Canada: Les Eglises opposées à la guerre contre l'Irak

Lettre du Conseil canadien des Églises au Premier ministre

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CITE DU VATICAN, Lundi 30 septembre 2002 (ZENIT.org) – Mgr Jacques Berthelet, C.S.V., évêque de Saint-Jean-Longueuil et président de la Conférence des évêques catholiques du Canada (www.cccb.ca), est l’un des signataires d’une lettre, en date du 25 septembre, que le Conseil canadien des Églises a fait parvenir au Premier ministre Jean Chrétien, l’enjoignant de faire appel à la négociation plutôt qu’à un conflit armé dans le dossier de l’Iraq. La lettre exprime le consensus des différentes Eglises chrétiennes en faveur de la promotion du dialogue diplomatique.

-Non à la guerre contre l’Iraq –

Cher Premier Ministre Chrétien,

Au cours des derniers mois et des dernières semaines, l’idée d’une nouvelle intervention en Iraq a connu une progression fulgurante. La pression en faveur d’un affrontement continue à augmenter, en dépit des appels au calme lancés par plusieurs personnes, dont vous faites partie. La clameur des tambours de guerre menace d’estomper à la fois loi et compassion; la population est tentée de conclure qu’une autre guerre du Golfe est désormais inévitable.

Nous vous écrivons, en tant que dirigeants responsables de plusieurs communautés chrétiennes du Canada, afin d’affirmer haut et fort qu’il faut dire NON à une telle guerre. L’heure est à la diplomatie intense et aux négociations entre individus, non aux missiles et aux bombardements. L’heure est particulièrement propice au multilatéralisme : le monde a désespérément besoin de la sagesse émanant de toutes les régions pour clairement comprendre les pleines conséquences des choix qui s’offrent à nous. Il est évident que la planète est aux prises avec une situation dangereuse, en Iraq et dans la région du Moyen-Orient en général. Cependant, face à ces graves problèmes, l’approche non militaire et conciliatrice est non seulement imaginable et possible, mais aussi infiniment préférable à la guerre.

Vous avez insisté avec raison, monsieur le premier ministre, pour qu’il soit démontré que l’Iraq est en possession et compte faire usage d’armes biologiques, chimiques ou nucléaires avant d’élaborer et de mener toute intervention internationale prudente par le biais des Nations Unies. Dans un contexte où les préoccupations sont pressantes mais où la situation sur le terrain reste imprécise, l’inspection des armements en Iraq par des instances internationales demeure la seule avenue à privilégier. Il pourrait être utile que l’ONU adopte une résolution décrivant en détails les mesures à prendre, l’échéancier des opérations et les conséquences du refus d’obtempérer, en autant que les critères choisis ne fassent pas en sorte qu’il devienne pratiquement impossible pour l’Iraq de se plier à ces demandes. Si tel était le cas, une résolution des Nations Unies ne constituerait qu’une méthode voilée pour procéder à une intervention, qui serait multinationale mais demeurerait injuste.

Le gouvernement iraquien a formellement invité l’équipe d’inspecteurs des Nations Unies à revenir en Iraq. Toutefois, il se trouve certaines personnes pour affirmer que cette invitation n’est qu’un stratagème insignifiant et qu’il n’y a aucun intérêt à négocier avec Saddam Hussein.

Nous ne comprenons pas comment on peut éviter la catastrophe en l’absence de véritables négociations. À moins que les parties en cause s’engagent dans un dialogue, les voies de la paix resteront bloquées. De plus, les négociations ne peuvent mener à l’ouverture des esprits et la formulation de solutions si l’univers est divisé au départ entre deux camps distincts, le bon et le mal, « notre » côté étant exclusivement bon. Une telle approche, en plus de contrevenir au sens chrétien de péché et de grâce, révèle une arrogance qui ne peut qu’exacerber les sentiments de colère et d’hostilité. Nous implorons le gouvernement canadien de maintenir le dialogue avec les parties en cause et d’insister pour que tous soient considérés comme des semblables, dotés de dignité humaine et jouissant de droits humains.

Une nouvelle guerre du Golfe serait injuste d’abord en raison de la souffrance qui serait conséquemment infligée à la population iraquienne, qui a déjà si amèrement souffert. Au cours de la dernière décennie, nos collègues chrétiens de cette région nous ont fréquemment demandé de sensibiliser nos propres populations aux torts causés par les sanctions internationales à la santé, l’éducation, au travail et l’espoir des hommes, des femmes et particulièrement des enfants iraquiens. Récemment, ces mêmes collègues nous ont supplié de nous prononcer et d’agir face à la menace d’une autre guerre.

« Si un membre souffre, tous les membres partagent sa souffrance». La maxime est d’origine biblique mais relève également de la simple expérience humaine. Nous, occidentaux, devront répondre devant les générations à venir et le Créateur des dommages que nous acceptons d’infliger au nom de la sécurité. Les onze dernières années de sanctions en donnent un bon exemple : les sanctions imposées n’ont pas eu pour effet de réduire l’étau oppressant du régime de Saddam Hussein. Ce sont les citoyens ordinaires et innocents de l’Iraq qui ont subi l’impact des sanctions. La communauté internationale a déjà trop longtemps retardé son action contre les dommages infligés en son nom.

