Évêque de Chartres depuis sept ans, Mgr Philippe Christory se décrit lui-même comme un évêque heureux. Heureux de répondre à son appel au service de ce grand diocèse rural, heureux de sa relation avec les prêtres et les laïcs qui lui sont confiés, et enfin heureux de tous les projets missionnaires « qui donnent du bonheur aux gens ».
À 67 ans, Mgr Christory a été façonné par un long ministère paroissial avant de devenir évêque. Il a été vicaire de paroisse à Paris, curé à plusieurs reprises et responsable d’une maison accueillant des séminaristes. Au sein de la Conférence des évêques de France, il est actuellement impliqué dans le pôle « Initiation à la vie chrétienne », avec une mission particulière auprès des adolescents.
Zenit : Vous avez longtemps été en paroisse avant de devenir évêque. Quels souvenirs gardez-vous de cette période, et comment s’est déroulée votre arrivée à Chartres, que vous avez faite à pied ?
Mgr Philippe Christory : J’ai 33 ans de sacerdoce et 7 ans d’épiscopat. J’ai été quatre fois curé et je crois que cela correspondait bien à mon charisme. J’y ai vécu beaucoup de joies. La joie de voir grandir une famille paroissiale, de voir des gens s’associer pour monter des projets et les mener à terme avec beaucoup de talent et de fraternité.

« Un grand territoire rural, avec une cathédrale belle et très connue »© diocesechartres.fr
Joie aussi d’accueillir des personnes en marge de la société, ainsi que des personnes nouvelles ou loin de l’Église. J’ai baptisé beaucoup de catéchumènes, et j’ai eu la joie de célébrer la messe avec de belles chorales, proposant des chants magnifiques et également une grande ferveur eucharistique.
Avant mon ordination épiscopale, j’ai en effet quitté ma paroisse parisienne de la Sainte Trinité, dans le 9e arrondissement, pour faire 105 kilomètres à pied jusqu’à Chartres. J’ai été accompagné par quelques personnes pour quatre de mes étapes. Et lors de la cinquième étape, dans le diocèse de Chartres, nous étions 80 !
J’ai beaucoup apprécié cette expérience : prendre du temps pour quitter Paris et aborder un nouveau diocèse, appréhender une réelle distance géographique et découvrir une nature que je n’aurais pas perçue en prenant le train. Fruit de cela, beaucoup de personnes ont été touchées, et les médias locaux ont répercuté ces quelques jours avec un grand intérêt.
Zenit : Quel est le paysage de votre diocèse, et quelles sont vos priorités pastorales actuelles ?
Mgr Ph. Christory : C’est un grand territoire excessivement rural, avec la particularité d’avoir une cathédrale belle et très connue, mais qui masquerait presque un peu la réalité assez pauvre d’une Église dispersée en petits villages, et assez peu pratiquante.

Consacré évêque le 15 avril 2018 © facebook.com/chartresdiocese/ Robert Kluba
Nous avons 23 paroisses, 45 prêtres en activité et quelques retraités qui aident volontiers. Nos prêtres sont plutôt jeunes, ce qui est une richesse. Nous avons une trentaine de diacres permanents et environ 80 laïcs salariés. J’ai des belles équipes ! C’est une joie d’avoir tant de prêtres et tant de laïcs pour la mission. Et puis, nous avons un catéchuménat qui explose positivement : il a augmenté de 50 % en un an !
Nos projets missionnaires sont différents suivant les lieux : des parcours Alpha, une école des témoins, des écoles de prière pour les jeunes. Les enfants et les jeunes me tiennent à cœur. Je vais beaucoup dans les écoles, collèges ou lycées pour leur parler. J’encourage autant que possible nos responsables d’établissements à parler de Dieu. Avec eux, nous avons fait un magnifique pèlerinage à Rome pour le Jubilé de l’espérance, vraiment joyeux et spirituel.
Autre sujet qui me tient à cœur, les couples. Depuis 4 ans, nous avons lancé un projet de couples missionnaires en renouvelant la pastorale familiale : nous l’avons appelée « Mission couple et famille ». Nous leur proposons des week-ends, en les invitant à faire eux-mêmes un bref enseignement. Ce qui me motive, c’est de donner à ces couples chrétiens la joie et la conscience qu’ils peuvent transmettre à leur tour quelque chose. Recevoir cette mission les touche beaucoup, parce qu’ils voient combien ils sont dignes de confiance.
Zenit : Que mettez-vous en place suite à la forte hausse de catéchumènes ?
Mgr Ph. Christory : Nous bénéficions de cet élan que l’on voit partout en France. Aussi nous avons monté une équipe pour soutenir le catéchuménat dans le diocèse et les paroisses, pour former ceux qui accompagnent les catéchumènes. Nous avons lancé un projet de « 9 fondamentaux pour un catéchuménat réussi », que l’on essaie de promouvoir dans les paroisses. Depuis deux ans, nous organisons également pour eux un week-end à Montligeon, l’adoration et la prière les touchent beaucoup.
L’enjeu est que les paroisses puissent offrir aux catéchumènes un espace de formation et de suivi. Cela me tient à cœur mais n’est pas simple : les paroisses n’ont pas toujours les moyens de faire ces propositions. On leur demande cependant de proposer aux catéchumènes un service pour qu’ils soient reliés à d’autres chrétiens, qu’ils soient accueillis avec leurs talents. Sinon, ils pourraient effectivement se sentir déconnectés et abandonnés.
Zenit : Quels sont les autres enjeux rencontrés dans votre diocèse ?

