Bergame, il y trouve l’idéal vécu d’un pasteur pour tous en ces moments difficiles ; mais lesquels ne le sont pas dans la vie du monde ?
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Soldat pendant la Première Guerre mondiale, il fait le lien entre ses camarades, par sa bonne humeur, toujours disponible aux uns et aux autres. Représentant du Saint Siège dans l’Europe de l’Est au milieu de populations divisées par la foi, il recherche toujours ce qui unit, au lieu de mettre l’accent, comme tant d’autres, sur ce qui sépare.
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Homme d’unité, il le sera en ouvrant le concile œcuménique et en y invitant nos frères séparés : les chrétiens anglicans, protestants et orthodoxes. Homme d’unité, il le fut en recevant des hommes de toute obédience. L’une de ses rencontres parmi les plus émouvantes fut sans conteste celle où il accueillit un groupe d’israélites en leur disant, bras grands ouverts : « Je suis Joseph, votre frère » (il s’appelait Joseph – Giuseppe – Roncalli, ndlr).
Parole biblique, aux résonances profondes. C’était au soir de son élection. La foule bigarrée, il m’en souvient, applaudissait à tout rompre lorsque s’ouvrit la loggia qui domine la place Saint Pierre, pour la première bénédiction traditionnelle urbi et orbi, c’est à dire à la ville et au monde.
Le nouveau pape, qu’on avait, tant bien que mal, revêtu de la plus large des trois soutanes blanches préparées par des personnes qui n’avaient pas prévu l’élection du cardinal Roncalli, venait de dire avec un humour plein de gravité : «Me voici ficelé, prêt à être livré !» Plus tard, il raconta comment il avait vécu la scène : «Figurez-vous que sur la place Saint-Pierre, quand je dus donner ma bénédiction urbi et orbi, les projecteurs de la télévision et du cinéma étaient si puissants que je ne parvins pas à distinguer la foule immense qui, paraît-il, s’étendait jusqu’au Tibre ! Je bénis l’univers, mais en quittant le balcon de Saint Pierre, je songeais à tous les projecteurs qui, désormais, à chaque minute, seraient braqués sur moi. Et je me suis dit : « Si tu ne restes pas à l’école du Maître doux et humble, tu ne verras plus rien de la réalité du monde, tu seras aveugle ».
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Bonhomie souriante, gentillesse, don de sympathie, sagesse du vieux paysan, sérénité de l’homme de Dieu, on a tout dit sur cet ensemble de qualités. Jusqu’à faire oublier que les dons humains de l’homme Roncalli avaient été, par la longue patience de toute sa vie, mis au service de l’Évangile de Jésus Christ et de la mission de l’Église.
Ce qui suppose une énergie, une ténacité, une persévérance que j’aime à proposer en exemple à des jeunes qui seraient tentés de croire l’effort inutile, et qui verraient volontiers dans Jean XXIII le résultat d’un heureux tempérament. Il suffit, pour s’en convaincre, de relire ses notes de retraite et son Journal de l’âme où, depuis son adolescence et jusqu’à sa mort, il n’a cessé de marquer ses résolutions et de fixer ses réflexions.
Là est son secret. Il y révèle par ses confidences, faites à l’abandon, sa personnalité propre dans son authentique profondeur spirituelle. Écoutons-le : « Même si je devais devenir pape, si mon nom devait être prononcé et vénéré par toutes les bouches et gravé dans le marbre, lorsque je paraîtrai devant le divin juge, que serai-je alors ? Rien ! » (Exercices spirituels, 10-12 décembre 1902).
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« Les premiers jours de ce service pontifical, je ne me rendais pas compte de tout ce que veut dire être évêque de Rome et par là même pasteur de l’Église universelle. Puis, une semaine après l’autre, la pleine lumière s’est faite. Et je me suis senti comme dans ma maison, comme si je n’avais rien fait d’autre durant toute ma vie » (1963).
