Le cardinal Mario Grech, secrétaire général du Synode © wikipedia

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Nous devons « dialoguer » avec l’Esprit Saint

Homélie du cardinal Grech lors de la messe votive du Saint-Esprit

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Au lendemain de la Journée mondiale des missions et à quelques jours de la fin de la deuxième session de l’Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques avec pour thème « Comment être une Église synodale en mission ? », nous publions l’homélie prononcé ce lundi 21 octobre par S. Em. Mario Grech, secrétaire général du Synode, lors la messe votive du Saint-Esprit. Le cardinal Grech y développe une réflexion sur l’évangile du jour dans saint Matthieu, la parabole du festin nuptial.

 

Chers frères et sœurs,

Nous sommes arrivés à la dernière ligne droite sur le chemin des travaux de notre Assemblée synodale, qui recueille les fruits d’un long chemin commencé en octobre 2021. Maintenant, le passage de l’Évangile nous montre la voie pour « récolter », tandis que Jésus nous invite à nous méfier de toute convoitise, et cela peut concerner non seulement les biens matériels, mais aussi le bien et la beauté que Jésus nous confie dans ce Synode.

La parabole de Jésus est inspirée par une question qui lui a été posée. Un homme lui demande d’être le juge – c’est la fonction que les rabbins de l’époque de Jésus pouvaient avoir – entre lui et son frère pour « répartir » l’héritage. Mais Jésus ne répond pas positivement à la question de son interlocuteur. Cela peut nous paraître étrange. N’est-il pas juste de partager l’héritage entre frères ? N’est-il pas juste que chacun prenne sa part et s’en aille de son côté ? Bien sûr, pour nous, c’est normal – c’est ce que nous sommes tentés de faire – mais pas pour Jésus. Pour lui, l’idéal n’est pas que l’héritage soit divisé, mais qu’il soit gardé intact, avec une gestion partagée. Jésus refuse de diviser, mais il nous invite à rechercher la communion, car il identifie l’avidité et la recherche de la possession comme la racine de la division. Jésus rejette toute logique de parti et de division dans la recherche de la communion entre frères. C’est pourquoi il raconte ensuite la parabole, afin que chacun puisse voir la « déraison » qui se cache derrière le désir d’amasser des biens dans des greniers. La parabole nous montre comment nous préparer en ces jours à recueillir les fruits de notre parcours synodal et de notre assemblée, sans nous diviser, mais en recherchant la communion.

Suivons la parabole. « La terre d’un homme riche lui avait donné une récolte abondante ». La parabole commence par un fait positif : il y a une récolte abondante dont il faut se réjouir. Nous aussi pouvons dire que, au cours de ces trois années et des deux sessions de l’Assemblée synodale, nous avons pu découvrir des « fruits abondants ». Nous nous sommes réjouis des signes de vitalité dans chaque phase du parcours synodal, à commencer par l’écoute qui a particulièrement caractérisé la première phase et impliqué toutes nos communautés. Notre parcours a été riche en fruits : il nous a aidés à voir les dons qui fleurissent dans le peuple de Dieu aujourd’hui, sans cacher nos fragilités et nos blessures. Mais en tant que disciples du Seigneur ressuscité, nous avons pu reconnaître que c’est précisément dans notre faiblesse que se manifeste la force de Dieu (cf. 2 Co 12,9).

Devant cette abondante récolte, le maître du champ se demande : « Que ferai-je ? car je n’ai pas de place où rassembler mes récoltes » Le maître se demande comment gérer les fruits de ses champs, et il se rend compte qu’il n’a pas d’entrepôts adaptés et suffisamment grands. Il est confronté à une situation nouvelle : il découvre qu’il a des richesses qu’il ne pouvait pas prévoir et il lui semble qu’il n’a pas les moyens de les accumuler et de les stocker en toute sécurité. Devant l’abondance des fruits du cheminement synodal, nous pouvons nous aussi nous poser la même question : que faire maintenant ? Que faire des fruits abondants que nous avons recueillis au cours de ces années ? Peut-être que nous aussi, comme l’homme de la parabole, nous nous rendons compte que nous n’avons pas les moyens de conserver les dons que nous avons découverts. Ou bien, comme l’homme de la parabole, nous y voyons la réalisation d’un but : il n’y a plus rien à faire, il ne nous reste plus qu’à jouir des fruits reçus.

En fait, il pense en lui-même : « Voici ce que je ferai : j’abattrai mes greniers, j’en bâtirai de plus grands et j’y rassemblerai tout mon blé et mes biens ». C’est la solution de quelqu’un qui se sent comblé. Sa solution : construire des entrepôts plus grands. Non seulement il utilise une solution ancienne et connue, même si elle est légèrement modifiée – il avait de petits entrepôts, il en construit de plus grands – mais il raisonne selon la logique de quelqu’un qui se sent satisfait. Il suffit de construire un plus grand entrepôt. C’est quelqu’un qui veut vivre de ses revenus. Il ne pense pas que peut-être, pour utiliser les biens dont il dispose, il faut continuer à travailler, à explorer de nouvelles solutions, à voir comment le terrain se développe. Pour l’homme de la parabole, le fruit récolté est le point final. Il a partiellement raison, mais pas totalement. Ces biens sont aussi le point de départ. L’homme meurt lorsqu’il a le sentiment d’être arrivé et de s’être accompli.

