CITE DU VATICAN, Jeudi 19 septembre 2002 (ZENIT.org) – Jean-Paul II recommande aux évêques du Brésil une grande exigence dans le discernement et la formation des vocations sacerdotales: une priorité absolue dans l’objectif d’une pastorale renouvelée et missionnaire
Le pape a reçu les évêques de la Région « Est 1 » du Brésil en visite « ad limina Apostolorum » dans la matinée du jeudi 5 septembre 2002, au palais apostolique de Castelgandolfo. Au cours de la rencontre, le Saint-Père leur a adressé le discours suivant, selon la traduction de L’Osservatore Romano en français du 17 septembre (cf. http://www.vatican.va):
Chers frères dans l’épiscopat,
1. En ce temps fort de votre ministère épiscopal que représente la visite ad limina, c’est pour moi une grande joie de vous accueillir, vous qui avez la responsabilité pastorale de l’Eglise dans la Région « Est 1″ du Brésil, à laquelle appartiennent les diocèses de l’Etat de Rio de Janeiro et l' »Union Saint Jean Marie Vianney » que j’ai voulu instituer à Campos, comme Administration apostolique personnelle. Vous êtes venus pour vous recueillir sur les tombes des Apôtres Pierre et Paul, afin de développer en vous l’élan apostolique qui les anima et les conduisit jusqu’ici pour être les témoins de l’Evangile du Christ, en acceptant ainsi de donner totalement leur vie. En rencontrant l’Evêque de Rome et ses collaborateurs, vous voulez également manifester votre communion avec le Successeur de Pierre et avec l’Eglise universelle. Que le Seigneur bénisse votre initiative et vous soutienne dans le service au peuple qui vous a été confié.
En remerciant le Cardinal Eugênio Sales des paroles qu’il m’a adressées, pour exprimer des sentiments de dévotion et d’affection, je salue toutes les personnes présentes et, à travers vous, j’adresse une pensée aux prêtres, aux religieux, aux religieuses, au catéchistes et aux autres laïcs de votre diocèse. Que le Seigneur leur donne la force et l’audace d’être, en toute circonstance, des témoins attentifs de l’amour de Dieu parmi leurs frères!
2. L’archidiocèse de Niterói, ainsi que celui de Rio de Janeiro, possèdent une tradition riche et dynamique. Dans ce dernier, depuis l’aube de l’histoire du Brésil, quand mon vénérable prédécesseur, le Pape Grégoire III, créa le 19 juillet 1575 la Prélature de São Sebastião, jusqu’à aujourd’hui, l’Eglise catholique a promu de nombreuses initiatives pastorales, grâce au dévouement généreux d’éminentes figures comme celles des cardinaux Arcoverde, Sebastião Leme, Jaime de Barros Câmara et Eugênio Sales, pour en citer quelques-uns. Ce siège de Pierre désire rendre hommage à tous ceux, prélats, évêques et archevêques des deux archidiocèses, qui ont servi la cause du Royaume de Dieu parmi le peuple de cette grande nation, en faisant croître les semences du Verbe, jusqu’à les transformer en un arbre luxuriant (cf. Mt 13, 31-32). Dans le sillage de cette tradition, je forme des vœux afin que cette « Region » continue à exercer son influence positive sur toute l’Eglise qui est au Brésil, en promouvant un intense esprit de communion avec l’épiscopat national et avec le Saint-Siège. Je saisis également cette occasion pour étendre mes vœux de tout bien à l’Archevêque de Rio de Janeiro, Mgr Eusébio Oscar Scheid, qui commence à présent sa mission en tant que nouveau pasteur de l’archidiocèse.
3. C’est dans le cadre de ces vœux que je désire formuler quelques considérations à propos des séminaires dans la formation des futurs prêtres au Brésil, en tant que priorité absolue pour une pastorale renouvelée et missionnaire.
