CITE DU VATICAN, Mardi 15 octobre 2002 (ZENIT.org) – « Unitate! Unité », le pape Jean-Paul II a évoqué son voyage en Roumanie en mai 1999 et le cri de la foule à Bucarest, au cours de son homélie de dimanche dernier, 13 octobre, à Saint-Pierre, en présence de S. B. Théoctiste, patriarche de l’Eglise orthodoxe de Roumanie.
Voici la traduction de l’italien de l’homélie de Jean-Paul II, d’après L’Osservatore Romano hebdomadaire en français du 15 octobre (cf. www.vatican.va)
– Homélie de Jean-Paul II –
1. « Gloire à ce Dieu, notre Père, dans les siècles des siècles! » (Ph 4, 20).
C’est ainsi que se conclut le passage de la Lettre aux Philippiens qui vient d’être proclamé. Cet écrit de l’Apôtre Paul est imprégné d’une joie fervente. La même joie comble aujourd’hui le cœur de l’Evêque de Rome en raison de la visite appréciée de son bien-aimé frère, Sa Béatitude Théoctiste, Patriarche de l’Eglise orthodoxe roumaine, et pour avoir pu écouter avec lui la Bonne Nouvelle.
Je vous salue avec une affection fraternelle, Votre Béatitude, ainsi que vos collaborateurs. Ma pensée cordiale s’étend en esprit au Saint-Synode, au clergé et aux fidèles de l’Eglise orthodoxe de Roumanie, qui m’ont ouvert leurs bras et leur cœur à l’occasion de ma visite à Bucarest, au printemps 1999, il y a trois ans.
2. J’ai écouté avec une grande attention vos réflexions inspirées, vibrantes d’une aspiration ardente à la pleine communion de nos Eglises. J’ai ressenti dans celles-ci une harmonie encourageante de sentiments et de volontés, visant à réaliser le commandement que le Christ a confié à ses disciples au cours de la dernière Cène: « Ut omnes unum sint – afin que tous soient un » (Jn 17, 21).
Votre Béatitude, je suis heureux de pouvoir célébrer en votre présence cette sainte Liturgie, mystère de notre foi, et d’invoquer avec vous le Seigneur pour l’unité et pour la paix dans la sainte Eglise et dans le monde. Ensemble, en ce lieu, nous sommes les témoins du chemin commun entrepris vers le rapprochement de l’Eglise catholique et de l’Eglise orthodoxe de Roumanie. Je rends grâce au Seigneur pour ce qu’il nous a déjà donné au cours de notre pèlerinage de communion. J’invoque sa grâce, afin qu’il nous accorde de mener à bien ce qu’il a suscité parmi nous, pour soutenir l’engagement vers la pleine communion.
3. « J’ai tout préparé, tout est prêt, venez! » (cf. Mt 22, 4).
Dans la page évangélique qui vient d’être proclamée en langue latine et roumaine, en respirant presque, pour ainsi dire, « avec deux poumons », l’invitation aux noces royales a retenti. Nous sommes tous invités. L’appel du Père miséricordieux et fidèle constitue le noyau même de la Révélation divine et, en particulier, de l’Evangile. Nous sommes tous appelés, appelés par notre nom.
Venez! Le Seigneur nous a appelés pour faire partie de son Eglise, une, sainte, catholique et apostolique. Au moyen de l’unique Baptême, nous sommes insérés dans l’unique Corps du Christ. Mais notre réponse a-t-elle toujours été un « oui » inconditionné? Parfois, n’avons-nous pas, hélas, refusé l’invitation? N’avons-nous pas déchiré la tunique sans couture du Seigneur, en nous éloignant les uns des autres? Oui! Notre division réciproque est contraire à sa volonté.
« La noce est prête, mais les invités n’en étaient pas dignes » (Mt 22, 8): ce sévère jugement pourrait s’appliquer à nous. Un jour, nous devrons rendre compte de ce que nous avons fait pour l’unité des chrétiens.
4. Dans sa grâce envers nous, pécheurs, Dieu nous a accordé ces derniers temps de nous rapprocher davantage, à travers la prière, la parole et les œuvres, de la plénitude de l’unité voulue par Jésus pour ses disciples (cf. Unitatis redintegratio, n. 1). En nous s’est accrue la conscience d’être invités ensemble aux noces royales. Le Christ nous a laissé en héritage, à la veille de sa Passion, le mémorial vivant de sa mort et de sa résurrection, dans lequel, sous les espèces du pain et du vin, il nous donne son Corps et son Sang. Comme l’a répété le Concile Vatican II, l’Eucharistie est la source et le sommet de toute la vie chrétienne, le centre rayonnant de la Communauté ecclésiale (cf. Const. Sacrosanctum Concilium, n. 10 et Christus Dominus n. 30).
