CITE DU VATICAN, Vendredi 15 mars 2002 (ZENIT.org) – « La foi a ce pouvoir de rejoindre le cœur de toute culture, pour la purifier, la féconder, l’enrichir et lui donner de se déployer à la mesure sans mesure de l’amour du Christ », disait récemment le cardinal Poupard.
A l´occasion de l´assemblée plénière de ce dicastère romain, voici l´intervention intégrale du cardinal Paul Poupard, Président du Conseil Pontifical de la Culture, lors de la Première Biennale du Livre Religieux organisée à Rome, par le Centre Culturel Saint-Louis de France, les 15 – 18 novembre 2001.
Le cardinal venait de présenter à Paris ses deux derniers livres: Foi et Cultures au tournant du nouveau millénaire (CLD) et Ce Pape est un don de Dieu (Plon – Mame).
Monsieur l’Ambassadeur,
Monsieur le Directeur du Centre Culturel Saint-Louis-de-France,
Monsieur le Directeur de la Librairie Française de Rome La Procure,
Messeigneurs, mes Révérends Pères, Mes sœurs,
Mesdames, Messieurs et chers Amis,
Je suis particulièrement heureux d’inaugurer avec vous cette Première Biennale du Livre Religieux organisée par le Centre Culturel Saint-Louis de France, la Librairie Française La Procure et la Présence du Livre Français, en collaboration avec le Servizio Nazionale per il Progetto Culturale de la CEI, l’Associazione Sant’Anselmo per la Promozione della Cultura Teologica e Religiosa et le Conseil Pontifical de la Culture qui s’associe bien volontiers à cet important événement. Le même intérêt commun, plus encore, la même passion nous réunit autour du Livre religieux. Aussi est-ce pour moi une joie de vous adresser ces quelques mots et, tout particulièrement, de remercier l’ensemble des organisateurs pour cette remarquable initiative.
A titre personnel, je voudrais d’abord dire ma gratitude aux amis éditeurs français et italiens présents ce soir, qui ont pris le risque de me publier, une trentaine de livres en français, au moins autant en italien, et pas toujours les mêmes, du petit « Que sais-je ? » au gros Dictionnaire, en passant par les Essais de culture et les Entretiens plus familiers. Mais c’est en tant que Président du Conseil Pontifical de la Culture, partie prenante de cette première Biennale du livre religieux à Rome, que je voudrais bien sûr exprimer toute ma gratitude aux éditeurs, auteurs, directeurs de collections, traducteurs, libraires, professeurs, journalistes de la presse écrite, radio et télévisée et Internet, bibliothécaires, qui permettent à d’innombrables lecteurs passionnés dont je suis, de bénéficier d’un ensemble impressionnant de livres religieux de toute sorte, à commencer bien sûr par la Bible, la théologie, la spiritualité, la liturgie, tout ce qui aide à explorer les richesses inépuisables du mystère chrétien, les projets de pastorale et les outils de catéchèse, les recherches philosophiques et les études sociales, les ouvrages littéraires aussi et les livres d’art, les bandes dessinées et les CD-Roms qui nous donnent de saisir comment le message évangélique, aujourd’hui en dialogue œcuménique, interreligieux et interculturel, prend sa place et donne sens aux appels, aux inquiétudes et aux espoirs de notre humanité tourmentée à l’aube du IIIème millénaire.
Le Directeur de la Procure de Paris où je signais mes deux derniers-nés la semaine dernière, Foi et Cultures au tournant du nouveau millénaire (CLD) et Ce Pape est un don de Dieu (Plon – Mame), me soulignait le regain d’intérêt d’un vaste public pour les livres fondateurs et les ouvrages de réflexion fondamentale. Comment ne pas s’en réjouir ?
