« Convertissez-vous pour ne pas finir en enfer. Je vous le demande à genoux, convertissez-vous ! Changez de vie, arrêtez de faire le mal ! » déclare le pape François aux criminels de toutes les mafias.
Le pape a en effet présidé, ce vendredi 21 mars, à 17 h 30 une veillée de prière en l’église San Gregorio VII, aux portes du Vatican, en mémoire des 842 victimes innocentes de la criminalité organisée – avocats, magistrats, maires, hommes d’escorte, commerçants, simples citoyens - , dont 80 enfants « qui ont perdu la vie pour notre liberté, pour notre démocratie ». Leurs prénoms et leurs noms ont été prononcés à haute voix, pendant 40 minutes. On estime que 15 000 personnes sont touchées par cette violence, quelque 900 d’entre elles étaient présentes à la veillée.
Le président du Sénat italien, Pietro Grasso, longtemps procureur national antimafia, a participé à la célébration. C’est la première fois qu’un pape rencontre les familles des victimes de la mafia qui se sont opposés aux abus et à la violence.
Il a accueilli le pape François – arrivé sur la Ford Focus habituelle - aux côtés du curé, le Père Paolo, de la présidente de la Commission antimafia, Rosy Bindi, et du maire de Rome, Ignazio Marino, de l'évêque de Latina, Mgr Mariano Crociata. Le pape a salué les familles à son arrivée.
Le pape a ensuite écouté don Ciotti, et une porte-parole des familles, puis les 842 noms lus par différents voix et par Giancarlo Caselli, ancien procureur anti-mafia de Turin, pour les victimes les plus récentes. Puis l'Evangile des Béatitudes lu par le curé, un Franciscain.
Le message du pape, sur son ton à lui, différent de la sainte colère de Jean-Paul II, mais très grave et très prenant, est un appel radical à la conversion adressé aux hommes et aux femmes artisans de la criminalité organisée: « S’il vous plaît, changez de vie, arrêtez de faire le mal ! »
Dans le ciel de Sicile, il y a un peu plus de vingt ans, Jean-Paul II avait tonné, disant que le « jugement de Dieu » était sur les mafieux.
Le pape François n’a pas mâché ses mots, avec ce ton grave qui pèse chacun des mots et qui dit le danger de la peine encourue : « Convertissez-vous, il est encore temps pour ne pas finir en enfer : c’est ce qui vous attends si vous continuez sur cette route. »
Profondément ému, le pape a continué : « Je vous le demande à genoux, c’est pour votre bien. Cette route que vous vivez maintenant ne vous donnera pas le plaisir, elle ne vous donnera pas la joie, elle ne vous donnera pas le bonheur ».
« Vous avez eu un papa et une maman. Pensez à eux. Pleurez un peu et convertissez-vous », a ajouté le pape avant d'inviter l'assemblée à prier avec lui la Vierge Marie.
Le pouvoir, l’argent que vous avez maintenant grâce à tant d’affaires sales, de tant de crimes mafieux est un argent ensanglanté, c’est un pouvoir ensanglanté et vous ne pourrez pas l’emporter dans l’autre vie ».
Il a cité l'enfant assassiné à Tarante dont il avait parlé à l'angélus, invitant à la conversion des criminels, le 26 janvier dernier, place Saint-Pierre.
Le pape a aussi affirmé son « espérance que le sens de la responsabilité l’emporte peu à peu sur la corruption dans toutes les régions du monde » : « Et cela doit partir des consciences et à partir de là assainir les comportements, les relations, les choix, le tissu social de façon à ce que la justice (...) remplace l’iniquité ».
Il a exprimé sa solidarité avec tous ceux qui ont perdu une “personne chère” des mains de la mafia et il a remercié les familles de leur « témoignage » : « Parce que vous ne vous êtes pas enfermés, mais vous vous êtes ouverts, vous êtes sortis pour raconter votre histoire de douleur et d’espérance : c’est tellement important, spécialement pour les jeunes ! »
La veillée a été introduite par don Luigi Ciotti fondateur de l’association internationale Libera, qui a eu cette initiative, à la veille de la XIXe Journée de la mémoire et de l’engagement des victimes innocentes des mafias. Il a souligné la présence à cette veillée de familles de victimes innoncentes des mafias d'Amérique latine.
Pour don Ciotti, l’Eglise n’a pas toujours évalué avec attention le phénomène de la criminalité organisée, mais il y eu un tournant avec le « le cri prophétique » du pape Jean-Paul II dans la Vallée des Temples, à Agrigente (Sicile), le 9 mai 1993, et l’intervention du pape Benoît XVI à Palerme (Sicile), le 3 octobre 2010, invitant à ne pas suivre la voie de la Mafia, une « route de la mort incompatible avec l’Evangile ».
Il a cité le bienheureux don Pino Puglisi (et ses frères, présents), don Giuseppe Diana (et ses frères présents), et d'autres prêtres qui ont osé élevé la voix contre la mafia. Il a appelé à un sursaut social et politique, et à l'augmentation des "confiscations" pour restituer des patrimoines et les restituer à la collectivité. A ne pas laisser seuls ceux qui ont le courage de se rebeller. Il a espéré en un "printemps de justice et de pardon".
Le P. Ciotti a mis sur les épaules du appe François l'étole de don Diana pour la bénédiction finale, donnée par le pape après la prière du Notre Père.
Stefania Grasso, fille de Vincenzo Grasso, un commerçant tué à Locres, en Calabre, en 1989, avait pris la parole, au nom des familles des victimes, exprimant « l’espérance de ceux qui sont certains que les choses peuvent changer » et elle a remercié le pape François d’avoir en quelque sorte marqué par sa présence ce « commencement » nouveau.
Les « mafias » représentent en Italie les criminels de Cosa Nostra (Sicile), de la Camorra (Naples, Caserte), de la ‘Ndranghetta (Calabre), la Sacra corona Unita (Pouilles)… sans compter les mafias étrangères opérant sur le territoire.