CITE DU VATICAN, Lundi 15 avril 2002 (ZENIT.org) – Non au terrorisme comme aux représailles armées, oui au respect des décisions de l´ONU et du statu quo des Lieux saints dont l´occupation de la basilique de la Nativité, à Bethléem, est une violation: la position du Saint-Siège sur le conflit au Moyen Orient est rappelée au micro de Radio Vatican par Mgr Jean-Louis Tauran. Mgr Tauran, Secrétaire de la Secrétairerie d´Etat pour les relations avec les Etats – autrement dit, le Ministre des Affaires étrangères du pape – indique un chemin pour rouvrir le dialogue en vue de la paix.
Mgr Tauran – Nous avons une position que je résume en cinq points. En premier lieu, la condamnation absolue des actions terroristes qui représentent des violations des Droits humains en général et en particulier, ils lèsent le droit fondamental à la vie. Puis la désapprobation des condition de vie humiliantes imposées à la population palestinienne, surtout pour ce qui concerne cette logique des attaques en représailles, qui est une logique perverse. Ensuite, nous avons insisté sur le respect de toutes les Résolutions des Nations Unies de la art de toutes les parties. En outre, nous insistons sur la proportionnalité des moyens légitimes de défense de la population israélienne. Enfin, nous répétons la nécessité de respecter le statu quo des Lieux saints. Nous devons toujours maintenir un certain équilibre entre le droit du gouvernement – je dis le droit, le devoir, plutôt! – le devoir des autorités israéliennes de garantir la sécurité de ses propres citoyens, en distinguant cela des opérations de guerre, qui sont une chose différente. Il st toujours très important de distinguer entre ces deux aspects: garantir la sécurité de ses propres citoyens, et les actions de guerre, ce sont deux choses différentes!
R. V. – Excellence, vous avez rappelé que le Saint-Siège demande le respect des Résolutions des Nations Unies, alors qu´elles semblent rester inefficaces. Comment évaluer du point de vue du Saint-Siège cette impuissance de la plus haute instance internationale?
Mgr Tauran – Vous savez, le système de l´ONU dépend de la volonté politique de ses membres pour appliquer les Résolutions qu´ils ont votées. Je dis toujours aux ambassadeurs, au cours de nos réunions, que je pense que les acteurs de la vie internationale d´aujourd´hui n´ont jamais eu un patrimoine juridique aussi complet, aussi affiné, pour mettre en œuvre les Résolutions. Sur la table, nos avons tous les textes possibles, et de très bons textes. Ce qui manque, c´est la volonté politique d´appliquer ces textes. Et la crise actuelle vérifie aussi cette situation.
R. V. – Le Saint-Siège serait favorable à l´envoi d´une force d´interposition dans la région?
Mgr Tauran – Je dois dire que je crois que le Saint-Siège a été l´une des premières instances internationales a demander l´envoi d´une force d´interposition, à l´époque, il me semble que c´était en novembre 2000. Je sais qu´il est très difficile de penser à une force d´interposition en termes classiques, parce que ce n´est pas que les deux parties soient déployées le long d´une ligne (…). Pour dire les choses en termes très simples, un ami doit aller sur place séparer deux adversaires, qui non seulement se tirent dessus, mais sont incapable de se regarder. C´est pourquoi on a besoin d´une troisième force et là ce sont les juristes, évidemment, et non le Saint-Siège qui doivent fournir une solution technique. Ce sont les juristes qui doivent créer, être inventifs, de façon à ce que cette force soit capable de faire taire les armes, de créer un climat de confiance et de ramener les deux adversaires autour de la table des négociations. Je parlerais donc d´une troisième force, d´une troisième présence sur le terrain.
R. V. – Pour ce qui concerne la situation de Bethléem: le Saint-Siège a rappelé justement récemment qu´il considère prioritaire le respect du statu quo des Lieux saints. Que dire à la lumière de la situation qui s´est installée dans le complexe de la basilique de la Nativité? Les accords ont-ils été violés? Et comment mieux protéger les Lieux saints?