Pèlerinage de Pentecôte 2025 © facebook.com/chartres.cathedralenotredame
Mgr. Ph. Christory : Un gros défi est d’animer la cathédrale de Chartres, car nous recevons et guidons chaque année environ 400 groupes de pèlerins, et nous accueillons aussi de nombreuses personnes individuelles. Il est important pour nous de maintenir la dimension de pèlerinage pour ne pas laisser ce lieu devenir purement touristique et culturel. Pour cela, il nous faut des bénévoles et des prêtres assez nombreux.
Un autre défi est de rejoindre les gens où ils habitent : susciter des communautés qui soient vivantes et accueillantes. Pour cela, nous avons renouvelé depuis un an le concept d’équipe pastorale, en créant des conseils missionnaires paroissiaux.
Nous insistons sur cette dimension missionnaire et l’importance de prendre soin des personnes. Un conseil n’est pas là en premier pour organiser des activités, mais pour nommer les personnes rencontrées et voir comment répondre à leurs attentes spirituelles voire matérielles.
Zenit : Un autre enjeu peut-être : vous accueillez le monde traditionaliste en pèlerinage chaque année. Comment voyez-vous la suite avec Notre-Dame de Chrétienté ?
Mgr Ph. Christory : Depuis que je suis évêque, j’ai fait le choix d’y participer le dimanche après-midi en côtoyant ces pèlerins. Je marche avec plusieurs chapitres qui me passent le micro et me posent leurs questions. Je vois des jeunes très divers qui sont heureux d’être catholiques et d’être ensemble. Le dimanche soir, je dîne avec un chapitre, et nous échangeons sur des questions-réponses très ouvertes.
Cette année, j’ai rappelé que, dans un diocèse, l’évêque a l’autorité apostolique et que la liturgie appartient à l’autorité apostolique et non pas à une association, quelle qu’elle soit. J’ai donc écrit au président de Notre-Dame de Chrétienté quinze jours avant le pèlerinage, en confirmant que je serai bien présent et en rappelant que la forme liturgique habituelle est la forme actuelle de l’Église, c’est-à-dire le nouvel ordo saint Paul VI. Mais que pour le bien de certains fidèles qui aiment la liturgie tridentine, j’autoriserai volontiers les prêtres qui m’en feraient la demande de célébrer sur mon territoire le vetus ordo, le dimanche et le lundi.
Le problème est que l’association ne veut pas que les prêtres célèbrent dans la forme actuelle de l’Église, en ce qui concerne la confession et la messe privée du matin. Ce qui ne correspond pas à sa légitimité. Je n’ai rien voulu bloquer, cependant j’ai remis dans l’ordre les choses, tout en confirmant que la messe du lundi de Pentecôte serait bien célébrée au grand autel de Chartres selon le rite tridentin.
J’aimerais que ce pèlerinage, qui accueille des gens très différents et pas forcément des traditionalistes, accepte que des prêtres puissent célébrer dans la forme de l’Église, s’ils le désirent. Je pense que ce serait un signe d’ouverture de la part des organisateurs. J’espère aussi que le pape Léon XIV va œuvrer dans le sens de la communion de l’Église : c’est son désir en tous les cas.
Zenit : Comment s’est passée l’Année jubilaire des 1 000 ans de la crypte de la cathédrale de Chartres, qui s’est clôturée le 15 août ?

Clôture du Jubilé, 15 août 2025 © facebook.com/chartres.cathedralenotredame
Mr Ph. Christory : Avec le P. Emmanuel Blondeau, recteur de la cathédrale, nous avons préparé un pèlerinage jubilaire avec une centaine de bénévoles. Il s’agissait d’un parcours dans la crypte, avec plusieurs étapes de découverte ou de redécouverte de la Vierge Marie, de l’Esprit Saint, des saints, de la foi qu’on proclame au baptistère. Ensuite, nous proposions aux pèlerins le passage de la Porte sainte en choisissant de suivre le Christ et nous les invitions à prier devant la relique du voile de la Vierge Marie.
Beaucoup de laïcs se sont investis pour guider ces groupes de manière spirituelle. Nous avons accompagné 18 000 personnes en petits groupes. Après la clôture du Jubilé, nous désirons continuer l’expérience avec un projet durable : le reformater et le rendre pérenne pour qu’à l’avenir, tous les pèlerins qui viendront à Chartres puissent faire une démarche similaire, qui est très précieuse.
Zenit : Enfin, vous avez beaucoup parlé de vos joies pastorales. Mais quelle est la plus grande de toutes ?
Mgr Ph. Christory : Après l’Eucharistie, ma grande joie est de voir mes équipes rassemblées, notamment l’équipe des laïcs du diocèse. Joie de voir mes prêtres heureux, qui offrent de belles célébrations et avec qui j’ai célébré des confirmations avec beaucoup de beauté ! Et joie de constater dans notre diocèse une dynamique missionnaire qui, je l’espère, donne du bonheur aux gens. Ma joie, c’est de voir les gens heureux ! Et l’Église d’Eure-et-Loir est sur ce chemin-là, je le crois.
