CITE DU VATICAN, lundi 11 mars 2002 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral de la lettre que le président de la Conférence des évêques catholiques du Canada, Mgr Jacques Berthelet, a adressée le 7 mars dernier à Mme A. Anne McLellan, ministre de la santé, au sujet du Rapport final des Instituts de recherche en santé du Canada sur la recherche sur les cellules souches.
Sujet : Le Rapport final des Instituts de recherche en santé du Canada sur la Recherche sur les cellules souches<br>
Chère Madame McLellan,
Au nom de la Conférence des évêques catholiques du Canada (CECC), je voudrais vous exprimer ma profonde déception à l’égard du récent rapport des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) sur la Recherche sur les cellules souches qui permet l’allocation de fonds publics pour financer la recherche sur les embryons générés en trop lors de traitements de l’infertilité.
La CECC travaille en étroite collaboration avec l’Organisme catholique pour la vie et la famille (OCVF), constitué d’un groupe multidisciplinaire de laïques, spécialisés en science, en éthique, en théologie, en droit, en commerce et en éducation. L’OCVF a commenté le document de travail de l’IRSC en mai dernier, et tout comme eux, nous avons participé aux audiences publiques du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes concernant l’avant projet de loi régissant l’assistance à la procréation humaine.
Notre position concernant la recherche sur les cellules souches embryonnaires est la suivante : les embryons humains sont des êtres humains possédant leur dignité; ils doivent être respectés comme des sujets humains et non pas considérés comme des objets de recherche. Cette position, qui s’appuie à la fois sur la raison et la foi, est partagée par nombre d’opinions en provenance du monde scientifique et de l’éthique. Les promesses que comportent des thérapies à partir des cellules souches embryonnaires dans la guérison des maladies dégénératives, ne peuvent d’aucune façon supplanter le fait, qu’en cours de procédé, un embryon humain meurt.
L’objectif de cette lettre n’est pas de vous réitérer les nombreux arguments – démontrés par nous et d’autres intervenants auprès de différents auditoires – en défaveur de la recherche sur les cellules souches embryonnaires, mais bien de souligner certains des aspects troublants que soulèvent la parution à cette étape-ci de ce rapport, de même que la manière dont il a contourné la question du statut moral de l’embryon humain.
1) Le rôle du Parlement
Comme vous le savez, votre prédécesseur a demandé au Comité permanent de la Chambre des communes de revoir le projet de loi concernant l’assistance à la procréation humaine, et de consulter les Canadiennes et les Canadiens à ce sujet. Cette démarche a permis que soit entendu un large éventail de perspectives et que, dans le cadre d’un forum public, des Canadiennes et des Canadiens expriment leurs points de vue. Des membres du groupe de travail de l’IRSC ont également eu l’occasion de se présenter devant ce Comité.
Ne devrait-on pas permettre à cette démarche législative de suivre son cours afin que se produisent des débats énergiques entre les représentants élus qui doivent répondre de leurs positions devant les Canadiennes et les Canadiens? Le Rapport de l’IRSC donne l’impression que le processus législatif a été court-circuité et que les points de vue des Canadiennes et des Canadiens ordinaires ont été écartés.
2) Le statut moral de l’embryon humain
Dans son Rapport final, l’IRSC reconnaît qu’en réponse à son rapport provisoire, de nombreux participants au processus de consultation estiment que l’embryon jouit d’un plein statut moral et d’un droit inaliénable à la vie dès sa conception. Pourtant, aucun effort n’a été déployé pour discuter du statut moral de l’embryon, l’IRSC a préféré invoquer les principes tels que formulés dans l’Énoncé de politique des trois Conseils, il y a de cela quatre ans. Permettez-moi de vous dire que cette décision ne tient pas compte du fait que, depuis que les médias ont inondé d’information le grand public sur les thérapies utilisant les cellules souches embryonnaires, les Canadiennes et les Canadiens sont beaucoup plus conscients des véritables enjeux.
L’IRSC de même que le Comité permanent de la Chambre des communes, ont entendu les graves préoccupations éthiques, soulevées par les Canadiennes et des Canadiens à travers le pays, concernant la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Il est très évident qu’il n’existe aucun consensus en faveur de la recherche sur les cellules souches embryonnaires. De plus, une décision d’une telle portée morale, qui transforme l’éthique de notre société et qui engage les fonds publics, ne doit pas être prise par un organisme qui ne relève pas directement du peuple canadien. Le Parlement demeure la meilleure tribune pour discuter de ces questions. Celles-ci doivent d’abord être ouvertement et pleinement débattues par le peuple canadien et le statut de l’embryon humain doit faire l’objet d’une analyse exhaustive.
Nous vous demandons avec instance, à titre de Ministre de la Santé, d’imposer un moratoire sur toute recherche sur les cellules souches embryonnaires, en attendant la législation du Gouvernement du Canada. Nous vous remercions de bien vouloir tenir compte de nos points de vue ainsi que du souci, que vous et vos fonctionnaires, démontrez en essayant d’évaluer quelles seront les meilleures avenues à privilégier pour les Canadiennes et les Canadiens en regard de tous ces nouveaux développements comportant des risques et remplis des promesses.
+ Jacques Berthelet, C.S.V.
Évêque de Saint-Jean-Longueuil
Président de la Conférence des
évêques catholiques du Canada