Ayant plus de 20 ans d’épiscopat, Mgr Thierry Brac de la Perrière a d’abord été évêque auxiliaire à Lyon de 2003 à 2011, puis évêque de Nevers de 2011 à 2023.
Il y a deux ans, il a lui-même pris la décision de remettre au pape sa charge d’évêque de Nevers et de se mettre à la disposition du diocèse de Lyon, dont il est originaire. Ayant gardé « intact le désir d’annoncer l’Évangile du Christ », il a souhaité continuer à servir l’Église, mais d’une autre manière.
Aujourd’hui curé à Villeurbanne, près de Lyon, Mgr Brac de la Perrière ouvre son cœur avec humilité sur son parcours singulier. Il parle de sa vie d’évêque, de sa mission actuelle en paroisse et au service de la Conférence épiscopale française, et témoigne de l’espérance qui l’anime.
Zenit : Quelle est votre mission pastorale depuis votre retour à Lyon en 2023 ?
Mgr Thierry Brac de la Perrière : En demandant à revenir à Lyon, qui est ma terre d’origine, je n’avais pas d’intention spécifique. J’avais simplement le besoin d’être disponible pour la mission et le désir de retrouver autrement mon diocèse où j’avais eu des responsabilités, notamment comme vicaire général et évêque auxiliaire du cardinal Philippe Barbarin.

Installation de Mgr Brac de la Perrière à Nevers, le 23 octobre 2011 © eglise.catholique.fr
J’ai demandé à l’archevêque de Lyon, Mgr Olivier de Germay, de me mettre là où il y avait des besoins pastoraux. Il m’a alors proposé de revenir en paroisse, où les prêtres manquent, et de me nommer curé. J’ai dit oui naturellement, parce que ma vocation initiale est d’être un pasteur. J’ai d’ailleurs été longtemps prêtre et curé de paroisse avant de devenir évêque.
Depuis deux ans, je suis donc curé à Villeurbanne. Les paroissiens connaissent mon parcours d’évêque auxiliaire et d’évêque de Nevers, mais je n’en fais jamais état. Je mets entre parenthèses la dimension épiscopale, sauf lors des confirmations quand l’archevêque me demande de le représenter. Je ne sais pas ce qu’il en sera dans les années prochaines, mais mon terrain pastoral aujourd’hui, c’est la paroisse. Mais il est vrai que c’est un peu inconfortable d’être à la fois curé et évêque quand on n’a pas de responsabilité diocésaine.
Je retrouve à Lyon un diocèse que j’ai adopté de nouveau, et qui a beaucoup changé après douze ans : certains prêtres sont partis ou sont morts, d’autres sont arrivés. L’archevêque a changé et la gouvernance a aussi évolué. Et je me trouve à une place inédite. Avant d’être évêque, j’étais un membre du presbyterium comme les autres ; aujourd’hui, je suis de nouveau un membre du presbyterium, mais pas tout à fait comme les autres ! C’est un retour aux sources dans mon Église-Mère, mais avec un déplacement.
Zenit : Que retenez-vous de vos années d’épiscopat à Nevers ?
Mgr T. Brac de la Perrière : Pendant onze ans, j’ai essayé d’entrer au mieux dans ma vie d’évêque du diocèse de Nevers, qui est un diocèse rural. J’ai aussi essayé de faire le mieux possible mon travail pastoral, en sachant que ma vocation d’évêque n’était pas spontanée, si on peut dire, et que je suis un vrai citadin.
Le diocèse de Nevers est très attachant. J’ai vécu de belles expériences, j’ai beaucoup appris. J’ai été très heureux des visites pastorales et de toutes ces rencontres sur le terrain. Mais j’ai trouvé que le gouvernement d’un petit diocèse comme celui-ci est dur, qu’il est difficile de trouver la bonne distance parce que tout le monde a accès directement à l’évêque. La Nièvre est également un milieu assez difficile sur le plan de la relation avec l’Église : on pourrait même dire qu’elle est anticléricale.