A Mgr Martin, quelques jours avant sa mort, il confie : « Tous les jours sont bons pour vivre et tous aussi sont bons pour mourir. Pour moi, les valises sont prêtes, mais je suis prêt aussi à continuer à travailler ».
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Tel était l’homme que beaucoup de Parisiens avaient superficiellement jugé comme un homme bien en chair, au geste rond, et à l’esprit facile : bref, un heureux tempérament, un prélat optimiste et souriant, voire un diplomate aux gros sabots, le paysan du Danube de la diplomatie pontificale !
Il disait, le 30 avril 1961, aux pèlerins de son diocèse : « Un fils bien né ne se détache pas de sa mère sans conserver sur son visage, dans ses traits et ses paroles quelque chose de la terre d’origine qui l’a modelé. »
Sa maman de la terre, certes, mais aussi sa mère du Ciel, l’Église qu’il a aimée comme un fils. L’Église, Mater et Magistra, selon le titre de sa grande encyclique ; l’Église, mère et éducatrice des hommes ; cette Église héritée de Pie XII et transmise à Paul VI, comme la fleur épanouie d’un printemps inattendu, dans un climat de Pentecôte.
De cette Église, Jean XXIII a été le pasteur, le bon pasteur, comme il l’a déclaré au lendemain de son élection. Très vite, les Romains d’abord, puis tous les chrétiens, et enfin le monde entier, l’ont reconnu comme tel. Alors que ses prédécesseurs demeuraient à l’intérieur du Vatican, il s’est mis à sortir très souvent, suscitant toujours beaucoup de sympathie sur son passage.
Les Romains disaient familièrement de lui dans un jeu de mots intraduisible : «Giovanni fuori le mura» ; et les Américains, en pensant au whisky, l’appelaient «Johnny Walker» (le marcheur). Pour tous, il demeure « le bon pape Jean », qui ne passe pas son temps à pleurer sur le malheur des temps, mais s’adresse au cœur des hommes pour les appeler à travailler et à le changer.
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Et pourtant, comme disait le chauffeur de taxi : « Il était trop bon, il ne pouvait pas durer », et le serveur de pizza de la piazza Navona : « Un comme ça, on n’en fait plus. » C’était déjà la canonisation populaire spontanée, avant la béatification prononcée par Jean-Paul II.
Jean XXIII a réuni le concile Vatican II.
Un triple esprit l’anime : le renouveau de l’Église, l’union des chrétiens, l’ouverture au monde. A ces intentions, il a offert sa vie et sa longue agonie, suivie par tous, petits et grands, l’oreille collée au transistor. « Je souffre avec douleur, mais avec amour », disait il en ouvrant les bras. Et quand on l’interrogeait au moment de l’ouverture du Concile, il répondait : « Ma part à moi, ce sera la souffrance. »
Ce fut la souffrance, la prière et une action quotidienne très efficiente, sans coups d’éclats spectaculaires, mais par touches successives, quasi inaperçues au début. Il m’en souvient, quand je suis arrivé au Vatican, au début du pontificat de Jean XXIII, pour remplacer Mgr Veuillot, le futur archevê
que de Paris : c’était une nouvelle image du pape qui se dessinait peu à peu.
Pas un diplomate ni un politique, mais un homme de cœur et un homme de Dieu qui, très vite, acquiert une confiance et une affection populaire extraordinaires. Pourquoi ? Parce qu’à travers un contact humain, d’homme à homme, jaillissait une flamme d’amour telle que chacun se sentait compris et aimé dans la meilleure part de lui même.
Aussi sa mort a t elle été ressentie par tous, chrétiens et incroyants, comme un deuil personnel : la mort d’un père. A Moscou, le patriarche Alexis invitait les orthodoxes à la prière. A Paris, le rabbin de la synagogue séfarade introduisait une invocation à cette intention dans l’office du sabbat, cependant qu’à Rome, de leur prison de Regina Cœli, les détenus câblaient au Pape : « Avec un immense amour, nous sommes près de vous ».