Mgr Tauran – Pour le moment, effectivement, le statu quo du Lieu saint de la basilique de la Nativité a été violé par les palestiniens qui s´y sont réfugiés avec des armes. C´est la première fois dans l´histoire du statu quo des Lieux saints, que nous avons la permanence d´hommes en armes pendant si longtemps (plus de dix jours): c´est certainement une violation. Mais de la part d´Israël, le Saint-Père a reçu l´assurance solennelle du président de l´Etat d´Israël que la basilique ne serait pas une cible de tirs, et jusqu´à aujourd´hui c´est ainsi. Et puis, il y a le problème humanitaire: nous avons 200 personnes armées avec une trentaine de religieux et de religieuses, et il est par conséquent indispensable d´assurer un minimum de conditions de vie humaine. C´est là qu´entre en ligne de compte la protection des civils en cas de guerre, c´est-à-dire du « ius in bello », et je peux dire que la diplomatie du Saint-Siège, de façon confidentielle et discrète, est en train de chercher à aider les deux parties à se parler, afin de pouvoir résoudre le problème: il y a des personnes âgées, des malades, on a besoin d´eau, de nourriture… Pour donner une idée – parce que ce n´est pas à nous de proposer des solutions techniques – par exemple la constitution d´une commission mixte israélo-palestinienne pour affronter le problème. Dans l´histoire de la diplomatie, il y a toujours e de ce commissions, jusque dans les grandes batailles de l´histoire, il y a eu des trêves, organisées pour quelques ours de façon à permettre de fournir les combattants en nourriture, en médicaments. Donc, mutatis mutandis, on pourrait appliquer ce principe aussi à cette situation. Donc, nous suggérons l´institution d´une commission mixte, si elle est acceptée, ou d´une autre formule, quelle qu´elle soit afin que les deux parties puissent résoudre ce problème.
R. V. – A la lumière de ce qui se passe à Bethléem, le Saint-Siège pense revoir la Custodie des Lieux saints, de mieux les protéger à l´avenir?
Mgr Tauran – Nous espérons, à l´avenir, ne pas devoir affronter de semblables situations. Nous espérons que finalement, un jour, sur cette terre puisse prévaloir la force de la loi sur la loi de la force, du moins, espérons-le!
R. V. – Mais actuellement, pour ce qui est de la situation de Bethléem, nous assistons à une inertie politique et diplomatique. Comment commenter cet état de fait?
Mgr Tauran – Apparemment, c´est l´image que l´opinion publique peut en tirer. Nous savons que par d´autres canaux aussi, que des contacts sont en cours et des entretiens, pour essayer de soulager les souffrances des populations et surtout pour chercher à résoudre le problème humanitaire de ces 200 personnes prises en tenailles entre le couvent et la basilique. Evidemment, il n´est pas possible de tout dire publiquement: nous cherchons à aider les un et les autres. Le Saint-Siège a cet avantage, ej le dis toujours aux ambassadeurs, lorsqu´ils viennent présenter en visite de courtoisie, que le Saint-Siège a ce grand avantage de ne pas avoir d´ennemis, mais seulement des mais, parce que nous pouvons parler avec les uns et avec les autres, et nous cherchons à le faire de façon discrète.
R. V. – A propos d´espérance, Mgr Tauran, à partir des contacts que le Saint-Siège a avec les parties en présence, est-ce que l´on entrevoit la possibilité d´une solution négociée dans le conflit entre Israéliens et Palestiniens?
Mgr Tauran – Pour le moment, je ne serais pas si optimiste. Je pense qu´il est encore nécessaire d´aider les parties à réviser un peu leu
rs positions. C´est pour cela que j´espère beaucoup que la visite du Secrétaire d´Etat américain Colin Powell puisse les aider à réfléchir sur le chemin qu´ils ont emprunté et qui ne mène nulle part…
R. V. – Donc, le Saint-Siège regarde la mission du Secrétaire d´Etat américain comme la solution juste, en ce moment, pour trouver une voie diplomatique vers la paix?
Mgr Tauran – Oui, je pense que c´est au moins un développement très positif dans la mesure où Powell pourra parler avec les uns et les autres. Et c´est ce qu´a dit le Saint-Père, je le rappelle, en janvier dernier dans son discours au Corps diplomatique, lorsqu´il a dit: « Les uns contre les autres – les Israéliens contre les Palestiniens -, ils ne pourront jamais gagner la guerre; les uns avec les autres, ils pourront gagner la paix ».