Pape François et Norah O'Donnell © 60 Minutes

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De Poutine à Gaza, abus et Fiducia Supplicans

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Interview du pape dans l’émission CBS Evening News aux Etats-Unis

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La chaîne américaine CBS a diffusé une interview du pape François dans la soirée du lundi 20 mai. Dans cette nouvelle interview, la présentatrice et rédactrice en chef de CBS Evening News, Norah O’Donnell, interroge le pape sur divers sujets d’actualité. 

Nous vous proposons une transcription de l’interview :

Question : À l’occasion de la Journée mondiale de l’enfance, l’ONU annonce que plus d’un million de personnes, dont de nombreux enfants, seront confrontés à la famine à Gaza

Le pape François : Pas seulement à Gaza. Pensez à l’Ukraine. De nombreux enfants ukrainiens viennent ici. Vous savez quoi ? Que ces enfants ne savent pas sourire ? Je vais leur dire quelque chose (mime un sourire) … ils ont oublié comment sourire. Et c’est très douloureux.

Avez-vous un message à adresser à Vladimir Poutine à propos de l’Ukraine ?

Pape François : S’il vous plaît, pays en guerre, tous, arrêtez. Arrêtez la guerre. Vous devez trouver un moyen de négocier la paix. Efforcez-vous d’obtenir la paix. Une paix négociée est toujours préférable à une guerre sans fin.

Ce qui se passe en Israël et à Gaza a provoqué tant de divisions et de souffrances dans le monde entier. Je ne sais pas si vous avez vu aux États-Unis les grandes manifestations sur les campus universitaires et la montée de l’antisémitisme. Que diriez-vous sur la façon de changer cela ?

Pape François : Toute idéologie est mauvaise, et l’antisémitisme est une idéologie, et elle est mauvaise. Tout « anti » est toujours mauvais. On peut critiquer un gouvernement ou un autre, le gouvernement d’Israël, le gouvernement palestinien. On peut critiquer tout ce que l’on veut, mais on ne pas être « anti » un peuple. Ni anti-palestinien, ni antisémite. Non.

Je sais que vous appelez à la paix. Vous avez appelé à un cessez-le-feu dans plusieurs de vos sermons. Pouvez-vous aider à négocier la paix ?

Pape François : (soupir) Ce que je peux faire, c’est prier. Je prie beaucoup pour la paix. Et aussi pour suggérer : « S’il vous plaît, arrêtez. Négociez. »

Mes grands-parents étaient catholiques. Ils ont émigré d’Irlande du Nord dans les années 1930 vers les États-Unis, à la recherche d’une vie meilleure. Je sais que votre famille a également fui le fascisme. Et vous avez dit au sujet des migrants, dont beaucoup sont des enfants, que vous encouragez les gouvernements à construire des ponts, pas des murs.

Pape François : L’immigration est quelque chose qui fait grandir un pays. On dit que vous, les Irlandais, avez émigré et apporté le whisky, et que les Italiens ont émigré et apporté la mafia… (rires) C’est une blague. Ne le prenez pas mal. Mais les migrants souffrent parfois beaucoup. Ils souffrent beaucoup.

J’ai grandi au Texas, et je ne sais pas si vous en avez entendu parler, mais l’État du Texas tente de fermer une organisation caritative catholique située à la frontière avec le Mexique, qui offre une assistance humanitaire aux sans-papiers. Qu’en pensez-vous ?

Pape François : C’est de la folie. C’est de la pure folie. Fermer la frontière et les laisser là, c’est de la folie. Le migrant doit être accueilli. Par la suite, vous verrez comment le gérer. Il faut peut-être le renvoyer, je ne sais pas, mais chaque cas doit être considéré avec humanité, n’est-ce pas ?

Votre premier voyage en tant que pape a été l’île de Lampedusa, où vous avez parlé de la souffrance. Et j’ai été très frappée lorsque vous avez parlé de la mondialisation de l’indifférence. Que se passe-t-il ?

Le pape François : Voulez-vous que je le dise clairement ? Les gens se lavent les mains ! Il y a tant de Ponce Pilate en liberté… qui voient ce qui se passe, les guerres, les injustices, les crimes… « C’est bon, c’est bon » et qui se lavent les mains. C’est l’indifférence. C’est ce qui arrive lorsque le cœur s’endurcit… et devient indifférent. S’il vous plaît, nous devons faire en sorte que nos cœurs écoutent à nouveau. Nous ne pouvons pas rester indifférents face à ces drames humains. La mondialisation de l’indifférence est une maladie très vilaine. Très vilaine.

