Première publication le 7 octobre sur CathoBel
Par Vincent Delcorps
Mercredi 2 octobre : nous rencontrons l’archevêque alors que le pape est parti depuis trois jours. Joie, fatigue et morosité se mélangent quelque peu. Pour l’archevêque, le chemin ne fait que commencer. Il invite chacun à garder le cap de l’espérance.
Ses impressions générales
« J’ai vu beaucoup d’enthousiasme chez les croyants. Tous les jours, il y avait des croyants qui parlaient de leur foi, qui trouvaient cela beau. Évidemment, il y a eu aussi beaucoup de discussions, notamment au sujet de certaines déclarations du pape ou du processus de béatification du roi Baudouin. Je crois que c’est là un signe de la situation actuelle de l’Église. Nous devenons plus petits, plus humbles. Mais je constate aussi que les croyants sont habités de convictions profondes. Personnellement, je n’ai pas été surpris de constater que les places du stade soient parties si vite. Cela correspond à mon expérience : quand je visite les paroisses et les communautés, je vois bien que les catholiques sont prêts à témoigner de leur foi. Être ensemble, célébrer ensemble, c’est vraiment une bonne expérience. Maintenant, il est clair que le christianisme n’est aujourd’hui plus qu’une des convictions présentes dans la société. Cette visite a permis de bien l’illustrer. Et je crois que c’est là une situation normale pour l’Église. L’Église ne doit pas dominer. Ce fut même l’un des fils rouges de ce voyage : nous sommes invités à devenir une Église missionnaire. »
La façon dont il a vécu le séjour
« Étant membre de la suite pontificale, j’ai pu vivre ce voyage en étant proche du pape et de certain de ses collaborateurs. De cette façon, j’ai aussi tâché de faire le lien entre le pape, son entourage et l’Église de Belgique. Cela me paraît très important. Je n’ai pas passé chaque jour beaucoup de temps avec le pape, mais j’ai tout de même eu l’occasion de partager avec lui. J’ai pu lui présenter notre Église, notre pays, y compris ce qu’il y a de beau. Après la visite à Saint-Gilles, on a pu discuter de la place des associations engagées dans la lutte contre la pauvreté. Beaucoup, parmi elles, ont des racines catholiques. On a également eu des échanges assez profonds autour de nos expérience spirituelles. Je lui ai parlé de mon engagement dans la Fraternité Charles de Foucauld. Il m’a parlé des Petites Sœurs de Jésus à Rome, qu’il connaît bien. Un lieu qui vit cette proximité avec des milieux très divers – gens du voyages, personnes homosexuelles ou trans.
Ce voyage a aussi été exceptionnel en permettant une rencontre avec des réalités si diverses, aussi bien de l’Église que de la société. C’est assez unique en fait : il faut que le pape vienne pour permettre un tel rassemblement. »
Sur l’éventuelle béatification du roi Baudouin
« Ce fut une surprise. Nous accueillons ce grand désir du pape à béatifier le roi Baudouin. Je me souviens de l’avoir connu quand j’étais jeune. C’est une personne qui n’a pas seulement marqué les catholiques mais bien tous les Belges. Souvenons-nous de ces funérailles ! La béatification ne devrait pas être une manière d’isoler le roi Baudouin d’une partie des Belges. Il faudra toujours y être attentif. Par sa vie entière, il a montré qu’il était le roi de tous les Belges – et il le reste. »
Sur le communiqué de l’UCLouvain
« C’est une question à propos de laquelle le pouvoir organisateur, la rectrice et les autorités universitaires vont encore parler. Lancer un communiqué alors que le pape n’est pas encore parti : c’est sûr que beaucoup de gens ont été choqués par la méthode – et c’est aussi mon cas. Je comprends que le pape en ait été vraiment irrité. En ce qui concerne le fond, on peut évidemment ne pas être d’accord avec les propos du pape. Ce que j’espère, et que je proposerai, c’est que ce dialogue, notamment sur la place des femmes, puisse se poursuivre au sein de l’université, notamment au sein de la faculté de théologie. Il faut être conscient que ces questions sont aujourd’hui travaillées par nos théologiens. Évitons que le dialogue s’arrête. Allons plus loin. »
Sur l’avortement
« C’est à l’initiative du pape que ce sujet a été abordé pendant le voyage – sans doute aussi en raison de la figure du roi Baudouin. On sait que l’Église veut toujours se mettre du côté de la vie. Et en même temps, nous voulons aussi respecter les consciences. Grâce à cette intervention du pape, on discute à nouveau de cette question dans l’espace public. En soi, c’est une bonne chose. C’est une question grave, essentielle, qui touche à la vie de tout le monde, et d’abord des femmes. Personne, aucun groupe d’experts ou de politiciens, ne peut se l’approprier. Maintenant, nous ne serons crédibles sur cette question que si nous manifestons concrètement notre proximité, notamment avec les femmes confrontées à des questions difficiles. C’est de cette façon qu’on sera témoins de notre engagement pour la vie. On ne peut pas se contenter d’affirmer des principes. »
Sur les propos dans l’avion
« Le pape est parfois coutumier de ce langage assez familier et spontané, pas très nuancé. Je n’ai pas à juger les propos du Saint Père, mais je pense qu’il se montrerait plus nuancé face à une situation concrète ou face à une personne. Repensons à Amoris Laetitia : il ne veut pas promouvoir une morale rigide qui ne tiendrait pas compte des situations. Au contraire, il nous invite à déployer toute une attitude pastorale. Et puis, rappelons le contexte : dans l’avion, il se trouvait au terme d’un voyage très intense. On ne peut tirer de conclusions d’une phrase prononcée dans ce cadre. Pour le reste, sur le fond, je renvoie chacun à sa conscience. »
Ces passages sont tirés d’un grand entretien que nous a livré Mgr Luc Terlinden et qui sera publié en intégralité dans le hors-série « Le pape François en Belgique ».