Il se dit : « Voilà, tu as beaucoup de biens en réserve pour plusieurs années ; repose-toi, mange, bois, réjouis-toi ! » Il ne pense pas à investir, à élargir son horizon, à faire fructifier ses biens, mais simplement à vivre de ses revenus. Il se réjouit de sa plénitude ! Nous aussi, nous risquons de faire comme cet homme – thésaurisant ce que nous avons récolté, les dons de Dieu que nous avons découverts, sans les réinvestir, sans les vivre comme des dons reçus que nous devons maintenant rendre à l’Église et au monde – et d’avoir le sentiment d’être arrivés !

Nous aussi, nous pourrions nous contenter, sans chercher de nouvelles voies pour que notre récolte se multiplie encore ; nous aussi, nous pourrions risquer de rester enfermés dans nos limites connues, sans continuer à élargir l’espace de notre tente, comme nous y invite le prophète Isaïe : « Élargis l’espace de ta tente, déploie sans hésiter la toile de ta demeure, allonge tes cordages, renforce tes piquets ! » (Is 54,2). Nous aussi, nous pouvons courir le risque de vivre de nos rentes. Mais la compréhension des vérités et les choix pastoraux se poursuivent, se consolident avec les années, se développent avec le temps, s’approfondissent avec l’âge.

Alors, comment éviter de tomber dans l’erreur de l’homme de la parabole, afin de ne pas chercher à vivre de rentes ? Chers frères et sœurs, pour ce faire, il y a une chose à éviter et un chemin à prendre. Tout d’abord, il faut écouter les paroles de Jésus : « Voyez ! Gardez-vous de toute avidité ! car la vie de quelqu’un, même dans l’abondance, ne dépend pas de ses biens ». Alors que nous clôturons les travaux de notre Assemblée et que nous regardons vers l’avenir, nous devons nous garder de l’avidité, du désir de tout garder pour nous, de posséder, de thésauriser, de définir, de clôturer. Nous devons vaincre la tentation de croire que les fruits que nous avons recueillis sont notre œuvre et notre propriété : nous devons tout recevoir comme un don de Dieu.

Et quel est le chemin à suivre ? Nous célébrons en ce moment la Messe votive de l’Esprit Saint. Le chemin à suivre est celui de l’Esprit de Dieu. Car seul l’Esprit Saint peut nous permettre de rester ouverts à la nouveauté de Dieu. Le Saint-Père nous l’a déjà rappelé au début du parcours synodal : « le Synode n’est pas un parlement, […] le Synode n’est pas une enquête d’opinions ; le Synode est un moment ecclésial, et le protagoniste du Synode est l’Esprit-Saint. S’il n’y a pas d’Esprit, il n’y aura pas de Synode » (Discours, 9 octobre 2021).

L’homme de la parabole n’écoute que lui-même, ne parle qu’à lui-même. Nous, en revanche, individuellement et en communauté, comme dans une Pentecôte continue, nous devons « dialoguer » avec l’Esprit Saint, nous laisser éclairer par lui, en attendant ce « débordement » qui est le signe de son intervention. Si nous n’écoutons que nous-mêmes, si nous nous replions sur nous-mêmes, nous vivrons de rentes, sans espoir. Peu à peu, ce que nous avons recueilli commencera à disparaître, sans être remplacé par les nouveautés que le Seigneur continuera à nous envoyer. Si, au contraire, nous écoutons la voix de l’Esprit, nous pourrons trouver de nouvelles voies et comme « Pèlerins de l’espérance, continuons à avancer sur le chemin synodal vers ceux qui attendent encore l’annonce de la Bonne Nouvelle du salut ! » (IL 112). Si nous écoutons la voix de l’Esprit, la conclusion de cette Assemblée synodale ne sera pas la fin de quelque chose, mais un nouveau commencement, afin que « la Parole de Dieu se répande et soit glorifiée » (2 Th 3,1).

Chers frères et sœurs, avec Marie, à qui nous avons confié les travaux de notre Assemblée dès le début, si nous savons écouter la voix de l’Esprit Saint et vivre dans la liberté de l’Esprit, nous pourrons chanter au Seigneur l’hymne de louange que le prophète Isaïe nous indique : « Voici notre Dieu, en lui nous espérions, et il nous a sauvés ; c’est lui le Seigneur, en lui nous espérions ; exultons, réjouissons-nous : il nous a sauvés ! » (Is 25,9 ; IL 112).

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Rédaction

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