Confirmations de collégiens, novembre 2014 © Diocèse de Nevers
Cela a été également une aventure pour avancer avec un presbyterium toujours en mutation. De reste, j’ai eu à transformer les paroisses, à faire de nouveaux territoires, à réorganiser le diocèse. J’ai beaucoup apprécié la relation avec les prêtres et les liens établis. Un travail qui m’a obligé à être proche d’eux et attentif à la manière dont ils vivaient ces changements. Et puis, j’ai pu aussi accueillir et accompagner des séminaristes pendant leur formation, même si je n’ai pas eu la joie de les ordonner !
J’ai également pu avoir une meilleure connaissance de sainte Bernadette Soubirous et approfondir la deuxième partie de sa vie à Nevers, où elle a accompli sa vocation comme sœur de la charité. J’ai été touché de découvrir qu’elle est passée de celle qui a vu la Vierge Marie à Lourdes, à celle qui a rencontré Jésus à Nevers. La Vierge a vraiment conduit Bernadette à Jésus. Pendant deux années de suite, nous avons d’ailleurs monté un spectacle vivant autour de sainte Bernadette à l’occasion des 150 ans de son arrivée à Nevers.
Zenit : Mais pourquoi avoir demandé à revenir à Lyon ?
Mgr T. Brac de la Perrière : Les dernières années à Nevers ont été difficiles, et il y a eu des choses que je n’ai pas forcément su bien gérer. L’affaire Bernard Preynat, sur les abus sexuels à Lyon, m’a rejoint alors que j’étais là-bas. Cela m’a beaucoup affecté. Le procès a été très dur. Même si cela s’est calmé avec le temps et que cela ne me poursuit plus aujourd’hui, il y a eu des dégâts et des sacrifices qui ont été faits. La Conférence des évêques de France a ensuite fait un énorme travail pour tenter que cela ne se reproduise plus.
Mais personnellement, j’en reste blessé, marqué. Et il a donc fallu que je fasse un chemin pour me remettre debout. À un moment donné, je n’avais plus le jus pour poursuivre cette mission, j’ai donc pris six mois sabbatiques. Et après avoir fait un gros travail intérieur, j’ai demandé à retourner à Lyon.
Zenit : Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans votre vie pastorale aujourd’hui ?
Mgr T. Brac de la Perrière : C’est la rencontre des personnes. J’ai la joie aujourd’hui d’accompagner des catéchumènes parce qu’ils sont de plus en plus nombreux à frapper à la porte de l’Église. C’est une joie de les aider à avancer dans la foi. C’est aussi un défi de faire en sorte que l’Église s’équipe pour pouvoir aider les personnes à continuer leur chemin.

Évêque de Nevers, en 2019 © youtube.com/@ktotv
Ce que j’aime aussi, c’est transmettre la foi, enseigner, la rendre accessible. Et surtout que ce ne soit pas simplement un enseignement dogmatique, mais que cela puisse pleinement nourrir la vie et le cœur des personnes.
Au niveau des mes engagements au service de la Conférence épiscopale française, je fais partie d’un grand ensemble qu’on appelle le pôle « Dialogue bien commun et amitié sociale ». Dans ce grand pôle, il y a un pôle santé et un pôle handicap, et je m’occupe personnellement des questions du handicap. Nous avons commencé à travailler sur des documents qui vont bientôt être publiés. L’un portera sur le mariage des personnes handicapées, et l’autre sur le catéchuménat des personnes handicapées. Enfin, je participe bien sûr toujours aux assemblées plénières des évêques à Lourdes.
Zenit : Pouvez-vous nous rappeler quelle est votre devise épiscopale, Monseigneur ?
Mgr T. Brac de la Perrière : Ma devise est « Dans la joie de l’espérance », tirée d’une lettre de saint Paul.
Zenit : En fin de compte, quelle est votre espérance dans ce qu’il vous est donné de vivre aujourd’hui ?
Mgr T. Brac de la Perrière : Justement, mon espérance, elle est en Jésus ! Jésus qui nous dit : « Je suis doux et humble de cœur », et « Venez à moi, vous qui peinez sous le poids du fardeau, et je vous procurerai le repos ». Je me dis aujourd’hui que si je ne me repose pas réellement sur Jésus, et que je ne m’appuie que sur moi-même – ce que j’ai trop fait déjà – je suis perdu ! Donc, mon défi aujourd’hui est de vraiment appuyer mon ministère et toute ma vie sur le Christ.