Monseigneur Jean-Baptiste Montini naguère, futur Paul VI, dont je fus le collaborateur à la Secrétairerie d’État, partageait avec enthousiasme sa passion pour les livres à la FUCI, la Fédération universitaire des catholiques italiens, dont il était l’Aumônier national :
« Les livres sont l’œuvre par excellence. Ils sont l’expression du génie, la fleur de la civilisation. Sans eux, on ne peut vivre. Avec eux, on va toujours bien. Objet d’étude, moyen d’évasion, compagnon de voyage, stimulant d’éveil, somnifère doux, dans des poches rebondies, dans une chambre encombrée, partout et toujours des livres tracent des routes célestes de rêves fantastiques, d’excursions laborieuses, de théories combatives, d’itinéraires interminables, d’excursions historiques, ils ouvrent des sentiers de recherches monographiques, d’obscures descentes dans les mines documentaires, des voies urbaines pour les échanges sociaux, juridiques, commerciaux, politiques… Des livres, encore des livres… rien que des livres : parce qu’ils sont des jalons sur la route de l’infini… Toute la promotion du livre repose sur ce concept : La pensée, c’est la vie. Aucun plus que nous, chrétiens, ne l’aimera. »
Chrétiens soucieux de suivre le Christ, nous ne pouvons pas ne pas être marqués par la relation étroite entre le Mystère du Verbe fait chair en Jésus-Christ – Logos sarx eghnesen -, et la parole consignée par écrit dans le Livre par excellence. C’est en effet d’abord par les Saintes Écritures que Dieu a voulu se révéler. « Pour la rédaction des livres saints, Dieu a choisi des hommes. Il les a employés en leur laissant l’usage de leurs facultés et de toutes leurs ressources », nous dit le Concile Vatican II dans sa constitution Dei Verbum (n. 11).
La Parole de Dieu constitue l’inculturation originaire de la foi au Dieu d’Abraham, Dieu de Jésus-Christ. A cet égard, la vocation d’Abraham est significative : « Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père » (Gn12, 1). L’irruption de Dieu par laquelle s’inaugure la vocation du « Père des croyants », se traduit par une rupture culturelle. La culture biblique tient de ce fait une place unique. Le don de la foi, qui rejoint le cœur des hommes immergés dans leur culture les arrache aux liens qui appesantissent l’âme et l’esprit et suscite une culture dont les deux constituantes fondamentales sont à un titre tout à fait nouveau la personne et l’amour.
Cet acte originel d’une révélation qui va au devant de l’homme, ouvre un champ dont la fécondité ne cesse depuis des millénaires de nourrir l’humanité. L’Immensité, l’ampleur, la richesse de la culture, des cultures qui en sont issues et ne cessent de s’en inspirer, emplissent nos bibliothèques et illuminent nos vies. « Dans le christianisme, le point de départ, c´est l´Incarnation du Verbe. Ici, ce n´est plus seulement l´homme qui cherche Dieu, mais c´est Dieu qui vient en personne parler de lui-même à l´homme et lui montrer la voie qui lui permettra de l´atteindre » (Tertio millenio adveniente, n. 6).
La foi a ce pouvoir de rejoindre le cœur de toute culture, pour la purifier, la féconder, l’enrichir et lui donner de se déployer à la mesure sans mesure de l’amour du Christ. En atteignant le cœur de la culture, elle atteint le cœur de l’homme qui est à la fois fils et père de la culture où il est immergé, et suscite en lui une réponse aussi large que l’étendue de son existence, aux couleurs de la richesse singulière et de la beauté propre de son héritage culturel. L’appel est unique : c’est celui de l’amour. Mais la réponse est multiple, car les manières de le dire sont infinies. La rencontre de la foi avec les différentes cultures crée aussi une culture originale dans les contextes les plus divers dont témoigne avec éclat cette première Biennale du livre religieux à Rome, focalisée tout naturellement sur l’édition religieuse en France et en Italie. A cet égard, l’édition joue un rôle essentiel, non seulement dans la vie de l’Église, mais aussi dans celle de la société, car elle témoigne de la vitalité de la foi et contribue à l’avènement d’un nouvel humanisme.
L’athéisme d’accoutumance dans l’horizon intram
ondain d’une culture immanentiste se trouve ainsi battu en brèche, comme en témoignent les livres que j’avais la joie de présenter la semaine dernière à la Télévision parisienne avec Franz-Olivier Giesbert, Sœur Marie Keyrouz et Régis Debray.
A travers le livre religieux, se proposent dans un dialogue créatif les convictions chrétiennes sur Dieu bien sûr, mais aussi sur l’homme et la femme, la famille et le travail, l’économie et la société, la politique et la vie internationale, la nature et l’environnement, à la mesure du talent des auteurs et du savoir-faire des éditeurs, pour la plus grande joie des lecteurs.
Avec gratitude pour votre présence, chers amis, je déclare ouverte la première Biennale du livre religieux.