La grande rencontre de 1992, à Saint-Domingue, avec l’épiscopat latino-américain reste encore vive dans les mémoires. Les thèmes affrontés à cette occasion concernaient des circonstances et des situations de l’Eglise, qui dépassaient les limites strictes d’un ou de plusieurs pays. Dans ceux-ci, je reprenais l’un des principaux motifs qui avaient motivé cette assemblée. A cette occasion, j’ai dit que la « condition indispensable de la nouvelle évangélisation est de pouvoir compter sur des évangélisateurs nombreux et qualifiés. Par conséquent, la promotion des vocations sacerdotales et religieuses, ainsi que la promotion d’autres agents pastoraux, doit représenter une priorité pour les évêques et un engagement pour l’ensemble du peuple de Dieu » (Discours d’inauguration, n. 26, cf. ORLF n. 42 du 20 octobre 1992).
Presque dix ans se sont écoulés, et il ne fait aucun doute qu’un grand travail a été accompli dans ce sens, en particulier sur votre terre, où la croissance démographique avance à un rythme accéléré, et où l’exigence de délimiter les nouvelles frontières ecclésiales a tenté d’accompagner cette évolution, au prix d’un grand effort. En pensant à l’immensité du territoire brésilien et au manque de prêtres, collaborateurs immédiats dans le ministère prophétique, sacerdotal et royal, je désire partager avec vous, comme celui qui doit confirmer ses propres frères dans la foi, ce problème qui appartient à l’Eglise universelle. Nos sentiments doivent être les mêmes que celui du Seigneur qui « à la vue des foules en eut pitié » et dit « la moisson est abondante, mais les ouvriers peu nombreux; priez donc le Maître de la moisson d’envoyer des ouvriers à la moisson » (Mt 9, 37-38). Grâce à la prière, la faiblesse humaine se transforme en puissance divine, car nous pouvons tout en Celui qui nous donne la force (cf. Ph 4, 13).
C’est dans la force de Dieu et dans le travail humain, effectué avec sagesse, que réside le secret pour obtenir de bons résultats. Les pasteurs qui unissent leurs forces, que ce soit à travers des séminaires diocésains ouverts aux étudiants d’autres diocèses ou à travers des séminaires interdiocésains, font preuve de sagesse, du moment qu’ils conservent une orientation de communion claire et bien définie avec les règles de l’Eglise universelle. Les pasteurs qui n’hésitent pas à placer dans le « vivier des prêtres » leurs meilleurs « agriculteurs » préparés intellectuellement, spirituellement et pastoralement, afin qu’ils constituent le groupe d’éducateurs dont l’Eglise a besoin, en nombre adapté dans chaque séminaire, font preuve de sagesse.
Développer les centres de formation est une preuve de sagesse; ne pas négliger la qualité de la formation pour accroître la quantité, tout en ayant à l’esprit l’immensité de la moisson, constitue une prudence louable.
4. Le Siège apostolique a assurément toujours eu à cœur, en harmonie avec les Pasteurs et la Conférence nationale des Evêques du Brésil, de faire face aux exigences de création ou de revitalisation des séminaires dans diverses provinces ecclésiastiques. En effet, c’est dans les régions nord-orientales du pays, en raison de la situation économique précaire des territoires et, en conséquence, de la difficulté réelle des évêques d’assurer une activité et un fonctionnement des séminaires appropriés et efficaces, que se sont concentrés les efforts les plus importants. Dans ce contexte, l’engagement afin de pouvoir disposer de structures, tout au moins de base, pour l’appel, la sélection et la formation des vocations sacerdotales dont il existe un besoin urgent, est certainement digne d’éloges. C’est pourquoi j’ai suivi l’évolution de ce qui pourrait devenir une véritable « campagne » en faveur des séminaires au Brésil.
5. En réalité, ce problème n’est pas totalement étranger aux régions où existent de meilleures structures non seulement de formation, mais également matérielles. Il ne suffit pas, comme je l’ai dit plus haut, de développer les centres de formation si l’on ne cherche pas à insister sur l’esprit ecclésial qui doit régir le séminaire et sur la qualité de l’enseignement; on a toujours suppléé au manque de moyens é
conomiques par les efforts et la bonne volonté de tous, également des forces vives de chaque diocèse; c’est pourquoi je prie Dieu, afin qu’il veuille récompenser tous ceux qui n’ont pas épargné leurs efforts et qui ne les épargnent pas pour aider les séminaires, dont la gestion sera toujours déficitaire.