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Quand on pense que le petit paysan lombard n’avait que 14 ans lorsqu’il prit la soutane et que, de ce jour, ses frères et sœurs cessèrent de le tutoyer, on se dit que, décidément, le vieux pape octogénaire avait un secret pour être de plain pied avec le monde moderne, dont il ne partageait ni les idées ni le style de vie.
Ce secret, il l’a confié lui même un jour à Indro Montanelli, journaliste italien bien connu : « Dès mon entrée dans le sacerdoce, je me suis mis à la disposition de la Sainte Église. Je l’ai suivie sans anxiété et sans ambition. Tout est là, et rien que là. Il est superflu d’aller plus loin. »
Tel est le secret de Jean XXIII et de son rayonnement, durant un pontificat, le plus bref du XXe siècle avant le passage furtif de Jean Paul Ier. Or, des millions de fidèles ne cessent de se recueillir sur sa tombe dans les cryptes vaticanes. Il fut lui-même le jardinier de Dieu, le grand oncle qui vous accueille dans sa ferme, solide comme un chêne, aux bras ouverts sur le monde.
Physiquement, mentalement, moralement et spirituellement, c’était un homme vigoureux, débordant de vitalité humaine et surnaturelle. En notre temps, il a incarné pour le monde entier le message de l’Évangile. Et comme on dit volontiers aujourd’hui, il l’a fait d’une manière crédible, en parlant le langage de tout le monde avec sa voix d’homme, sa tête solidement plantée, et les yeux de quelqu’un qui ne ment pas.
Ce n’était pas un intellectuel qui jongle avec les mots et les idées, mais un homme de la terre qui sait ce qu’il en coûte de ne pas respecter les lois de la nature et celles de la vie, qui connaît le prix du pain et aussi celui d’une vache à lait.
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Homme de foi profonde et d’espérance chevillée au corps, Jean XXIII déclarait : «Il y en a qui disent que tout va mal. Ce n’est pas vrai du tout : regardez tous les braves gens, les papas et les mamans qui se dévouent pour leur famille, les enfants joyeux et sains, les jeunes qui entrent avec courage dans la vie. Au lieu de dire du mal des mauvais, aidons les bons à devenir meilleurs et les méchants à se convertir ».
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Lorsqu’il reçut, le 7 mars 1963, Adjoubei et sa femme, la fille de Khrouchtchev, alors maître de l’Union soviétique, cette initiative fut très critiquée. Il s’en est expliqué lui-même au cardinal Marty, le 9 mai 1963, à midi : « Voyez vous, me dit il, je sais que plusieurs ont été surpris de cette visite ; certains même furent peinés.
Pourquoi ? Je dois recevoir tous ceux qui frappent à ma porte. Je les ai vus… et nous avons parlé des enfants ; il faut toujours s’entretenir des enfants… Je voyais que Mme Adjoubei pleurait. Je lui ai donné un chapelet, suggérant qu’elle ne devait pas en connaître l’utilité et qu’elle n’était pas tenue à le dire, bien sûr ! Mais qu’en le regardant, elle se rappellerait simplement qu’autrefois vivait une maman qui était parfaite. »
Un homme frappe à sa porte ? Comment la laisser fermée ? Il faut ouvrir, quitte à s’exposer. Qu’a donc fait d’autre le Christ ? « Attention, ces gens là sont à gauche», lui a-t-on reproché. « Eh bien, que voulez vous que j’y fasse ? Ce n’est pas ma faute à moi, il faut bien que je les prenne là où ils sont et que j’essaie de leur parler ! »
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Cette intuition libératrice, il y a quarante ans exactement, et nous en célébrons ici l’anniversaire, permit, lors de la crise de Cuba, de faire le lien entre Khrouchtchev et Kennedy ; de montrer par les faits que, si les systèmes idéologiques sont par nature intolérants, les hommes ne s’y aliènent jamais entièrement et gardent toujours inentamée cette meilleure part d’eux-mêmes qui leur permet de s’entendre pour éviter le pire.
