CITE DU VATICAN, Mercredi 16 octobre 2002 (ZENIT.org) – Sous le tire: « Que tous les peuples glorifient le Seigneur »: L’Osservatore Romano en français du 15 octobre donne cette traduction du commentaire de Jean-Paul II sur le Ps 66 donnée au cours de l’audience générale du 9 octobre, Place Saint-Pierre (cf. www.vatican.va)
Lecture: Ps 66, 2-4. 7-8
1. La voix de l’antique Psalmiste, qui a élevé un joyeux chant d’action de grâce au Seigneur, vient de retentir. Il s’agit d’un texte bref et important, qui s’ouvre cependant sur un horizon immense, jusqu’à faire participer en esprit tous les peuples de la terre.
Cette ouverture universelle reflète probablement l’esprit prophétique de l’époque qui suivit l’exil babylonien, alors que l’on souhaitait que les étrangers soient eux aussi conduits par Dieu sur le mont saint pour être comblés de joie. Leurs sacrifices et holocaustes auraient été agréables à Dieu, car le temple du Seigneur serait devenue « une maison de prière pour tous les peuples » (Is 56, 7).
Egalement dans notre Psaume, le Psaume 66, le chœur universel des nations est invité à s’associer à la louange qu’Israël élève dans le temple de Sion. A deux reprises revient, en effet, cette antienne: « Que les peuples te rendent grâce, ô Dieu, que les peuples te rendent grâce tous » (vv. 4.6).
2. Même ceux qui n’appartiennent pas à la communauté choisie par Dieu reçoivent une vocation de Lui: en effet, ils sont appelés à connaître le « chemin » révélé à Israël. Le « chemin » est le plan divin du salut, le royaume de lumière et de paix, à la réalisation duquel les païens sont aussi appelés, invités à écouter la voix de Yahvé (cf. v. 3). De cette écoute obéissante découle la crainte du Seigneur dans « tous les lointains de la terre » (v. 8), une expression qui n’évoque pas tant la peur que le respect plein d’adoration du mystère transcendant et glorieux de Dieu.
3. En ouverture, et en conclusion du Psaume, est exprimé le désir insistant de la bénédiction divine: « Que Dieu nous prenne en grâce et nous bénisse, faisant luire sur nous sa face… Dieu notre Dieu, nous bénit » (vv. 2.7-8).
Il est facile d’entendre dans ces paroles l’écho de la célèbre bénédiction sacerdotale enseignée, au nom de Dieu, par Moïse à Aaron et aux descendants de la tribu sacerdotale: « Que Yahvé te bénisse et te garde! Que Yahvé fasse pour toi rayonner son visage et te fasse grâce! Que Yahvé te découvre sa face et t’apporte la paix! » (Nb 6, 24-26).
Selon le Psalmiste, cette bénédiction donnée à Israël sera comme une semence de grâce et de salut qui sera déposée dans la terre du monde entier et de l’histoire, prête à germer et à devenir un arbre touffu.
La pensée se tourne également vers la promesse faite par le Seigneur à Abraham le jour de son élection: « Je ferai de toi un grand peuple, je te bénirai, je magnifierai ton nom; sois une bénédiction!.. Par toi se béniront tous les clans de la terre » (Gn 12, 2-3).
4. Dans la tradition biblique, l’un des effets sensibles de la bénédiction divine est le don de la vie, de la fécondité et de la fertilité.
Dans notre Psaume, on mentionne explicitement cette réalité concrète, précieuse pour l’existence: « La terre a donné son produit » (v. 7). Cette constatation a conduit les chercheurs à relier le Psaume au rite d’action de grâce lors d’une récolte abondante, signe de la faveur divine et témoignage vis-à-vis des autres peuples de la proximité du Seigneur à Israël.
La même phrase a attiré l’attention des Pères de l’Eglise, qui, de l’horizon agricole, sont passés au plan symbolique. Ainsi, Origène a appliqué ce verset à la Vierge Marie et à l’Eucharistie, c’est-à-dire au Christ qui provient de la fleur qui est la Vierge et qui devient ainsi un fruit, de façon à pouvoir être mangé. Dans cette perspective « la terre est la Sainte Vierge Marie, qui vient de notre terre, de notre semence, de cette fange, de cette boue, d’Adam ». Cette terre a donné son fruit: ce qu’elle a perdu au paradis, elle l’a retrouvé dans le Fils. « La terre a donné son fruit: elle a tout d’abord produit une fleur… puis cette fleur est devenue un fruit, afin que nous puissions le manger, afin que nous mangions sa chair. Voulez-vous savoir ce qu’est ce fruit? C’est le Vierge de la Vierge, le Seigneur de la Servante, Dieu de l’homme, le Fils de la Mère, le fruit de la terre » (74 Homélies sur le Livre des Psaumes, Milan 1993, p. 141).
5. Nous concluons par les paroles de saint Augustin qui commente le Psaume. Il identifie le fruit qui a germé sur la terre avec la nouveauté qui se produit dans les hommes grâce à la venue du Christ, une nouveauté de conversion et un fruit de louange à Dieu.
En effet, « la terre est pleine d’épines », explique-t-il. Mais « la main de celui qui déracine s’est approchée, la voix de sa majesté et de sa miséricorde s’est approchée; et la terre a commencé à le louer.
Désormais la terre donnera son fruit ». Certes, elle ne donnerait pas son fruit « si d’abord elle n’avait pas été irriguée » par la pluie, « si, d’en haut, n’était pas tout d’abord venue la miséricorde de Dieu ». Mais, désormais, nous assistons à un fruit mûr dans l’Eglise, grâce à la prédication des Apôtres: « En envoyant ensuite la pluie à travers ses nuages, c’est-à-dire à travers les Apôtres qui ont annoncé la vérité, « la terre a donné son fruit » plus abondamment, et cette moisson a désormais rempli le monde entier » (Commentaires sur les Psaumes, II, Rome 1970, p. 551).
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