Il est donc opportun d’avoir un regard de foi sur la situation des vocations au sacerdoce. D’une part, nous nous trouvons face à la réalité réconfortante de l’augmentation, en quantité et en qualité, des vocations sacerdotales. Il existe de nombreuses expériences nouvelles et valables, telles que des journées pour les vocations, pour le discernement des vocations, pour l’accompagnement des candidats susceptibles d’entrer au séminaire, ainsi que d’autres. On constate également l’augmentation réconfortante des vocations dans les diocèses, dont les séminaires cherchent à suivre avec rigueur l’orientation du Concile Vatican II et du Saint-Siège, et en particulier l’Exhortation apostolique Pastores dabo vobis, qui insiste sur le développement de la dimension humaine et affective, spirituelle, intellectuelle et pastorale. Les Orientations de Base de la Conférence nationale des Evêques du Brésil (n. 55) ont elles-mêmes fourni des contributions valables dans ce sens.
D’autre part, toutefois, l’impact que le monde moderne, avec sa tendance « séculariste » et hédoniste, exerce sur les chrétiens, surtout sur les jeunes, devra être affronté avec une plus grande fermeté pour rappeler et cultiver, chez ceux qui ont la vocation, l’amour profond pour le Christ et son Royaume. Une solide formation à la vie de prière et à la Liturgie, à travers laquelle l’Eglise participe, dès aujourd’hui, à la Liturgie dans la gloire du Ciel, est nécessaire.
C’est pourquoi, la fidélité à la doctrine sur le célibat sacerdotal pour le Royaume des Cieux doit être affrontée avec un grand respect de la part de l’Eglise, en particulier dans la vie sacerdotale (cf. Presbyterorum ordinis, 16), lorsqu’il s’agit de discerner chez les candidats au sacerdoce l’appel à un don de soi inconditionné et total. Il est nécessaire de leur rappeler que le célibat n’est pas un élément extrinsèque et inutile – une superstructure – de leur sacerdoce, mais une exigence intime de participer à la dignité du Christ et au service de la nouvelle humanité qui en Lui et pour Lui a son origine, et qui conduit à la plénitude.
Mon devoir est donc de recommander une attention renouvelée dans la sélection des vocations pour le séminaire, en utilisant tous les moyens à disposition pour bien connaître les candidats, en particulier du point de vue moral et affectif. Qu’aucun évêque ne se sente exempté de ce devoir de conscience dont il devra directement rendre compte à Dieu; il serait déplorable que, pour un acte de tolérance mal compris, on ordonne des jeunes immatures, ou révélant des signes évidents de déviations affectives, qui, comme on le sait hélas, pourraient causer de graves anomalies dans la conscience du peuple des fidèles, avec des dommages évidents pour toute l’Eglise.
L’existence dans certaines écoles de théologie, voire dans certains séminaires, de professeurs mal préparés, vivant même en désaccord avec l’Eglise, suscite une profonde tristesse et inquiétude. Nous avons confiance dans la miséricorde de Dieu qui guide les consciences des jeunes généreux, mais il n’est pas possible d’accepter que les jeunes en formation soient exposés à des déviations d’éducateurs et de professeurs privés d’une communion ecclésiale explicite et d’un clair témoignage de recherche de la sainteté. Les visites dans les séminaires apostoliques n’auraient elles-mêmes pas d’effet significatif et durable si les évêques ne procédaient pas de façon ferme à l’introduction immédiate des changements demandés par le Visiteur. Il est enfin opportun que les évêques qui envoient des séminaristes dans les séminaires d’un autre diocèse ou province connaissent bien l’esprit du séminaire et le soutiennent intégralement.
6. Il n’est pas superflu de répéter ici qu’à travers la « théologie, le futur prêtre adhère à la Parole de Dieu, grandit dans la vie spirituelle et se dispose à accomplir le ministère pastoral » (Pastores dabo vobis, n. 51). D’où l’importance d’un accompagnement attentif et vigilant de toute la vie du séminariste, mais en particulier des études de théologie, car c’est à l’Evêque qu’il revient de veiller sur la bonne doctrine offerte dans le séminaire.