Il ne s’agissait pas pour Jean XXIII de mettre l’Église au goût du jour, mais de redonner au monde le goût de l’Évangile. Les Romains disaient de lui qu’il était furbo, ce qui ne veut pas dire fourbe, mais subtil, d’une habileté nuancée de malice gentille, et c’était dans leur bouche un grand compliment.
Il faut avoir vu aux jours des Rameaux, en 1963, quelques semaines avant sa mort, Jean XXIII se frayer péniblement un chemin à travers la foule de la grande banlieue ouvrière, vers la paroisse Saint-Tarcisius, près de la voie Appienne, et les palmes jetées sur son chemin, pour comprendre le cri de l’Évangile : « Je veux voir Jésus ».
Enthousiasme, cris, bravos, applaudissements, bénédictions à droite, autant à gauche, petit signe d’affection à la maman, sourire aux enfants, et quelques mots devant le micro, qui tantôt font éclater le rire en cette énorme foule ou au contraire l’impressionnent soudain, au point de la rendre muette : « C’est bientôt Pâques. Je vous fais un vœu. C’est de vivre aussi vieux que votre pape… N’oubliez pas, mes enfants, il faut prier, il faut être fidèle au bon Dieu dans vos prières… Et puis, c’est à vous maintenant d’exaucer notre prière : laissez nous passer, il est temps que nous rentrions travailler au Vatican ».
Voilà ce qu’on a pu appeler « le phénomène Jean XXIII » ou le « mystère Roncalli», et qui était tout simplement une réponse offerte à la recherche d’une humanité insatisfaite, toujours en quête du bonheur : un homme simple et bon, entouré comme un père de l’affection de tous ses enfants. Mais sa famille, c’était Rome, ses enfants, le monde entier.
« Saint Père », dit-on en parlant du pape. Jean XXIII nous fait toucher du doigt le mystère fécond de la paternité spirituelle du prêtre pour tous les hommes. Son encyclique Mater et Magistra, du 15 mai 1961, nous rappelle que « chaque enfant affamé dans une rue de Bombay, chaque travailleur vieillissant de Leningrad, chaque paysan qui coupe des cannes à sucre dans un pays de l’Amérique latine, chaque femme qui vit cloîtrée dans une médina d’Afrique du Nord, a autant d’importance que tous les riches de la terre, et qu’ils sont tous, individuellement, sacrés et respectables. L’Église n’oublie jamais personne ; lorsqu’elle est obligée de choisir, c’est du côté des pauvres qu’elle va. »
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Il est prié comme un saint, qui a donné l’exemple de la bonté, de la douceur, de la miséricorde, de la recherche passionnée de l’unité et de la paix, en vivant au milieu de nous l’idéal des béatitudes. Pour tous, il a été un père, avec une prédilection particulière pour les enfants.
Le soir de l’ouverture du Concile, alors que les Romains défilent sur la place Saint Pierre, un cierge allumé à la main pour la « fiaccolata » (retraite aux flambeaux), et que tout le monde attend que le Pape parle, Jean XXIII ouvre sa fenêtre et d’une voix forte, tremblante d’émotion, déclare : « Allons, mes enfants, il est tard, rentrez chez vous, il est temps de coucher les petits ; vous leur ferez une caresse, ce sera la caresse du pape Jean ».
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Sa décision la plus inattendue, convoquer le Concile, apparut très vite comme un
e nécessité évidente, alors que lui même ne savait pas très bien comment cela allait se passer. « En fait de concile, disait il en souriant, nous sommes tous novices. Le Saint Esprit sera là lorsque les évêques seront tous réunis. On verra bien. »
Le Concile était d’abord pour lui une rencontre avec Dieu dans la prière, avec Marie, comme les apôtres au Cénacle, la veille de la Pentecôte. Rencontre avec l’Esprit Saint, le Concile était aussi une rencontre des évêques entre eux et de tous les évêques avec l’évêque de Rome, bien plus aussi, une rencontre avec les frères séparés invités comme observateurs, et ils vinrent de partout, même de Moscou ; rencontre enfin avec le monde entier par ces projecteurs de la presse, de la radio et de la télévision, braqués de tous les coins du monde sur la basilique Saint Pierre.