L’Eglise catholique et les Eglises orthodoxes, en célébrant selon leurs traditions respectives la véritable Eucharistie, vivent, dès à présent, dans une profonde communion, même si elle n’est pas pleine. Que le jour béni où nous pourrons véritablement vivre dans sa plénitude notre parfaite communion puisse arriver le plus tôt possible. Aujourd’hui, l’invitation de l’Evangile s’adresse en particulier à nous. Que Dieu nous garde de faire comme ceux qui « s’en allèrent, qui à son champ, qui à son commerce » (Mt 22, 5).
5. Dans la parabole évangélique, le roi demanda à l’un de ses invités: « Mon ami, comment es-tu entré ici sans avoir une tenue de noces? » (Mt 22, 12). Ces paroles nous interpellent. Elles nous rappellent que nous devons nous préparer aux noces royales, en nous revêtant du Seigneur Jésus-Christ (cf. Rm 13, 14; Gal 3, 27).
La participation à l’Eucharistie présuppose la conversion à une vie nouvelle. Egalement, la participation commune, la pleine communion, présuppose la conversion. Il n’y a pas d’œcuménisme véritable sans conversion intérieure et sans renouvellement de l’esprit (cf. Unitatis redintegratio, nn. 6-7), sans que l’on surmonte les préjugés, les soupçons; sans que l’on élimine les paroles, les jugements, les actes qui ne réflètent pas avec équité et vérité la condition de frères séparés; sans la volonté de parvenir à estimer l’autre, à instaurer une amitié réciproque, à alimenter un amour fraternel.
Pour rejoindre la pleine communion, nous devons surmonter avec courage notre paresse et notre étroitesse de cœur (cf. Novo millennio ineunte, n. 48). Nous devons cultiver la spiritualité de la communion, qui est capacité « de considérer notre frère dans la foi comme « l’un des nôtres », pour savoir partager ses joies et ses souffrances, pour deviner ses désirs et répondre à ses besoins, pour lui offrir une amitié vraie et profonde » (ibid., n. 43). Nous devons sans cesse alimenter la passion pour l’Unité.
Votre Béatitude a opportunément souligné qu’en Europe et dans le monde, profondément sécularisés, apparaît une crise spirituelle inquiétante. Le témoignage commun des chrétiens devient donc d’autant plus urgent.
6. Très chers frères et sœurs! Je confie au Seigneur ces réflexions, qui prennent aujourd’hui une importance particulière. Cette Liturgie voit, en effet, ensemble, le Successeur de Pierre, Evêque de Rome, et le Patriarche orthodoxe de Roumanie. Nous sommes tous les deux les témoins de la volonté croissante d’unité et de communion de nos Eglises. Tous les deux, bien que conscients des difficultés persistantes, sommes certains que notre exemple trouvera un écho profond dans chaque lieu où les catholiques et les orthodoxes vivent côte-à-côte. Que le désir de reconnaître notre frère dans l’autre et de nous réconcilier avec lui puisse se nourrir de notre témoignage. Telle est la première condition indispensable pour nous approcher, ensemble, de l’unique Table du Seigneur.
Nous invoquons pour cela l’Esprit d’unité et d’amour et l’intercession de la Très Sainte Vierge, Mère de l’Eglise.
7. Je voudrais enfin envoyer un salut affectueux au peuple roumain et à tous ses membres. Je ne pourrai jamais oublier la visite historique que la divine Providence m’a donné d’effectuer, il y a trois ans, à Bucarest. L’accueil, le climat et les sentiments intenses, la ferveur et l’enthousiasme spirituel, les attentes des personnes, en particulier des jeunes, et les paroles d’espérance:
tout reste imprimé dans mon âme. Unitate! Unitate! Ces paroles entendues au terme de ma visite sont indélébiles. Unitate! Unitate! Je rends grâce à Dieu afin qu’il m’accorde dès à présent, d’une certaine façon, de pouvoir rendre les attentions qui me furent alors réservées.
Votre Béatitude, en revenant dans votre patrie, assurez votre peuple que la Roumanie, qualifiée par la tradition du beau titre de « Jardin de la Mère de Dieu », est dans le cœur de l’Evêque de Rome, qui prie chaque jour pour le bien-aimé peuple roumain. Que Dieu bénisse toujours la Roumanie!
© L’Osservatore Romano