Bien sûr, Saddam Hussein et son gouvernement sont également responsables de la souffrance des iraquiens. Les politiques belligérantes et impitoyables du régime affligeaient déjà le peuple iraquien bien avant l’imposition des sanctions internationales. Il ne fait aucun doute que plusieurs citoyens iraquiens souhaitent ardemment que le régime politique change. C’est pourquoi il est d’autant plus saisissant que les voix en provenance de ce pays et de cette région nous demandent d’empêcher la mise en place d’un nouveau régime par une intervention violente de l’extérieur.

Nous demandons instamment au gouvernement du Canada de continuer à croire qu’une approche conciliatrice à la question iraquienne, conforme au droit international et basée sur le bien commun du peuple iraquien, peut être élaborée, peut porter fruit et peut prendre le pas sur l’actuel sentiment fataliste face à la guerre dans les négociations internationales.

Dans une telle perspective, toutes les nations devraient être pressées de se conformer au droit international et aux résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU. L’Iraq n’est pas le seul pays à contrevenir à ces résolutions. De plus, cette approche devrait ultimement viser à débarrasser toute la région des armes de destruction massive. Elle devrait également prévoir des mesures de contrôle des armes conventionnelles pour endiguer le flot d’armes qui inonde les pays voisins. Une nouvelle approche pourrait également reconsidérer les obligations de compensation imposées à l’Iraq après la guerre du Golfe et prendre en considération le fardeau de la dette iraquienne. Il est essentiel d’entretenir un espoir économique dans la société iraquienne, sinon les citoyens ne retrouveront jamais l’énergie requise pour reconstruire leur pays ou changer de gouvernement. Le monde devrait éviter de répéter les erreurs commises lors du règlement avec l’Allemagne après la Première Guerre mondiale.

Il ne fait aucun doute que la paix en Iraq et au Moyen-Orient demeure un objectif spectaculairement difficile à atteindre. Bien des gens désespèrent de la cause, mais bien d’autres encore persistent à travailler pour la paix. Ce sont surtout les bâtisseurs de paix qu’on appelle les enfants de Dieu. Le monde a été créé pour la paix et non pour la guerre. Il s’agit là d’une déclaration de foi. Vivre selon ce principe et agir politiqu
ement sur la base de cette vérité constituent des gestes infiniment fructueux.

Le psaume 72, d’où est extraite la devise nationale du Canada (A mari usque ad mare) reconnaît la réalité de la lutte et du conflit dans un monde où « le pauvre et le faible » doivent être défendus contre « la brutalité et la violence ». On y réclame un chef qui apportera une véritable paix : « En ses jours le juste fleurira, et il y aura abondance de paix, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de lune».

Nous souhaitons, monsieur Chrétien, que vous et vos collègues récoltiez les fruits du noble travail de bâtisseurs de paix et que vous en goûtiez les bénédictions.

Recevez, Monsieur le Ministre, nos respectueuses salutations.

Dirigeants des églises:
Vén. Jim Boyles, Secrétaire Général
Église anglicane du Canada

Archevêque Hovnan Derderian, Primat
Diocèse canadien de l’Église arménienne

Le Rév. Dr. Kenneth Bellous, Ministre exécutif
Convention baptiste de l’Ontario et du Québec

Jacques Berthelet, C.S.V.
Évêque de Saint-Jean-Longueuil
Président de la Conférence des évêques catholiques du Canada

John Calder, Clerc
Réunion annuelle canadienne de la Société religieuse des Amis

Rév. P. Tom Rutherford , Ministre régional
Eglise Chretienne (Disciples du Christ) au Canada

Rév. Messale Engeda
Église éthiopienne orthodoxe Tewahedo

Rév. Raymond Schultz, Évêque national
Église évangélique luthérienne au Canada

Dan Nighswander , Secrétaire général
Église Mennonite Canada

Evêque Séraphim d’Ottawa et du Canada
Église orthodoxe en Amérique

P. Anthony Nikolic ,
Église catholique polonaise du Canada

Le Rév. J. Mark Lewis, Modérateur, 128e assemblée générale
Église presbytérienne au Canada

Son Éminence l’archevêque métropolitain Sotirios,
Église orthodoxe grecque de Toronto (Canada)

Son Éminence l’archevêque métropolitain Wasyly Fedak
Église orthodoxe ukrainienne du Canada

Très Rév. Dr Marion Pardy , Modérateur
Église unie du Canada

Rév. Siebrand Wilts ,Clerc, Synode régional au Canada
Église réformée en Amérique

Agences œcuméniques:
– Dr. Walter Pitman, O.Ont, O.C., Président
Project Ploughshares
– Jane Orion Smith, Présidente
KAIROS: Initiatives canadiennes œcuméniques pour la justice

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ZENIT Staff

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