Pour Jean XXIII, le Concile devait être aussi une contribution à la paix entre les hommes et entre les peuples, entre les religions et les classes sociales, entre les cultures et les systèmes de pensée.
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Il accueillit ainsi les protestants et les orthodoxes au concile : « Veuillez lire dans mon cœur ; vous y trouverez peut-être bien davantage que dans mes paroles… J’ai eu de nombreuses rencontres avec des chrétiens, appartenant aux diverses dénominations… Nous n’avons pas parlementé, mais parlé ; nous n’avons pas discuté, mais nous nous sommes aimés ».
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Tel était Jean XXIII, homme d’unité et de paix, un prêtre de Jésus Christ, fortement et solidement enraciné dans la tradition, vivant joyeusement chaque jour comme un don de Dieu, et ouvert par l’espérance vers un monde plus fraternel et une Église plus proche des hommes parce que plus transparente à Dieu.
Jean XXIII était tout le contraire d’un homme de système, fût ce à droite ou à gauche, et personne n’a pu se l’annexer, tant il a été, au grand sens du terme, catholique. Écoutons le parler pour la fête de Noël, dans la basilique Saint Pierre : « Notre cœur se gonfle de tendresse pour vous adresser nos vœux paternels. Nous voudrions pouvoir nous attarder à la table des pauvres, dans les ateliers, dans les lieux d’études et de science, auprès du lit des malades et des vieillards, partout où des hommes prient et souffrent, travaillent pour eux et pour les autres…
Oui, nous désirerions poser notre main sur la tête des petits, regarder les jeunes dans les yeux, encourager les papas et les mamans à accomplir leur devoir quotidien. A tous, nous voudrions répéter les paroles de l’ange : « Je vous annonce une grande joie : il vous est né un sauveur » ! » Avec ces mots tout simples, Jean, successeur de Pierre, redisait au monde la grande, la joyeuse nouvelle toujours jeune : le Seigneur nous aime et nous sommes appelés à l’aimer, à nous aimer. Et cette voix de l’Église souvent étouffée par les bruits du monde a retenti à nos oreilles.
Jean a percé le mur du son. Sa parole a éveillé un écho et les hommes ont reconnu sa voix, comme un appel adressé au meilleur d’eux mêmes par quelqu’un qui les aimait comme un frère. Et c’est pourquoi tous l’ont pleuré, comme des fils leur propre mère.
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S’il me fallait d’un mot répondre au pourquoi de ce rayonnement si vivant encore de Jean XXIII, je dirais avec son secrétaire : « C’est qu’il fut un Pape au cœur ouvert sur Dieu, sur le monde et sur les hommes. Son originalité, c’est le miracle de la bonté, source d’espérance. »
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«Obéissance et paix», telle fut sa devise. « Ces simples mots, écrivait il lui même dans le Journal de l’âme, dès 1925 – il avait alors quarante quatre ans –, sont un peu mon histoire et ma vie ».
Sa bonté fut sans nul doute un fruit de la grâce de Dieu, mûri tout au long d’une vie sacerdotale vécue dans l’obéissance à l’Église, et en même temps avec foi dans la bonté et la miséricorde de Dieu, proche de tous les hommes qui le cherchent. A travers le pape Jean, c’est l’amour de Dieu qui a parlé au monde, et le monde en a été profondément bouleversé.
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Et de fait, Jean Paul II déclarait, c’était le 21 avril 1981, à Sotto il Monte (son village natal) : « Le pape Jean a été un homme d’une merveilleuse simplicité et d’une humilité évangélique. Dans le cours d’un peu moins de cinq ans de son ministère pastoral sur la chaire de Pierre, il a presque donné un commencement à une nouvelle époque de l’Église. Vieillard presque octogénaire, il a manifesté la jeunesse incroyable de l’Église. Un homme passionné de tradition a donné le commencement à une nouvelle vie dans l’Église et dans la chrétienté. »