L’ecclésiologie, de même que la christologie, est aujourd’hui de manière particulière la pierre d’angle d’une saine formation des candidats au sacerdoce. L’étude et l’enseignement de la théologie possèdent des exigences dérivant de sa nature même; l’une de celles-ci est, sans aucun doute, que la théologie doit conserver son identité dans l’Eglise, qui ne dépend pas intrinsèquement du moment historique qu’elle traverse.
Les efforts, certainement légitimes et nécessaires, afin d’unir le message chrétien à la mentalité et à la sensibilité de l’homme moderne, et d’exposer la vérité de la foi comme des instruments extrapolés de la philosophie moderne, des sciences positives, ou à partir de la situation de l’homme et de la société contemporaine, peuvent, s’ils ne sont pas contrôlés comme il se doit, compromettre la nature même de la théologie et le contenu de la foi. Il est nécessaire que la raison, soutenue par la Parole de Dieu et par sa plus grande connaissance, soit guidée afin d’éviter « des sentiers qui la conduiraient hors de la Vérité révélée » (Lettre encyclique Fides et ratio, n. 73).
Dans plusieurs parties du monde, il semble même au Brésil, dans certaines facultés ou instituts de théologie a été diffusée une vision déformée de l’Eglise, selon des idéologies déterminées, en oubliant l’essentiel: que l’Eglise est participation au mystère du Christ incarné. Voilà pourquoi il est urgent d’insister afin que la théologie conserve, dans l’Eglise, sa propre identité.
Le principe exprimé dans l’Assemblée conciliaire, selon lequel le mystère du Christ et l’histoire du salut doivent constituer le point de convergence des diverses disciplines théologiques (cf. Décret Optatam totius, n. 16) est donc apparu réellement prophétique. Le thème de l’Eglise, comme mystère divin, constitue non seulement le premier chapitre de Lumen gentium, mais imprègne tout le document. Les évêques doivent adopter une attitude de vigilance, afin que les leçons de théologie ne se réduisent pas à une vision humaine de l’Eglise parmi les hommes.
Cela n’empêche pas de confirmer la finalité pastorale des études de théologie, afin que « tous les aspects de la formation, spirituel, intellectuel et disciplinaire, soient ordonnés à cette fin pastorale par une action concertée, et tous les directeurs et professeurs s’appliquent à poursuivre ce but avec zèle et concorde, fidèlement dociles à l’autorité de l’Evêque » (Ibid., n. 4).
Cela conduit, en dernière analyse, à l’élément essentiel, qui se trouve au centre même de la théologie, celui de la mission. Le Concile a été très explicite à ce propos, lorsque dans le Décret Ad gentes sur l’activité missionnaire, il a exhorté les professeurs des séminaires et des universités à mettre toujours en lumière, de façon particulière dans les disciplines dogmatiques, bibliques, morales et historiques, « les aspects missionnaires qui y sont contenus, afin que de cette manière, la conscience missionnaire soit formée chez les futurs prêtres » (n. 39). La formation adaptée dans les séminaires apportera un grand bénéfice à l’Eglise, que ce soit pour l’action évangélisatrice ou pour une authentique promotion humaine.
7. Chers frères dans l’épiscopat, au terme de notre rencontre, je m’adresse encore une fois à votre pays bien-aimé et, de façon particulière, j’invite les fils de cette terre de l’Etat de Rio
et de sa capitale, chacun au niveau de responsabilité qui lui est propre, à s’engager de façon décidée pour édifier le Royaume de Dieu dans ce monde.
En ce début de millénaire, je souhaite à tous un temps de grâce qui annonce un nouveau printemps de vie chrétienne et qui leur permette de répondre avec audace aux appels de l’Esprit. Je confie à la Vierge Marie, Mère du Rédempteur, votre ministère et la vie de vos communautés ecclésiales, afin qu’elle guide vos pas vers son Fils, Jésus. Du plus profond de mon cœur, je vous donne la Bénédiction apostolique, que j’étends aux prêtres et aux séminaristes, aux religieux, aux religieuses, aux catéchistes et à tous les fidèles diocésains.
©L’Osservatore Romano