Vous avez fait plus que quiconque pour tenter de réformer l’Église catholique et vous repentir des années d’abus sexuels innommables commis par des membres du clergé à l’encontre d’enfants. Mais l’Église en at-elle fait assez ?

Pape François : Elle doit continuer à faire plus. Malheureusement, la tragédie des abus est énorme. Et contre cela, une conscience droite et non seulement la volonté de ne pas le permettre mais de mettre en place les conditions pour que cela ne se produise pas.

Vous avez parlé de tolérance zéro.

Le pape François : On ne peut pas le tolérer. Lorsqu’un religieux ou une religieuse commet un abus, toute la force de la loi s’abat sur lui ou sur elle. Dans ce domaine, il y a eu beaucoup de progrès.

L’année dernière, vous avez décidé d’autoriser les prêtres catholiques à bénir les couples de même sexe. C’est un grand changement. Pourquoi ?

Pape François : Non, ce que j’ai permis, c’est de ne pas bénir l’union. Ce n’est pas possible parce que ce n’est pas le sacrement. Je ne peux pas. Le Seigneur l’a fait ainsi. Mais bénir chaque personne, oui. La bénédiction est pour tous. Pour tous. 

Bénir une union de type homosexuel, c’est aller contre le droit naturel, contre la loi de l’Église. Mais bénir chaque personne, pourquoi pas ? La bénédiction est pour tous. Certains en ont été scandalisés. Mais pourquoi ? Tous ! Tous !

Vous avez dit : « Qui suis-je pour juger ? » « L’homosexualité n’est pas un crime ».

Pape François : Non. C’est un fait humain.

Il y a des évêques conservateurs aux États-Unis qui s’opposent à vos nouveaux efforts pour revisiter les enseignements et les traditions. Comment répondez-vous à leurs critiques ?

Pape François : Vous avez utilisé un adjectif, « conservateur ». C’est-à-dire que le conservateur est celui qui s’accroche à quelque chose et ne veut pas voir au-delà. C’est une attitude suicidaire. Car c’est une chose de tenir compte de la tradition, de considérer les situations du passé, c’en est une autre de s’enfermer dans une boîte dogmatique.

Je connais des femmes qui ont survécu à un cancer, qui ne peuvent pas avoir d’enfants et qui se tournent vers les mères porteuses. Cela va à la rencontre de la doctrine de l’Église.

Pape François : En ce qui concerne la gestation pour autrui, au sens strict du terme, non, elle n’est pas autorisée. Parfois, la maternité de substitution est devenue un commerce, et c’est très mauvais. C’est très mauvais.

Mais parfois, pour certaines femmes, c’est le seul espoir.

Le pape François : C’est possible. L’autre espoir, c’est l’adoption. Je dirais que dans chaque cas, la situation doit être soigneusement et clairement examinée, en consultant la médecine et aussi la morale. Je pense qu’il y a une règle générale dans ces cas, mais il faut aller dans chaque cas en particulier pour évaluer la situation, tant que le principe moral n’est pas contourné. Mais vous avez raison. Je voudrais vous dire que j’ai beaucoup aimé votre expression lorsque vous m’avez dit : « Dans certains cas, c’est la seule chance ». Cela montre que vous ressentez ces choses très profondément. Je vous remercie. (Sourires)

Je pense que c’est la raison pour laquelle tant de personnes ont trouvé de l’espoir en vous, parce que vous avez été plus ouvert et plus tolérant peut-être que d’autres dirigeants précédents de l’Église.

Le pape François : Il faut être ouvert à tout. L’Église est ainsi faite : Tout le monde, tout le monde, tout le monde. « Untel est un pêcheur… ? » Moi aussi, je suis un pêcheur. Tout le monde ! L’Évangile est pour tout le monde. Si l’Église met une douane à la porte, elle cesse d’être l’Église du Christ. Tout le monde.

Quand vous regardez le monde, qu’est-ce qui vous donne de l’espoir ?

Pape François : Tout. Vous voyez des tragédies, mais vous voyez aussi tant de belles choses. Vous voyez des mères héroïques, des hommes héroïques, des hommes qui ont des espoirs et des rêves, des femmes qui regardent l’avenir. Cela me donne beaucoup d’espoir. Les gens veulent vivre. Les gens vont de l’avant. Et les gens sont fondamentalement bons. Nous sommes tous fondamentalement bons. Oui, il y a des voyous et des pécheurs, mais le cœur lui-même est bon.

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